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Le fait de la semaine

« Nous vivons un moment charnière entre simple enjeu marketing et création de véritables obligations »

Le fait de la semaine | publié le : 08.11.2021 | Olivier Hielle

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« Nous vivons un moment charnière entre simple enjeu marketing et création de véritables obligations »

Crédit photo Olivier Hielle

L’avocat en droit de l’énergie et de l’environnement au cabinet Jeantet décrypte les évolutions en cours au point de vue réglementaire et les obligations auxquelles vont devoir faire face les entreprises.

Le législateur semble encore timide pour imposer de réelles contraintes aux entreprises en ce qui concerne l’environnement, est-ce que cela va changer ?

Oui, les lignes commencent à bouger sur le front de la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Et cette tendance n’est pas franco-française, mais mondiale ! Nous vivons aujourd’hui un véritable moment charnière. Et nous constatons d’ailleurs que les entreprises se préparent. Si, par le passé, les engagements des entreprises étaient scrutés, ils sont aujourd’hui sanctionnés. Et si, ces dernières années, les manquements concernant la lutte contre le dérèglement climatique l’étaient essentiellement en termes d’image et de réputation auprès des consommateurs, nous pouvons nous attendre à de nouvelles obligations et, en conséquence, à des sanctions judiciaires. La jurisprudence commence d’ailleurs déjà à s’étoffer, avec notamment le procès sur la qualité de l’air, l’Affaire du siècle, le procès Grande-Synthe… Si c’est le gouvernement qui est en première ligne dans ces cas, en parallèle, d’autres actions sont menées directement par les citoyens contre les entreprises pour faire reconnaître leur responsabilité en matière environnementale. Le géant pétrolier Total est notamment visé. Il y a donc une perception nouvelle de l’entreprise, qui fait partie des acteurs qui comptent et sur laquelle la société tout entière compte.

Comment s’est déroulée cette évolution ?

La France a été plutôt innovante sur ces sujets. C’est d’ailleurs l’une des premières nations à avoir adopté une réglementation. On ne s’en souvient pas forcément mais, dès 2001, la loi NRE a formalisé des exigences en matière de reporting environnemental. Certes, la démarche s’est ensuite un peu essoufflée. Le législateur a donc souhaité la relancer lors du Grenelle de l’environnement, fin 2007. Depuis, l’accent est réellement mis sur l’aspect finance durable. Les opérateurs sont visés, mais aussi les gestionnaires d’actifs et les intermédiaires. En outre, depuis la loi Pacte, les entreprises sont soumises à un devoir de vigilance environnementale, mais nous n’avons pas assez de recul sur ce texte. Le gouvernement mène une réflexion pour savoir si le curseur est bien fixé. Rien n’est encore figé.

Et au niveau de l’Union européenne ? Il semble qu’elle ait un peu de retard sur ces enjeux…

C’est vrai, l’Europe était plutôt en retrait. Il y a pourtant une véritable nécessité d’harmoniser les pratiques au sein de l’Union ! Pour l’instant, Bruxelles se concentre principalement sur l’industrie financière. Nous assistons progressivement à une montée en puissance des considérations environnementales. L’adoption récente du règlement européen sur la taxonomie verte, cette classification standardisée visant à évaluer la durabilité de 70 activités économiques, représentant 93 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, devrait permettre de structurer et d’harmoniser certaines pratiques, compatibles avec l’Accord de Paris, notamment en matière de transparence et de respect de critères qualitatifs et quantitatifs. Cela va permettre de favoriser les investissements durables. L’Union européenne prépare aussi une directive de Corporate Sustainability Reporting (adoptée par la Commission le 21 avril dernier, NDLR), qui va donner plus de poids à l’information extra-financière. Nous constatons donc que cette évolution en cours va passer d’une RSE volontaire de la part des entreprises à des obligations positives. Cela impose aux entreprises non seulement de s’adapter face aux risques en termes d’image et de réputation mais aussi en matière de sanctions – qu’elles soient financières ou judiciaires…

Auteur

  • Olivier Hielle