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Le fait de la semaine

Lanceurs d'alerte: "les DRH auront un rôle très important" (Constantin Achillas, avocat du cabinet Bryan Cave Leighton Paisner)

Le fait de la semaine | publié le : 22.11.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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« Les DRH auront un rôle très important »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Quelles évolutions majeures apporte la directive européenne ?

Une protection sera accordée aux « tiers en lien avec le lanceur d’alerte », c’est-à-dire des personnes physiques ou morales, comme des associations ou des syndicats, qui ont aidé le lanceur d’alerte. Cette protection doit les abriter des mesures de rétorsion comme un licenciement. La loi devrait être assez précise sur la définition des rétorsions. Une autre évolution concerne le dispositif d’alerte. La loi Sapin II prévoit que le lanceur d’alerte ne peut saisir une autorité judiciaire qu’en cas d’absence de diligence de la personne destinataire de l’alerte dans un délai raisonnable. La directive donne le choix au lanceur d’alerte. Il peut passer par le canal interne ou le canal externe qui regroupe aujourd’hui les autorités judiciaires, administratives et les ordres professionnels. Par défaut, il pourra saisir le Défenseur des droits qui l’orientera vers l’autorité concernée.

En quoi les DRH seront-elles concernées par cette évolution de la réglementation ?

Les DRH seront concernées par la manière dont l’entreprise communique avec tous ses salariés, qui peuvent tous devenir de potentiels lanceurs d’alerte et doivent donc connaître les procédures pour exercer leurs droits. Lorsque sera paru le décret précisant quelles autorités externes pourront être saisies, les DRH devront mettre ces informations à la disposition des salariés. Elles devront aussi s’assurer du respect des délais prévus par la directive pour la procédure de signalement en interne : la délivrance d’un accusé de réception de signalement sous sept jours et un retour d’information sous trois mois. L’enjeu réputationnel est considérable, car si ces délais ne sont pas respectés, le salarié est autorisé à recourir à la divulgation publique. Il est donc très important que les procédures soient précisément décrites, mises en place et actives. À tout moment, les salariés doivent pouvoir recourir à un processus opérationnel. Un numéro de téléphone sans personne pour répondre ne sera pas considéré comme un dispositif valable…

Quel rôle auront les DRH dans la relation avec le lanceur d’alerte ?

Les DRH auront un rôle très important à jouer, car la directive autorise le salarié à engager une divulgation publique s’il estime qu’il y a des risques de rétorsion, y compris hors du champ professionnel. La notion de rétorsion devient donc très sensible. Si une personne fait un signalement et que l’entreprise lui accorde un congé, cela peut être interprété par le salarié comme une mise à l’écart, voire comme une volonté de l’isoler. Si l’entreprise demande un suivi médical du salarié, cela peut aussi être considéré comme une rétorsion. La façon dont l’entreprise va réagir et traiter la personne qui fait un signalement va devenir extrêmement sensible, car la notion de rétorsion est élargie. Les DRH devront se comporter avec une grande prudence dans les relations avec les lanceurs d’alerte ou les personnes protégées. Les DRH devront toujours rechercher le consentement libre et éclairé du salarié lorsqu’elles lui feront une proposition. Il ne faut pas que ce soit une recommandation de l’entreprise qui laisse ouverte la possibilité de penser que le salarié n’a pas eu le choix. L’exercice sera délicat, car il peut y avoir une certaine subjectivité dans la façon dont les mesures proposées ou mises en œuvre seront appréciées.

Qu’en sera-t-il de la confidentialité du signalement ?

La confidentialité sera un autre point clé pour les DRH. Le lanceur d’alerte ne doit pas se sentir exposé et ses collègues n’ont pas à savoir qu’il a effectué un signalement. La confidentialité des échanges sera primordiale. Un entretien dans un open space au sujet d’un signalement concernant le comportement d’un supérieur hiérarchique peut être considéré comme une exposition qui peut amener d’autres personnes à être informées et cela peut être interprété comme une rétorsion. Le salarié doit être placé dans un cadre qui doit assurer la confidentialité des échanges. Les DRH ont d’autant plus de probabilité de se retrouver sur le chemin du signalement que les entreprises choisissent assez souvent le DRH comme référent, même si ce n’est pas une généralité, en particulier dans les petites entreprises. Dans les PME, où tout le monde se connaît et où il y a rarement de DRH, le dispositif ne sera pas facile à mettre en place.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins