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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Chroniques | publié le : 18.10.2021 |

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

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Education et entreprises : L’union fera la force

Avec cette reprise aussi forte qu’inattendue, nous mesurons l’écart entre besoins des entreprises et compétences détenues par les personnes en recherche d’emploi. Il y a une part conjoncturelle, notamment dans les secteurs dont les niveaux de salaire sont trop bas. Cette crise a en effet modifié un critère central pour accepter un emploi : le rapport rémunération/contraintes. Ce que nous avons vécu depuis 18 mois a modifié la relation au travail et la perception des équilibres de vie. La volonté de chacun de regarder sa vie professionnelle autrement est largement partagée même si la capacité à en tirer des conséquences semble pour le moment réservée aux cadres. Pour autant, c’est une attente légitime pour tous, qui passe entre autres par la rémunération. Un autre phénomène conjoncturel est le renforcement de la rareté de certains talents, notamment dans le digital puisque cette transformation accélérée est une des principales réponses des entreprises à la crise.

Pour autant, face à ces constats, nous devons malheureusement admettre que cette distorsion entre besoins et candidats est structurelle. Nous payons au prix fort la déconnexion parfois revendiquée entre enseignements et entreprise comme si ces deux mondes étaient différents et parfois volontairement séparés. Début octobre s’est tenue la première université École-Entreprises sous l’égide du ministère de l’Éducation nationale. Enfin, pourrait-on dire, et chaque DRH ne peut que se féliciter de cette initiative qui vise à créer au plus tôt un lien et une connaissance réciproques entre l’école et l’entreprise, entre l’élève et le monde qui l’attend.

Cette approche ne remet pas en cause la maîtrise des savoirs fondamentaux ni la dimension citoyenne de l’école mais la complète utilement. À l’heure où l’on demande à juste titre aux entreprises de s’engager pour la société au-delà de leurs missions économiques, il est normal que soit établi un lien avec cet autre lieu de formation et de développement qu’est l’école. Ce constat de distorsion peut aussi être fait parfois avec l’enseignement supérieur – à force de lourdeurs administratives, d’analyses déconnectées des reconnaissances de diplômes et de philosophies d’opposition plus que de collaboration. Certaines lenteurs pédagogiques semblent incompatibles avec l’agilité d’adaptation qu’exigent l’entreprise et sa concurrence. Être agile dans l’adaptation continue des enseignements ne s’oppose ni à leur qualité ni à leur profondeur. Une part non négligeable de la distorsion entre compétences présentes et exigences du marché de l’emploi vient de ce décalage. Certes, les organisations compensent par leur investissement en formation continue et la réforme de 2018 est venue ouvrir notamment la possibilité de CFA interne pour s’assurer que formation et besoins de la vie réelle coïncident.

Il est urgent d’amplifier le mouvement et d’organiser de manière volontariste et affirmée le lien entre enseignement et entreprise. Le monde économique ne s’y est pas trompé puisqu’il a saisi au-delà des espoirs des pouvoirs publics l’appel à multiplier l’apprentissage et l’alternance en 2020 pour favoriser l’emploi des jeunes. Il y a eu plus de ces contrats durant l’année de la pandémie que l’année précédente. Preuve que non seulement les entreprises ont su se montrer solidaires mais aussi que chacun y a trouvé son compte. Des politiques partagées par une approche complémentaire entre économie et enseignement corrigeront cette distorsion structurelle entre compétences et emploi.

Nous avons une coresponsabilité pour faire de chaque lieu de travail un lieu d’apprentissage du réel et du fondamental. Il faut favoriser un « continuum » de la connaissance de l’école à l’entreprise construit ensemble, chacun dans son rôle mais en renforçant notre capacité collective à nous passer le relais. C’est évidemment l’intérêt des jeunes mais tout autant celui des entreprises qui doivent s’engager, car elles sont aussi un lieu de la connaissance et du partage du savoir… comme l’école et l’enseignement professionnel et supérieur.