logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le pont sur

Stratégie d’entreprise : L’actionnariat salarié, un levier pour sortir de la crise ?

Le pont sur | publié le : 15.11.2021 | Lucie Tanneau

Image

Stratégie d’entreprise : L’actionnariat salarié, un levier pour sortir de la crise ?

Crédit photo Lucie Tanneau

En associant les collaborateurs au capital de l’entreprise, ce dispositif offre aux employeurs des avantages financiers, mais aussi des atouts RH. Reste que pour les syndicats, rien ne remplace une augmentation de salaire…

Le 1er juin dernier, le gouvernement dévoilait un plan d’action à destination des entreprises en situation de fragilité. Son objectif : les accompagner pendant la sortie de crise afin d’éviter des faillites. Presque deux ans après le début de la pandémie, les sociétés sont en effet en quête de liquidités et d’un soutien des actionnaires et des salariés pour rebondir. L’actionnariat salarié, qui conjugue capital et travail, pourrait être un outil de choix.

« Dans le contexte de la relance, les entreprises ont besoin de reconstituer leurs fonds propres et l’actionnariat salarié est un moyen de le faire, sans repasser par des prêts relais et augmenter encore leur dette », souligne ainsi Loïc Desmouceaux, le président de la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés (FAS). Le label Relance, créé par le gouvernement en octobre 2020, permet aux épargnants d’apporter une réponse aux besoins de financement des entreprises et de mobiliser leur argent pour la relance. Or les Français ont économisé 142 milliards d’euros de plus que d’habitude pendant la pandémie. « Cela peut offrir aux entreprises de toutes tailles des ressources significatives et pérennes, seules ou aux côtés d’autres investisseurs publics ou privés, tout en renforçant la confiance des salariés dans leur entreprise et en les faisant davantage bénéficier de la valeur créée grâce à cette association au capital », argumente le président de la FAS. Avec un avantage : « Les salariés sont des investisseurs de long terme. En moyenne, ils conservent leurs actions dix ans et souvent sur des durées beaucoup plus longues », souligne Loïc Desmouceaux. De quoi offrir une résilience accrue face aux aléas boursiers.

Capital humain

Le décryptage de la dernière enquête d’Eres, gestionnaire de plans d’actionnariat salarié, sortie en juillet 2021, montre les avantages du dispositif. Ainsi, les 46 sociétés du SBF120 qui ont réalisé au moins une opération d’actionnariat salarié entre 2018 et 2019 affichent, par salarié, un meilleur résultat d’exploitation. « L’actionnariat salarié représente un levier de motivation pour les collaborateurs, ainsi qu’une force d’attraction et de fidélisation des talents. D’autant que les entreprises ayant une bonne culture d’actionnariat salarié semblent davantage valoriser le capital humain par rapport aux entreprises à faible culture », explique Pierre-Emmanuel Sassonia, directeur associé d’Eres. En effet, leur taux de départs volontaires est inférieur (7,2 % contre 9,7 %) et leur taux de licenciement est également moindre (3 % contre 5,3 %).

Pour ce spécialiste, c’est donc « un moyen de sortir de la crise, car cela permet de passer un accord avec le salarié à qui l’employeur ne peut pas offrir d’augmentation de salaire aujourd’hui ». Et « cela permet d’associer les salariés au partage de la valeur future, sans augmenter les charges fixes et la masse salariale dans le contexte actuel », renchérit Mirela Stoeva, responsable des études chez Eres.

C’est bien ce qui chagrine les syndicats… « En temps de crise, c’est une politique salariale qu’il faut. D’autant que les petits salaires ne mettent pas leur participation ou intéressement dans les plans d’actionnariat salarié », martèle Nadia Zak Calvet, déléguée centrale CFDT en charge de l’actionnariat salarié chez Orange, qui défend néanmoins le principe. « C’est un placement intéressant, dit-elle. Mais la politique salariale permet un partage de valeur plus fort. »

Elle aimerait d’ailleurs davantage d’offres réservées au personnel chaque année, comme c’est le cas chez Bouygues, où les actionnaires salariés détiennent 20 % du capital (contre 6 % chez Orange).

Tous actionnaires en 2030 ?

Le gouvernement a repris à son compte l’objectif des fédérations d’actionnariat salarié, qui souhaitent que 10 % du capital des entreprises soient détenus par les collaborateurs en 2030. Si la France est une bonne élève en Europe, avec près de trois sociétés cotées sur quatre proposant un plan d’actionnariat salarié collectif (contre moins d’une société européenne sur deux), les salariés actionnaires français ne détiennent que 3,5 % du capital des entreprises cotées. Et seules 4 % des PME ont ouvert leur capital à leurs salariés. « Cela reste un mécanisme mal connu des petites entreprises et elles n’ont pas les moyens de s’entourer d’experts financiers pour gérer ces plans », explique Hélène Cardoni, enseignante-chercheuse à l’université de La Rochelle. « Impliquer les salariés dans la création de valeur génère un sentiment d’appartenance. Et le fait d’être acteur de son entreprise permet de voir les choses sous un autre angle », avance de son côté Valérie Roudier, responsable administration, paie et formation de Trescal France (société de services d’instrumentation industrielle), qui a lancé juste avant la crise son 4e plan d’actionnariat salarié.

Aventure collective

« Le lien social et la cohésion vont être des moteurs fondamentaux de la relance. Il faut sensibiliser les entreprises sur cette dimension managériale de l’actionnariat salarié, puissant levier de cohésion, de motivation et de partage de la valeur », a d’ailleurs relevé Benoît de Ruffray, PDG d’Eiffage, lors du colloque de la FAS, en février dernier. Eiffage a plus de trente ans d’expérience d’actionnariat salarié et des taux de souscriptions de plus de 75 % dans l’ensemble des pays qui ont participé à des augmentations de capital. Également président de la Fondation Promotion Épargne Actionnariat Salariés (Fondact), il estime que la perception de l’actionnariat salarié comme avantage financier doit se transformer en une véritable aventure collective.

Enfin, pour Jean-Noël Barrot, député des Yvelines et vice-président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, « il y a un intérêt à positionner les actionnaires salariés pour les années à venir alors que, dans la crise, la participation et l’intéressement peuvent baisser », a-t-il déclaré lors du colloque de la FAS. Reste que la disparité entre PME, ETI et entreprises cotées est forte et que si certains secteurs, comme le BTP, ont une tradition dans ce domaine, d’autres, dont le luxe, y sont allergiques…

Auteur

  • Lucie Tanneau