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Une fatalité ou une opportunité pour se transformer ?

Chroniques | publié le : 04.10.2021 |

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Charles-Henri Besseyre des Horts professeur émérite à HEC Paris, président de l’AGRH

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Par Charles-Henri Besseyre des Horts professeur émérite à HEC Paris, président de l’AGRH

À l’heure d’une reprise plus forte que prévu, il ne se passe pas une semaine sans que l’on entende parler d’une pénurie grave de compétences, dans des secteurs très variés – dont ceux touchés par la pandémie, à l’image de l’hôtellerie-restauration dans laquelle près de 300 000 personnes manqueraient actuellement à l’appel ou d’autres plus favorisés, comme la construction ou la distribution, qui souffrent d’un manque cruel de compétences, particulièrement dans les métiers liés à la révolution numérique. Même si la pénurie des compétences n’est pas nouvelle pour certains métiers, elle devient aujourd’hui plus problématique, en raison de l’ampleur du phénomène qui touche des métiers et de secteurs qui n’ont jamais connu un tel trou d’air. Cette pénurie est perçue comme une fatalité, largement en lien avec la pandémie dans un certain nombre d’organisations, mais elle est vue heureusement par une majorité d’autres comme une opportunité pour évoluer, voire se transformer sous l’influence de leurs dirigeants, et en particulier de leurs DRH, démontrant ainsi une forte capacité de résilience organisationnelle1.

Sur le plan de la fatalité tout d’abord, force est de constater que certains métiers et secteurs sont en déficit de compétences largement en raison des conditions de travail et de niveaux de rémunérations peu attrayants, et la pandémie a renforcé ce désamour. C’est le cas surtout du secteur de la restauration qui a vu environ 237 000 personnes abandonner, entre février 2020 et février 2021, ces métiers2 lorsque les directives gouvernementales ont mis à l’arrêt quasi-total la grande majorité des restaurants durant plusieurs mois au plus fort des vagues épidémiques. Dans la même perspective, les métiers des soins aux personnes – infirmier(e)s, aide-soignant(e)s… – connaissent de grandes difficultés pour attirer ou retenir des compétences en raison de leur manque d’attractivité malgré la mise en lumière de ces métiers de l’ombre durant la pandémie3. Faute de trouver des compétences, on assiste à la mise en œuvre de politiques malthusiennes conduisant à la fermeture de sites voire à l’arrêt de certaines activités.

Heureusement, face à cette situation de pénurie de compétences, une majorité d’organisations publiques et privées y voient une opportunité pour se transformer avec un rôle potentiel majeur des DRH, qui construisent des solutions innovantes pour rendre leurs organisations plus attractives. La première solution est de faire évoluer la proposition de valeur faite aux collaborateurs en améliorant les conditions de travail et en revalorisant les modalités de reconnaissance des métiers concernés par la pénurie. Une deuxième est de tirer des leçons du recours massif au télétravail durant la pandémie pour offrir une organisation du travail beaucoup plus flexible à des personnes qui souhaitent un meilleur équilibre entre travail et hors travail, comme on l’observe dans les métiers de la révolution digitale. Une troisième est de sortir du carcan de l’emploi salarié en attirant ceux et celles qui ne veulent pas être dans une relation de subordination, comme le souhaitent les free-lancers et autres « offreurs de compétences » sur un marché de l’emploi beaucoup plus ouvert, notamment grâce à des solutions digitales4. Enfin, une quatrième solution est de faire évoluer le modèle de management, en abandonnant progressivement le traditionnel « command and control » pour le remplacer par des postures managériales fondées sur la confiance et la responsabilisation, comme l’a montré par exemple Michelin dans ses usines de production5.

La liste des solutions possibles est évidemment beaucoup longue que les quatre rapidement évoquées ici. Les DRH peuvent enfin jouer, avec des réponses innovantes au problème de la pénurie des compétences, leur rôle de leaders du changement si souvent revendiqué – mais plus rarement mis en œuvre… Depuis le début de la pandémie, c’est la deuxième occasion de mettre la question du capital humain en haut de l’agenda stratégique des dirigeants : d’abord la santé, ensuite les compétences !

(1) Bailly, M. & Besseyre des Horts, CH : « La résilience organisationnelle à l’heure de la pandémie : quand une entreprise mondiale se réinvente », Entreprise & Carrières, n° 1542, du 20 au 26 septembre 2021, p. 22

(3) Besseyre des Horts, CH. : « Les héros de l’ombre : vers une nouvelle hiérarchie des emplois », Entreprise & Carrières, n° 1474, du 29 mars eu 5 avril 2020, p. 11

(4) Des plateformes comme Malt (www.malt.fr) ou Skillvalue (www.skillvalue.com) offrent des profils de dizaines de milliers de freelancers.

(5) Hamel, G. & Zanini, M. : Humanocratie, Diateino, juin 2021, ch.14