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Patrick Lévy-Waitz: « la réussite économique des territoires passera par les tiers lieux »

Le point sur | publié le : 25.10.2021 | Dominique Perez

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« La réussite économique des territoires passera par les tiers lieux »

Crédit photo Dominique Perez

 

Après un premier rapport remis cet automne sur les tiers lieux, Patrick Levy-Waitz s’est vu confier par le Premier ministre une mission pour aider à leur croissance.
À quels besoins répond le développement des tiers lieux ?

Patrick Lévy-Waitz: Regardons les faits : ils étaient environ 1 000 en 2017, ils approcheront probablement les 4 000 fin 2022. Factuellement, il se passe quelque chose qui relève du phénomène de société, car il n’y a pas d’autres mouvements équivalents depuis les années 1960 et la naissance de l’éducation populaire. Aujourd’hui, les tiers lieux sont à l’image de la France d’après Covid, même si le mouvement avait commencé bien avant. Ils sont par excellence la cristallisation des quatre grandes révolutions que l’on connaît actuellement : numérique, qui transforme nos vies, écologique, en mettant au goût du jour les circuits courts et l’économie circulaire qui viennent créer des activités sur les territoires, travail, avec la croissance du télétravail, et enfin, c’est une révolution de l’apprentissage, par « le faire ». On découvre aujourd’hui par exemple qu’on a oublié les métiers d’art et d’artisanat et que l’on manque singulièrement de métiers déterminants pour le développement territorial. Le dispositif « Manufactures de territoire », lancé par l’État, permettra d’aider des tiers lieux dévolus à la production et d’avoir accès à des machines mutualisées et à un écosystème de compétences. Ces tiers lieux deviennent le symbole de ces révolutions, ils y apportent des réponses. C’est tellement vrai qu’il n’y a plus aucune organisation collective qui ne réfléchit pas à faire son tiers lieu.

Le coworking est prédominant dans beaucoup de tiers lieux. N’y a-t-il pas un risque de les résumer à cela ?

P. L-W: Quand, en 2018, le président de la République a demandé à l’association France tiers lieux de piloter une mission, elle se nommait la mission coworking. On voit aujourd’hui que la sémantique a changé, car le terme « tiers lieux » n’avait pas alors passé les périphériques parisiens. Trois ans après, le rapport a changé de titre et s’appelle « Faire ensemble pour mieux vivre ensemble ». Quelque chose s’est donc produit… en l’espace d’un an et demi, nous nous sommes installés dans le paysage. Le tiers lieu est un endroit où s’hybrident des activités d’un genre nouveau, où une communauté humaine fait société et « fait » quelque chose, collectivement. Les espaces de coworking classiques ne font pas obligatoirement tiers lieux, mais réunissent tout de même des personnes qui peuvent réaliser des choses ensemble qu’elles n’auraient pas faites autrement. Bien entendu, certains usurpent le titre de tiers lieu mais personne ne s’y trompe, si vous ne faites pas communauté, l’espace sera laissé pour compte.

Quelle est la place des entreprises dans ce mouvement ?

P. L-W: C’est une aventure dans laquelle les entreprises vont devoir embarquer. Toutes celles qui ont des réseaux territoriaux, par exemple le monde bancaire et la distribution alimentaire, seront obligées de mailler leur activité sur le territoire en aidant à utiliser les tiers lieux. Nous sommes au tout début de cette hybridation entre le monde des tiers lieux et le monde économique, mais la réussite économique passera par cette hybridation. Des enseignes de grande distribution qui ont des circuits locaux s’adjoignent déjà à des tiers lieux.

Et quels sont les obstacles actuellement ?

P. L-W: Il existe trois grandes familles d’obstacles : d’abord, la question de la cybersécurité : il faut sécuriser les données. Ensuite, la verticalité des politiques publiques, qui se joue encore ministère par ministère et empêche la transversalité des initiatives et des soutiens. Enfin, il faut réussir à impliquer les entreprises dans un mode de gouvernance partagée sur un même lieu. Les tiers lieux pourront parvenir à trouver leur modèle économique en collaborant avec le monde des entreprises et les collectivités, la pérennisation passe par là. Mais alors que tout le monde pensait que les tiers lieux sont sous perfusion, selon notre rapport, 50 % sont en financement privé, et 50 % public. Le mouvement est donc engagé.

Auteur

  • Dominique Perez