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Les clés

La course au temps des facteurs

Les clés | À lire | publié le : 18.10.2021 | Lydie Colders

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La course au temps des facteurs

Crédit photo Lydie Colders

Dans Le Caché de La Poste, le sociologue Nicolas Jounin explore les coulisses du travail des facteurs. Réorganisations, temps minuté : une enquête critique sur des cadences toujours plus poussées.

Mais que se passe-t-il à La Poste ? Les problèmes de distribution du courrier et les réclamations s’accumulent. L’activité courrier est en chute libre avec le numérique, les effectifs de facteurs (77 000) aussi. Reste « qu’on envoie tout de même quelque dix milliards de lettres simples chaque année ». Et le nombre de boîtes aux lettres augmente avec l’urbanisation : de 33 millions il y a dix ans, il atteint « 41 millions en cette fin de la décennie », relève Nicolas Jounin. Pour le sociologue, le problème est plutôt dans « la recherche de productivité intense » de La Poste depuis sa privatisation, qui détériore les conditions de travail. Pour comprendre cette réalité, il s’est fait embaucher comme facteur il y a quelques années dans un centre de La Poste à Nanteuil (Deux-Sèvres). Il en a tiré une enquête un peu brouillonne, illustrative d’un emploi du temps malmené. Si le facteur est si pressé, si le turnover s’accélère, c’est que les centres de courriers font l’objet « de réorganisations incessantes », tous les deux ans, explique-t-il. Les CDD et intérimaires ont remplacé les fonctionnaires, qui ne « sont plus qu’un quart environ à Nanteuil ». La charge des tournées est devenue « irréaliste. »

Un temps ultra-chronométré

Embauché « une veille de réorg », Nicolas Jounin raconte des débuts difficiles. Sa tournée, calculée par Dominique, « l’organisateur », est fixée à la seconde près : « 3 heures, 43 minutes et 59 secondes », sur une journée de 7 heures. Un rythme intenable pour un débutant. Même en supprimant les pauses, « je rame, je rentre après l’heure », écrit-il. Il montre que même des facteurs confirmés songent à démissionner, enchaînant des journées qui démarrent tôt (5 h 45), et finissent parfois « entre 15 h et 17 h », si le tri du courrier s’ajoute. Son livre évoque « un ras-le-bol » de certains postiers, d’autres étant plus « résignés » face aux consignes changeantes. On cerne toutefois mal l’impact concret du fameux « organisateur » du site, chargé d’optimiser les tournées et de supprimer des « positions de travail » (« faire avec – 4 »). Le sociologue reste trop nébuleux sur ces réorganisations qui usent les postiers. Il préfère analyser « la boîte noire » de l’algorithme qui calcule tout, jusqu’au temps de remise d’un recommandé (1 minute 30). Signe pour lui d’un taylorisme hors sol qui « dépossède » le travail des facteurs. Et les pressurise : dépasser les délais signifie « devoir du temps », dans le langage de La Poste. L’auteur plaide pour que les facteurs aient leur mot à dire dans l’organisation de leurs activités…

Auteur

  • Lydie Colders