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La tech courtise les talents en région

Le point sur | publié le : 22.11.2021 | Lucie Tanneau

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Recrutement : La tech courtise les talents en région

Crédit photo Lucie Tanneau

 

L’écosystème s’est décentralisé et développeurs, ingénieurs et spécialistes des données trouvent désormais des opportunités d’emploi en régions. Aujourd’hui, ils sont même en position de force et choisissent de travailler où ils veulent, y compris de chez eux. Charge aux entreprises de s’adapter.

Une 19e licorne (start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars, non cotée) a émergé en France cet été. Et elle n’est pas parisienne, mais montpelliéraine. Spécialisée dans les avantages salariaux dématérialisés et l’engagement collaborateurs, Swile, c’est son nom, devrait doubler ses effectifs d’ici fin 2022 pour atteindre le millier de collaborateurs. Elle emploie aujourd’hui 500 personnes, dont 30 % à Montpellier, 30 % à Paris et 30 % en full remote. « Le fait que Swile devienne notre 19e licorne est emblématique de l’essor fulgurant de la French Tech, commentait Cédric O, secrétaire d’État en charge de la transition numérique et des communications électroniques, dans le sillage de la levée de fonds de l’entreprise. En quelques années, les start-up sont devenues des moteurs de croissance et de création d’emplois et ce, sur tout le territoire. » Selon les derniers chiffres de l’Insee disponibles sur l’emploi salarié dans le secteur du numérique, l’Ile-de-France « concentre, à l’échelle nationale, près de la moitié des emplois de ce domaine, contre un emploi sur cinq pour l’ensemble des secteurs d’activité », soit 521 200 emplois (en 2016). L’Insee note aussi une accélération de l’emploi en région : + 6,3 %, contre + 2,5 % en Ile-de-France entre 2007 et 2016. Les chiffres depuis le début de la crise ne sont pas encore disponibles, mais on peut imaginer un écart encore plus en faveur des régions.

Des territoires attrayants

Les annonces de recrutements dans la tech fleurissent en effet désormais un peu partout, avec encore une majorité à Paris et dans les grandes villes, certes, mais plus seulement. L’Américain Full Speed Automation, entreprise de la Silicon Valley, a ainsi choisi Angers pour implanter son premier bureau en Europe cette année et prévoit le recrutement d’une dizaine d’ingénieurs. « Plusieurs territoires étaient en concurrence, mais nous avons choisi Angers car il y a ici un équilibre très réussi entre dynamisme industriel, présence de grandes écoles d’ingénieurs et qualité de vie », précise Luc Leroy, le PDG de Full Speed Automation et ancien patron de la branche automatisation du géant automobile Tesla. C’est aussi en dehors de Paris, à Albi, que s’est installé le Français Report One, éditeur de solutions de business intelligence pour les PME. Avec 80 salariés et 150 d’ici 2023, la société ne regrette pas son choix. « Le recrutement est un enjeu extrêmement important pour maintenir notre innovation, et bien sûr, si nous cherchions à Paris, nous aurions des candidats en deux jours, mais à Albi, nous en trouvons également », souligne l’un des fondateurs, Thibaut Chesné. « Nombre des développeurs que nous recrutons sont originaires de la région et cherchent à retrouver un meilleur confort de vie, ajoute-t-il. Le marché de la data est si porteur que les professionnels savent qu’ils ne vont pas s’enterrer en quittant Paris. » Ils osent donc faire un choix géographique différent. « Nous proposons en outre un certain nombre d’avantages – crèches, plan d’intéressement, primes… – pour finir de convaincre les candidats de nous rejoindre, poursuit Thibaut Chesné. Et recruter en province est plus simple qu’à Paris, où la concurrence est plus forte et la partie salaire entre davantage en jeu. » De quoi le conforter un peu plus dans son choix albigeois. Enfin, les événements en région, et notamment à Toulouse, écosystème de la tech aéronautique, se développent, favorisant ainsi l’émulation.

Label French Tech

C’était bien l’ambition affichée lors de la création, par le gouvernement, du label « French Tech », en 2013. Le réseau regroupe aujourd’hui quelque 13 « capitales French Tech », 45 « communautés » sur le territoire et 63 autres dans près de 100 villes à travers le monde. « La labellisation de villes French Tech a contribué il y a quelques années à redynamiser les régions. La démocratisation du télétravail a donné un coup d’accélérateur à ce phénomène, aussi bien au sein des start-up que des PME et des grands groupes. En parallèle, le marché de l’emploi s’étant tendu pour certains métiers, il devient donc encore plus important de s’adapter aux salariés pour pérenniser la relation avec ces talents, au siège comme dans les territoires », analyse Julien Gargowitsch, CEO de Nicholson Search and Selection, un cabinet basé à Londres (et qui vient d’ouvrir un bureau à Nantes), spécialisé dans le recrutement pour la tech. Les professionnels qui aident les entreprises à recruter ou ceux qui accompagnent les salariés dans leur mobilité se tournent eux aussi vers la province. La plateforme Paris Je Te Quitte, bien connue des anciens cadres parisiens, a par exemple publié une carte des start-up en région début 2021.

Qualité de vie

« Les salariés en région ont fait ce choix avant tout pour bénéficier d’un cadre de vie agréable et les entreprises ont tout intérêt à offrir un rythme de travail laissant plus de place aux projets personnels », souligne en outre Julien Gargowitsch, en ajoutant que Nicholson Search and Selection a mis en place la semaine de quatre jours depuis plusieurs années. Dans le sens également de la qualité de vie au travail, l’éditeur de solution de vidéoconférences sécurisées Tixeo a fait le choix du full remote depuis six ans. Créée à Montpellier en 2004, Tixeo y dispose encore de 100 m2 de bureaux… vides ! « Nous avions tous des problèmes de transport et de bouchons, cela a été un élément déclenchant. Et puisque notre cœur de métier est de proposer des solutions de visio, nous devenons, en full remote, le premier utilisateur de notre solution », sourit le CEO, Renaud Ghia. Au niveau du recrutement, il se félicite d’avoir aujourd’hui « un problème de choix »… « Si nous étions limités géographiquement dans le passé, aujourd’hui, nous pouvons même trouver des profils rares en région », indique-t-il. Tixeo a 22 collaborateurs répartis sur toute la France et qui se retrouvent quatre fois par an pour un séminaire « sans travail » de deux ou trois jours. « Le fait d’être à 100 % en télétravail répond aussi à une demande de certains développeurs qui veulent choisir leur lieu de vie, voire à des jeunes qui veulent travailler tout en voyageant », constate-t-il. Une réponse, peut-être, aux difficultés de recrutement…

Auteur

  • Lucie Tanneau