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Le fait de la semaine

Les salariés souhaitent davantage d’aide pour les aidants

Le fait de la semaine | publié le : 04.10.2021 | Lys Zohin

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Qualité de vie au travail : Les salariés souhaitent davantage d’aide pour les aidants

Crédit photo Lys Zohin

 

Le phénomène de l’aidance, une diversité pas assez prise en compte en entreprise, ne cesse de croître. Soutien, aménagement du temps de travail, dispositifs spécifiques : les DRH se doivent d’être à la manœuvre. Revue des enjeux et des solutions – y compris la création d’un statut spécifique – à l’aube de la journée nationale des aidants, le 6 octobre.

Selon les sources, les aidants seraient entre 8 millions et 11 millions en France, et parmi eux, la moitié sont en emploi. Leur nombre, ne serait-ce qu’en raison du vieillissement de la population, ne cesse d’augmenter. Pis, la pandémie a accentué leurs difficultés, certains ayant dû travailler de chez eux, mais toujours avec la charge d’un enfant handicapé ou d’un proche dépendant… « Cette année, pour la journée du 6 octobre, l’accent est mis sur l’isolement social des aidants », déclare Christine Lamidel, directrice générale et fondatrice de Tilia, une société de services aux aidants, filiale de BNP Paribas Personal Finance. Ainsi, ajoute-t-elle, « 62 % des aidants interrogés nous ont dit l’an dernier qu’ils avaient noté une dégradation de leur vie sociale. Nombreux sont ceux qui vivent sous le même toit que le ou les proches qu’ils aident et n’ont d’échanges qu’avec ces personnes fragilisées. En outre, la moitié des aidants sans emploi estiment que c’est cette situation qui les empêche de s’insérer dans le monde du travail. Or l’emploi participe largement au lien social. »

Des talents à cultiver

L’aidance, une diversité encore peu prise en compte dans les entreprises, soulignent les experts, et ses impacts, sur le travail comme sur le bien-être des salariés, ont en effet de quoi alerter les DRH et les inciter à adopter des mesures pour les épauler. Les acteurs du secteur souhaitent d’ailleurs élargir les critères RSE pour y intégrer l’aidance. « Nous espérons que les travaux confiés à la plateforme RSE agiront en ce sens », indique Christine Lamidel. Déjà, le 14 septembre 2021, Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, et Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, ont saisi la Plateforme RSE, l’instance de concertation qui formule des recommandations sur les questions sociales, environnementales et de gouvernance soulevées par la responsabilité des entreprises, afin qu’elle propose des mesures susceptibles d’encourager les sociétés à s’engager dans des démarches volontaristes visant une meilleure prise en compte de la situation de leurs salariés aidants. Pour les acteurs de l’aidance, les entreprises devraient en effet davantage s’emparer du sujet, qui est une opportunité managériale et de croissance pour elles. « D’un point de vue RH, les aidants peuvent être des talents clés, si les bons réflexes, en matière de compréhension et d’organisation, sont au rendez-vous », souligne à cet égard Nathalie Gateau, directrice engagements sociaux et sociétaux-mécénat social, au sein du Groupe Apicil, 3e groupe français de protection sociale.

De fait, nombreux sont les aidants qui ont appris à être super-efficaces, patients et débrouillards – autant de soft skills et d’atouts pour les entreprises. « Ces aptitudes se retrouvent d’ailleurs chez les jeunes aidants (lire par ailleurs), ajoute Nathalie Gateau, même si, à l’inverse, certains finissent par être en situation d’échec scolaire, du fait d’une charge trop lourde pour eux. » Échec qui peut également caractériser l’emploi. La charge mentale et physique, la disponibilité nécessaire, les dépenses financières et l’isolement social qui découlent de leur situation prélèvent un lourd tribut sur les salariés aidants.

Selon l’enquête « Aider et travailler », effectuée à l’été 2020 auprès de 600 salariés aidants, leurs managers et leurs collègues, par Olystic (enquêtes collaborateurs), et soutenue par Interfacia, Tilia, Responsage, spécialiste des salariés aidants et de l’accompagnement social, et Le Lab RH, huit salariés aidants sur dix constatent un impact sur leur travail, d’autant qu’ils sont 39 % à s’occuper d’au moins deux personnes dépendantes – « une augmentation de 19 points par rapport à 2017 », précise d’ailleurs le commentaire de l’enquête –, et la moitié des salariés pourraient devenir « doubles aidants » dans les prochaines années… En outre, 50 % des collègues et managers travaillant avec un salarié aidant se disent affectés. D’ailleurs, 97 % des collaborateurs non aidants jugent essentiel que leur entreprise mette en place des solutions concrètes pour faire face à cette problématique – soit 15 % de plus qu’en 2017.

Propositions

Mais par où commencer pour aider les aidants ? « Par une sensibilisation de tous les salariés quant au phénomène. Y compris des aidants eux-mêmes, puisque certains ne réalisent pas qu’ils le sont, répond Christine Lamidel, de Tilia. Ce n’est qu’en leur parlant, dans le cadre de notre travail en entreprise, que certains prennent conscience de leur situation. Il faut libérer la parole sur l’aidance. Les entreprises ont un rôle central à jouer pour ce faire. »

Une fois ce premier obstacle franchi, plus des trois quarts des salariés concernés par l’aidance parlent de leur situation au travail, dont 49 % à leur manager et 30 % à leur DRH, selon les données d’« Aider et travailler ». Par ailleurs, 40 % des salariés aidants travaillent à temps partiel après en avoir fait la demande auprès de leur employeur, même si c’est un choix contraint dans les trois quarts des cas, et qui, bien sûr, pèse financièrement, alors que les aidants contribuent à la prise en charge de leur proche fragilisé à hauteur de 150 euros minimum par mois dans 70 % des cas, et de plus de 500 euros pour 17 % d’entre eux.

Pour aider les DRH et les managers, Tilia, Responsage, Olystic, Le Lab RH et Interfacia, une société qui propose des outils de diagnostic et de management de l’aidance, avec le soutien de l’OCIRP, acteur de la protection sociale complémentaire, ont formulé dix propositions en faveur du management de l’aidance, pour faire en sorte que les entreprises adaptent leur stratégie RH en vue d’une plus grande prévention et d’une meilleure inclusivité, pour le bien-être de tous.

Statut et retraite

Leur proposition phare est la création d’un statut de salarié aidant. « Cette proposition pourrait faciliter une prise de conscience individuelle et collective, en faveur d’une inclusion équitable et durable des salariés aidants », estiment ainsi les auteurs des propositions. Ils recommandent aussi de développer une expérimentation pour l’accompagnement des aidants actifs à la reprise d’une activité professionnelle. Par ailleurs, le dialogue social étant au cœur des problématiques liées à l’aidance, ils souhaitent que les entreprises utilisent davantage ce levier. D’abord en encourageant les partenaires sociaux à faire en sorte de généraliser les aides concrètes aux salariés aidants – organisation du travail, amélioration de l’indemnisation du congé de proche aidant, services d’accompagnement, répit, formation, dispositifs de prévention, détection des situations à risques… – au niveau des branches professionnelles. Mais aussi en validant l’introduction de ce sujet dans les négociations obligatoires d’entreprise et en permettant davantage de souplesse en termes d’aménagement des horaires, des modalités et des conditions de prise de congés, des autorisations d’absence, du télétravail… Et enfin, en intégrant dans les rapports de situation comparée et les référentiels (chartes et labels RSE, QVT, diversité, bien-être…) des critères de reconnaissance des engagements des employeurs. Les acteurs de l’aidance proposent également l’introduction, dans les visites médicales des services de santé au travail, d’un questionnement sur la situation d’aidant. Enfin, il faut favoriser les garanties complémentaires assurant une protection sociale de qualité aux proches aidants en activité professionnelle, avec une plus grande accessibilité des dispositifs publics et une meilleure articulation des dispositifs entre eux, d’une part, et de l’autre, une retraite à taux plein – malgré un temps partiel – pour les aidants. Autant de propositions de nature à répondre, espèrent-ils, à l’urgence, qui ne peut que devenir plus aiguë, sous l’effet du « choc démographique » et de la recrudescence des affections de longue durée.

Auteur

  • Lys Zohin