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Le point sur

Michaël Fouché : « toutes les solutions sont dans la tête des dirigeants »

Le point sur | publié le : 22.11.2021 | Lucie Tanneau

 

Michaël Fouché est managing consultant chez Nicholson Search and Selection. Basé à Londres, ce cabinet de recrutement de profils à haut potentiel dans la tech accompagne les start-up, scale-up et éditeurs de logiciels dans leurs recrutements en France, au Royaume-Uni, en Asie et aux États-Unis.
 
Y a-t-il un problème de recrutement dans la tech en France ?

Il y a un décalage entre le marché et les bassins de talents. La tech manque de 25 000 à 30 000 ingénieurs en Ile-de-France et de plus du double dans le reste de l’Hexagone. Si 65 % à 70 % de l’écosystème est à Paris, quelques pôles se développent, à Nantes, Toulouse, Bordeaux, Marseille, Aix-en-Provence, Strasbourg ou Lille. La répartition est meilleure mais le manque d’ingénieurs informaticiens reste cruel. C’est donc une vraie guerre des talents qui se joue et les salaires ont considérablement augmenté.

Les entreprises se tournent donc vers les régions ?

Elles essaient de trouver des solutions pour recruter en région grâce notamment au full remote qui leur permet de poursuivre leur croissance, même si cela bouscule les habitudes, mais elles le font car elles n’ont pas le choix. Et la crise sanitaire a accentué le phénomène.

Comment font-elles, concrètement ?

On voit que 40 % à 50 % des entreprises parlent de retour au bureau au moins un ou deux jours par semaine, selon les études. Mais il y a aussi le constat inverse, avec des salariés qui sont partis en région et ne veulent pas revenir en Ile-de-France. Quelque 30 % des Franciliens ont envisagé de partir ou sont partis… D’Angers, Dijon, Rennes ou Nantes, ils peuvent facilement revenir quelques jours à Paris tout en gardant leur confort de la vie en région et leur pouvoir d’achat. Cela suppose tout de même des adaptations dans l’organisation interne. Au-delà d’accords signés, la tech est évidemment rompue aux technologies pour suivre les projets et communiquer au quotidien. Par ailleurs, ses start-up donnent de l’autonomie et des responsabilités à leurs salariés, ce qui n’est pas une habitude en France. Elles font également preuve de plus de souplesse dans le management par objectifs et résultats.

Quelles sont les villes les plus prisées ?

Plusieurs cas de figure se présentent mais, généralement, les professionnels vont à Nantes, Bordeaux, Lyon ou Lille, par exemple, souvent des villes dont ils sont originaires. Ils cherchent une vie plus douce et moins coûteuse. Certains salariés renégocient même leur salaire à la baisse pour pouvoir quitter Paris. Mais, de manière générale, les entreprises parisiennes qui recrutent en remote offrent des rémunérations plus intéressantes que les entreprises provinciales et c’est une manière de se sécuriser : un salarié qui vit en province avec un salaire parisien aura plus de mal à se faire débaucher localement !

Au niveau de la cohésion des équipes, comment font ces entreprises éclatées géographiquement ?

Perdre de la culture d’entreprise est en effet un point négatif ou en tout cas un risque lié à ce phénomène. Mais la plupart des salariés sont ouverts à l’idée de venir au bureau un jour par semaine ou une semaine par mois. En outre, la tech a l’habitude d’organiser des événements, des summer ou des christmas parties, des séminaires pour créer du lien.

Vous évoquez le recrutement en région, quid de l’international ?

Il existe en effet de plus en plus de professionnels qui ont des profils et des carrières internationaux, et de même, des entreprises de la tech qui se déploient à l’étranger. Le recrutement à l’international est une bonne stratégie pour trouver des talents. Et de plus en plus d’entreprises sont ouvertes à l’idée d’avoir un directeur implanté dans un pays où elles développent leur marché. Toutes ces solutions sont dans la tête des dirigeants aujourd’hui, car la guerre des talents est internationale. Les Français sont aussi chassés par des sociétés étrangères et certains travaillent pour des entreprises en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni… Enfin, une population de doctorants en France est pour l’heure peu valorisée car considérée comme trop axée recherche et pas assez business. Mais les États-Unis apprécient beaucoup ces doctorants spécialisés IA ou machine learning… Le gouvernement l’a compris en créant le label et le réseau French Tech, qui visent aussi à les garder en France. Réputés à l’international, les ingénieurs français sont, en outre, depuis la crise Covid, recrutés par des entreprises américaines pour travailler depuis la France. Les entreprises ont compris qu’il n’y avait plus de frontières et les talents sont en position de force. Les plus intelligentes changent leur organisation, passent en remote… Le phénomène existait avant la crise mais il s’accélère.

Auteur

  • Lucie Tanneau