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Les conséquences du refus de présentation des justificatifs sanitaires sur le contrat de travail

Chroniques | publié le : 11.10.2021 |

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Yvan William : La chronique juridique

Crédit photo Yvan William

 

Par Yvan William, avocat

Alors que nous rentrerons le 16 octobre prochain dans la dernière phase du plan transitoire relatif à l’obligation de présentation du passe sanitaire ou du statut vaccinal, employeurs et partenaires sociaux restent dans le flou sur de nombreux sujets.

Je vous propose un rapide tour d’horizon des réponses disponibles à ce jour (site du ministère du Travail « Obligation de vaccination ou de détenir un passe sanitaire pour certaines professions », mise à jour le 29/9/2021).

Le contrat de travail et la rémunération suspendus. Pour les salariés soumis à l’obligation de présenter un passe sanitaire, une fois épuisée la pause des jours de congés conventionnels ou de congés payés si la situation le permet, le contrat de travail est suspendu. En matière d’obligation vaccinale, le recours au dialogue et à la discussion est encouragé mais pas imposé. La suspension du contrat du salarié ou de l’agent intervient donc dès le défaut de présentation d’un justificatif conforme. En dépit d’une certaine ambiguïté des textes, le ministère précise que la période de suspension n’est pas assimilée à du temps de travail effectif quelle que soit la situation des collaborateurs (passe ou vaccin). Conséquence directe, le collaborateur n’acquiert ni congés payés ni de droit légal ou conventionnel. De manière semble-t-il très générale, l’ancienneté correspondant à la période de suspension du contrat n’est donc prise en compte pour aucun des droits liés à l’ancienneté.

Le recours au télétravail est limité. Le recours au télétravail ne paraît pas interdit mais limité, du fait de l’absence de pouvoir de l’employeur pour l’imposer. Ainsi, à l’exception du cadre légal exceptionnel permettant d’imposer le télétravail à des fins de protection de la santé, pas de recours possible. Notons que le télétravail imposé devrait prendre fin le 15 novembre prochain, avec la fin de la période d’urgence sanitaire.

Des droits restreints en cas d’arrêt maladie postérieur à la suspension du contrat pour défaut de respect de l’obligation vaccinale. Selon le ministère du Travail, le salarié a le droit de bénéficier de ses IJSS, mais l’employeur ne serait pas tenu de verser le complément employeur pour la durée de l’arrêt de travail sous réserve des stipulations prévues dans les conventions collectives.

Il s’agit d’une application relativement classique des solutions retenues en cas de succession de causes de suspension du contrat. La suspension de contrat initiale étant liée au défaut de justificatif conforme, elle ne donnerait pas droit au maintien de salaire à verser en cas de situation d’arrêt maladie. Aucune précision n’est en revanche donnée pour les salariés soumis uniquement à l’obligation de présenter un passe sanitaire.

Les mandats des représentants du personnel dont le contrat est suspendu se poursuivent normalement. Si la solution peut en choquer certains, elle n’en est pas moins classique en matière de suspension de contrat de travail pour d’autres causes (maladie…). Les représentants du personnel peuvent continuer à exercer leurs prérogatives, contrat et mandat étant juridiquement disjoints.

L’employeur peut-il rompre le contrat de travail pendant la période de suspension ? Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5/8/2021, l’administration propose une formule qui peut paraître assez laconique : « À l’issue et dans le cas d’une situation de blocage persistante, les procédures de droit commun concernant les contrats de travail peuvent s’appliquer. »

Or le collaborateur privé de rémunération et de droit à indemnisation par Pôle emploi et l’employeur désorganisé avec peu de visibilité pour pallier son absence chercheront inévitablement à mettre fin au contrat. Au regard de son large champ d’application, la rupture conventionnelle individuelle paraît être l’une des possibilités. Le licenciement s’avère en revanche plus délicat. L’absence prolongée souvent avancée comme l’un des motifs de licenciement invocable reste une option judiciairement risquée.

Les critères imposés par la jurisprudence sont en effet contraignants et appréciés sévèrement en particulier dans les entreprises d’une certaine taille. Gageons qu’in fine le bon sens et le pragmatisme nous permettront de sortir par le haut de ces situations qui restent difficiles à gérer sur un plan opérationnel et humain.