logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le fait de la semaine

La parole se libère sur le cancer au travail

Le fait de la semaine | publié le : 25.10.2021 | Lys Zohin

Image

Santé : La parole se libère sur le cancer au travail

Crédit photo Lys Zohin

 

Dans le cadre d’Octobre rose, la campagne annuelle destinée à sensibiliser sur le cancer, Entreprise & Carrières fait le point sur les avancées, aussi bien en matière d’informations que d’accompagnement dans les entreprises. Et sur les écueils qui subsistent.

Tandis que la crise sanitaire a renforcé les discussions autour de la santé au travail, « le monde découvre ce que nous, malades, connaissons depuis des années », souligne Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice et administratrice de Cancer@Work, un réseau qui fédère les acteurs du monde du travail autour de l’emploi des personnes malades du cancer. La campagne annuelle Octobre rose vise précisément à sensibiliser sur le cancer – du dépistage aux soins en passant par le maintien au travail. Chaque jour en France, 1 200 personnes apprennent qu’elles sont atteintes d’un cancer et parmi elles, 40 % travaillent, selon Cancer@Work, ce qui représente environ 175 000 à 180 000 actifs diagnostiqués par an, dont près de 60 000 femmes, souffrant principalement d’un cancer du sein. En outre, si l’on prend comme référence la prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale au titre d’une affection longue durée, qui englobe les cancers, 15 % des actifs sont concernés. Et du fait que ces pathologies sont de plus en plus répandues, dans une population salariée qui risque d’être de plus en plus âgée à l’avenir, autant dire que les entreprises ont un rôle central à jouer.

Or « quand on est au travail, on n’est pas malade… », poursuit la fondatrice de Cancer@Work. Autrement dit, on se doit de performer, sinon on est en congé maladie… À moins de parler de son cancer, de son traitement et des effets qu’il induit au travail. C’est, selon le dernier baromètre Cancer & Travail de Cancer@Work, réalisé par OpinionWay avec le soutien de Malakoff Humanis, le cas de la moitié des personnes sondées aujourd’hui. Certes, c’est plus qu’en 2013, lorsque la même étude avait conclu que seuls 20 % des salariés affectés s’ouvraient sur leur cancer au travail. La parole se libère, donc. Il n’en reste pas moins qu’une personne sur deux atteintes d’un cancer le tait à son entourage professionnel… « C’est encore un tabou, explique Anne-Sophie Tuszynski. Au nom de la frontière entre vie privée et vie professionnelle, mais aussi par peur d’une stigmatisation, sans oublier les craintes d’un licenciement lié à une longue absence – or certains cancers deviennent maintenant chroniques. » C’est pour briser ce tabou et accompagner les entreprises dans les mesures à prendre pour aider les salariés souffrant d’un cancer, de même que les équipes, que Cancer@Work propose une charte d’engagement. Le but étant pour les entreprises de mieux intégrer la maladie et d’en faire un thème stratégique. « C’est d’autant plus important que selon notre dernier baromètre, une personne sur deux qui souffre d’un cancer et s’absente n’est pas remplacée, ce qui implique des reports de charges de travail pour le collectif », ajoute Anne-Sophie Tuszynski. Une centaine d’entreprises ont déjà signé la charte. C’est bien, mais si l’on prend en compte le fait qu’il existe environ deux millions de sociétés en France, c’est peu…

Pas de recettes toutes faites

Les mesures d’accompagnement que peuvent prendre, en fonction de leurs spécificités, les employeurs et leurs DRH sont variées : elles vont d’une formation aux managers pour accueillir la parole de leurs collaborateurs à du coaching des salariés affectés en passant pour des ateliers d’informations pour tous. Avec en filigrane toujours le même souci, celui de l’écoute des besoins. À cet égard, selon le dernier baromètre Cancer &Travail, 56 % des personnes interrogées pensent que l’entreprise devrait davantage accompagner les salariés touchés par un cancer. C’est particulièrement le cas des actifs ayant eu cette maladie : 37 % d’entre eux souhaitent un meilleur accompagnement des salariés en situation de fragilités (contre 28 % pour l’ensemble des actifs), par, notamment, la mise en place de formations pour les managers (25 % des personnes ayant eu un cancer, contre 16 % pour l’ensemble des actifs) et d’ateliers de sensibilisation (20 % contre 11 %). Enfin, 30 % des personnes interrogées déclarent connaître au moins un des dispositifs d’accompagnement proposés par leur entreprise.

Retour au travail

« Les personnes que nous accompagnons, à 95 % des femmes, ne sont pas dirigées vers nous par l’employeur ni par Pôle emploi, elles viennent directement ou par le biais du personnel médical ou social », souligne pour sa part le coach Sylvain Seyrig, qui a intégré l’équipe de la Ligue contre le cancer de Paris pour coordonner et développer le service coaching-retour à l’emploi. Cela dit, à la demande des entreprises, la Ligue contre le cancer a également lancé un programme de sensibilisation des managers et des assistantes sociales dans les organisations.

Si l’étude Cancer & Travail révèle que 88 % des actifs ayant eu un cancer ont repris le travail, « il reste une marge de progression, puisque 20 % d’entre eux n’ont pas le sentiment d’avoir retrouvé leur place », souligne le commentaire. Perte de repères après une absence de plusieurs mois, craintes de ne plus être à la hauteur : « Le retour au travail est souvent stressant, pointe Sylvain Seyrig. Et si l’entreprise est elle aussi stressante, le retour est d’autant plus délicat. » Ce coach travaille particulièrement sur la confiance en soi, souvent perdue à l’occasion d’un tel accident de santé, en particulier pour les femmes. « Nous offrons par exemple des cours d’art-thérapie. Les femmes travaillent sur leur rapport au corps, à l’aide, entre autres, de modelages à base d’argile », détaille-t-il.

En outre, le retour au travail s’accompagne souvent d’un questionnement sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, afin, notamment, de préserver la santé retrouvée. « Nombreux sont les salariés ayant eu un cancer qui revisitent cet équilibre, quitte à changer de poste ou à se reconvertir », ajoute ainsi Sylvain Seyrig. Reste que selon lui, la mécanique pour la mobilité interne n’est pas forcément bien huilée et les temps partiels pas toujours faciles à mettre en place, sans parler des dérives, les anciens malades qui reviennent à temps partiel voyant encore trop souvent leur charge de travail retrouver le niveau d’un plein-temps malgré leur nouveau statut… En somme, c’est donc l’avant, le pendant et l’après que les entreprises doivent gérer – pour le bien des équipes.

Auteur

  • Lys Zohin