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Les nouvelles aspirations des salariés

Le point sur | publié le : 04.10.2021 | Irène Lopez

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Conditions de travail : Les nouvelles aspirations des salariés

Crédit photo Irène Lopez

 

La crise sanitaire a éveillé ou renforcé chez certains de nouveaux désirs, voire créé un rapport différent au travail. Nombreux sont ceux qui veulent donner davantage de sens à leurs activités professionnelles. Au point de changer complètement de vie ? Pas forcément. Charge aux DRH d’être à l’écoute.

Un nouveau rapport au travail, fait d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, en particulier via le télétravail, et de sens : tel est l’enseignement majeur de l’étude IMPACT (Impact de la crise sanitaire sur les mobilités, les projets, les aspirations professionnelles, les compétences et le travail) du Céreq, sur la façon dont la crise a pu modifier cette relation. Coordonnée par l’économiste Ekaterina Melnik-Olive, l’enquête statistique aborde les nouvelles aspirations des salariés par le biais de la question suivante : « Avec la crise sanitaire, diriez-vous que vous accordez plus de valeurs aux aspects suivants… », en énumérant onze propositions. Pour les salariés dans leur ensemble, quel que soit le genre, le plus cité est l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle (60 %). Il a été davantage cité par les personnes âgées de moins de 50 ans, les diplômés à partir de bac + 2 et les plus qualifiés (74 % des cadres contre 56 % des employés et ouvriers).

C’est cette volonté d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle qui pousse certains salariés à s’adresser à la start-up Switch Collective, cofondée par Clara Delétraz et spécialisée dans la réinvention professionnelle. Ils sont ingénieurs, restaurateurs, personnels navigants, salariés ou indépendants, et ont à peine la trentaine ou plus de 50 ans. Avec un point commun : le désir de changer de vie professionnelle, voire de vie tout court. Pour aller vers quoi ? Ils ne l’ont pas forcément encore décidé… D’où leur inscription à « Fais le bilan », un programme de près de quatre mois qui les aide à définir leurs souhaits d’évolution professionnelle.

Évolution de poste

« Les salariés ne veulent pas un changement aussi radical que celui de tout plaquer pour aller élever des chèvres dans le Larzac, tempère Clara Delétraz. Nous nous efforçons d’ailleurs de freiner ceux qui arrivent avec cette envie. Ce n’est pas parce que vous avez passé deux ou trois ans au même poste et que vous avez l’impression d’en avoir fait le tour qu’il faut changer de job. Un switch – changement, en français – peut aussi être une simple évolution de poste. »

Mais Switch Collective intègre également dans son programme ceux qui aspirent à des changements plus radicaux. Comme aux autres, Clara Delétraz leur explique que cette révolution repose sur des cheminements longs et qu’il convient de se poser les bonnes questions avant de se lancer… Tous les candidats au changement reçoivent un mail quotidien pour affiner leur questionnement et participent à une séance collective hebdomadaire. En outre, des ateliers leur apprennent à parler et à refaire leur CV, entre autres. Mais les problématiques individuelles sont avant tout abordées dans le cadre d’un groupe, pour faire jouer le regard extérieur et le feed-back.

Alors que plus de 5 000 personnes sont passées par le programme depuis six ans, la cofondatrice de Switch Collective assure que 89 % des participants changent dans les dix-huit mois après avoir suivi le programme. Cela peut être un aménagement de rythme (travailler quatre jours par semaine au lieu de cinq, par exemple), de nouvelles missions, un poste dans un service différent, un déménagement pour se rapprocher de son travail ou, au contraire, s’en éloigner et profiter d’un cadre de vie différent grâce au télétravail.

Mais attention, « ces aspirations sont le fait de salariés privilégiés. Quand on est ouvrier, travailleur précaire ou dans une situation financière difficile, on est davantage préoccupé par sa survie financière que par une formation ou un déménagement, précise la sociologue Amandine Mathivet. Il ne faut pas oublier que le monde du travail est constitué d’une hétérogénéité de statuts. » D’ailleurs, si les conditions de travail sont le deuxième aspect le plus cité dans l’étude du Céreq, la sécurité de l’emploi arrive juste derrière. Sans surprise, elle a été le plus souvent évoquée par les moins diplômés : 50 % des non-diplômés et 46 % des diplômés au niveau bac contre 37 % des diplômés à bac + 5. Pas nécessairement liée à la catégorie socioprofessionnelle (46 % des cadres et 49 % des ouvriers), la sécurité de l’emploi a été plus souvent mise en avant par les salariés âgés de plus de 35 ans.

Davantage de télétravail

Par ailleurs, la crise sanitaire a mis en lumière les avantages du télétravail. Plus de quatre salariés sur dix ont télétravaillé durant la période (dont 80 % des cadres). La possibilité de travailler à domicile a été mise en avant par 26 % des salariés. Il s’agit d’ailleurs plus souvent des femmes, des plus jeunes, des plus diplômés et qualifiés (46 % des cadres contre 29 % des employés et 5 % des ouvriers). « Il faut interroger le télétravail à l’aune du travail, déclare à cet égard Amandine Mathivet. Comment se fait-il que certains ne souhaitent plus se rendre sur leur lieu de travail ? Ils estiment qu’ils se concentrent mieux chez eux. Mais comment se fait-il qu’un salarié n’arrive pas à se concentrer au travail ? Il est pourtant de la responsabilité de l’employeur de mettre à disposition des espaces et des outils pour bien travailler ! »

Reste donc à savoir si les DRH prendront ces souhaits – et ces enjeux – à bras-le-corps… Quant à un débat plus large, à l’occasion de la campagne présidentielle qui s’annonce, sur le sens du travail, la sociologue n’y croit pas : « Pour l’instant, le sujet est peu présent. Je ne m’attends pas à de grands changements. » Ce sont pourtant ces changements, dans le rapport même au travail, en pleine évolution, qu’il faut faire advenir…

Auteur

  • Irène Lopez