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Management : Comment mieux accompagner la maternité

L’actualité | publié le : 11.10.2021 | Lys Zohin

Manque d’information et d’accompagnement, voire manipulations de la part des managers : si les talents féminins quittent leur employeur à leur retour de congé maternité, ce n’est pas par hasard. À la Toulouse School of Management, Marion Fortin et Camille Desjardins ont mené l’enquête. Elles donnent des pistes aux DRH pour rectifier le tir.

Les experts parlent de « pénalité salariale » pour les femmes qui ont des enfants. Elle s’établit, selon l’Ined, à 30 % de manque à gagner sur le long terme. Au-delà de ce constat, alarmant, Marion Fortin, professeure de gestion en ressources humaines à la Toulouse School of Management, et Camille Desjardins, doctorante, ont voulu savoir ce qui se passait exactement. Si les femmes perdent des occasions d’évolution de carrière, porteuses d’augmentation salariale, est-ce un choix ou plutôt une conséquence de la culture d’entreprise ?

« Ce qui peut apparaître comme un choix, celui de réduire leur semaine de travail ou de ne pas briguer un poste à plus fortes responsabilités, par exemple, est souvent le fruit d’un système complexe, qui prend sa source dans des valeurs culturelles et sociétales, mais aussi dans l’entreprise », relève Marion Fortin. En menant une étude qualitative auprès de 35 femmes, lors de quatre entretiens, pendant leur grossesse, leur congé maternité et au moment du retour au travail, elle a voulu, avec Camille Desjardins, comprendre le lien entre leur expérience et ces « choix ». « Et nous avons découvert que leur expérience au travail expliquait largement leurs décisions, voire que ces “choix” leur étaient imposés », indique la doctorante. Les 35 femmes, dans des postes variés et des entreprises de toute taille, publiques ou privées, ont fait part de mécanismes à l’œuvre qui, d’une part, les mettaient en insécurité et de l’autre, les décourageaient. « Cela va d’un manque d’anticipation en ce qui concerne le remplacement d’une femme qui va partir en congé maternité à des bonus promis mais non versés, sans oublier bien sûr des commentaires discriminants, en particulier sur la capacité des femmes nouvellement mères à effectuer leurs tâches de façon satisfaisante, poursuit Camille Desjardins. Nous avons noté que des femmes qui se décrivaient comme ambitieuses professionnellement au moment de l’annonce de leur grossesse finissaient par nous dire, quelques mois après leur retour au travail, qu’elles voulaient un simple job. » Et alors que les entretiens ont eu lieu pendant la pandémie, les deux expertes de la Toulouse School of Management ont également remarqué que si une majorité des femmes enceintes interrogées ont pratiqué le télétravail, elles indiquent que leur manager leur a souvent demandé de revenir au bureau dès qu’il ou elle en a eu l’occasion, ou les a chargé de davantage de tâches pendant la période de télétravail. En outre, même si elles ont opté pour un congé parental à temps partiel, auquel cas, la durée du travail ne peut excéder 80 % d’un temps complet, elles estiment en majorité que leur manager s’attend quand même à ce qu’elles effectuent 100 % du travail… Pas étonnant que, découragées par l’attitude à laquelle elles doivent faire face, nombreuses sont celles qui veulent changer d’employeurs !

Droit spécifique au télétravail

Pour éviter de telles discriminations à l’égard des mères et futures mères, les deux chercheuses proposent un droit au télétravail, à chaque fois que cela est possible, spécifique aux salariées enceintes ou nouvellement mères. En outre, dans les entreprises mêmes, « les DRH ont un rôle crucial à jouer », assure Marion Fortin. D’abord en agissant dès l’annonce de la grossesse, pour organiser le remplacement d’une salariée enceinte et le passage de relais. « Nous avons remarqué un manque d’anticipation très grand, de nature à stresser la salariée enceinte qui doit organiser elle-même ces dossiers en espérant une relève pendant son absence », souligne-t-elle. Ensuite, en donnant des informations, sous la forme d’un kit – comme le fait déjà l’entreprise Parentissime1 – par exemple, sur la loi, les dispositifs inclus dans les conventions collectives ou les accords d’entreprise en faveur de la maternité, aussi bien aux femmes elles-mêmes qu’aux managers. Enfin, les deux expertes suggèrent également la mise en place d’un entretien avec le manager au retour du congé maternité pour informer la salariée de ce qui s’est passé en son absence et élaborer avec elle la suite de ses activités dans l’entreprise. « Il faut en finir avec cette insécurité et cette culpabilisation des femmes qui ont des enfants, sans oublier de faire évoluer la relation de pouvoir entretenue par les managers », conclut ainsi Marion Fortin.

Auteur

  • Lys Zohin