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Aurélie Ajmi: « l’individualisation des rémunérations n’est pas une bonne politique »

L’actualité | publié le : 25.10.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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« L’individualisation des rémunérations n’est pas une bonne politique »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

 

Selon l’associée du cabinet Convictions RH, si recruter vite en proposant un salaire plus élevé est tentant, cette pratique présente des risques à court et moyen terme.
 
Dans quels cas peut-il exister de fortes disparités de rémunération entre collaborateurs d’une même équipe ?

Aurélie Ajmi: Il y a deux cas à bien distinguer. Dans le premier cas, les écarts de rémunération sont justifiables, c’est-à-dire qu’ils correspondent à une réalité, reposant sur des faits tangibles. S’il s’agit d’une expertise rare, l’écart devient justifiable. Cet écart doit correspondre à une politique de rémunération qui est établie à partir de critères objectifs. Si une explication doit être fournie, il ne faut jamais être nominatif mais rattacher les écarts qui sont questionnés à la politique de rémunération. Dans un tel cas de figure, il n’y aura pas de sentiment d’injustice. L’entreprise peut même encourager les collaborateurs des équipes concernées à acquérir les expertises rares qui peuvent leur permettre d’accéder à de meilleures rémunérations. C’est le cas au Canada où les observatoires des métiers des grands groupes établissent des listes de compétences particulièrement recherchées. Les salariés qui les acquièrent peuvent bénéficier d’un bonus mais les compétences doivent être régulièrement mises à jour afin de maintenir le versement du bonus. Dans le second cas, les différences de rémunération ne peuvent pas être rationnellement justifiées.

Quels risques induisent les écarts de rémunération ?

A.A: Avoir des équipes avec de forts écarts de rémunération induit effectivement des risques. Il peut y avoir une perte de motivation des collaborateurs qui ne bénéficient pas de ces hautes rémunérations. Ce type de configuration augmente aussi la probabilité de départs, tout comme elle peut réduire le niveau de collaboration entre membres de l’équipe. Le manager est également exposé, puisqu’il peut perdre sa crédibilité. Pour les collaborateurs, le manager incarne la direction. C’est lui notamment qui annonce les augmentations accordées après les entretiens annuels, même s’il n’est pas décisionnaire. Ces risques peuvent produire une situation toxique de travail qui va réduire la productivité et l’efficacité de l’équipe. Lorsqu’une équipe apprend que l’entreprise cherche à recruter une autre personne disposant des mêmes compétences et propose une rémunération plus élevée car la situation est urgente, cela peut générer des tensions graves. Les collaborateurs vont probablement changer d’attitude vis-à-vis du manager. L’impact a toutes les chances d’être très négatif sur la qualité de vie au travail mais aussi l’efficacité et la productivité. À cela s’ajoute la possibilité que les membres de l’équipe commencent à envisager leur départ de l’entreprise… Dans un tel cas de figure, le sentiment d’injustice rend très difficile de revenir à une situation apaisée.

Que faire lorsque de fortes disparités existent dans une équipe ?

A.A: Quand de fortes disparités de rémunération existent dans une équipe, il faut traiter le fond du problème. Cela peut se faire progressivement, par étapes, sur deux ou trois ans, par exemple, à condition d’expliquer aux autres membres de l’équipe que leurs préoccupations ont été bien prises en compte. C’est une politique qui repose à parts égales sur la rémunération et le management. Attribuer des primes peut constituer une autre possibilité, mais c’est une pratique qui présente des risques. Si un collaborateur est très bien payé et que des primes sont attribuées aux autres, cela n’ajoutera qu’une nouvelle inégalité, or c’est précisément ce qu’il faut éviter. L’individualisation des rémunérations n’est pas une bonne politique. Par type de population, il faut appliquer les mêmes critères, pour que chacun sache que les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Les difficultés de recrutement sont réelles et beaucoup d’entreprises sont prêtes à faire des efforts sur la rémunération, mais elles sont aussi conscientes que cela induit des risques. Les entreprises souhaitent objectiver les critères et pouvoir les partager avec leurs équipes. Nous sommes aussi très sollicités dans le domaine de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cela tient à une meilleure compréhension des entreprises du potentiel de leurs collaborateurs et de l’intérêt de développer leurs compétences. Dans la situation de reprise, les entreprises vont recruter mais elles tablent aussi sur leurs ressources internes pour pourvoir des postes.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins