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Le point sur

« Il y a un fort désir d’intégration, qui passe en grande partie par le travail »

Le point sur | publié le : 27.09.2021 | Natasha Laporte

 

Économiste à la Paris School of Economics, Sarah Schneider-Strawczynski, spécialisée dans les effets économiques et politiques des migrations, brosse un portrait des réfugiés – ainsi, 20 % d’entre eux ont un diplôme d’enseignement supérieur – et liste les freins à leur intégration sur le marché du travail.
 
Qu’est-ce qui distingue les réfugiés des autres migrants à leur arrivée sur le marché de l’emploi en France ?

Sarah Schneider-Strawczynski : Les réfugiés, comparés à d’autres populations telles que les migrants économiques ou ceux pour motifs familiaux, sont particulièrement vulnérables et beaucoup moins préparés à venir en France, du fait que leur départ est souvent le résultat d’un événement non anticipé.

Que sait-on de leurs qualifications ? Y a-t-il des réfugiés très qualifiés ?

S. S.-S. : Selon Elipa 2 (Enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants), menée par le ministère de l’Intérieur, qui a interrogé des personnes ayant signé leur contrat d’intégration républicaine (CIR) en 2018, 38 % des réfugiés ont un diplôme équivalent au baccalauréat et 20 % ont un diplôme d’enseignement supérieur. En ce sens, il y a des réfugiés très qualifiés. À titre de comparaison, les migrants économiques, c’est-à-dire des immigrés qui ont été sélectionnés pour leurs compétences dans un champ spécifique de métier ou parce qu’ils sont très hautement qualifiés, sont 35 % à détenir un diplôme d’enseignement supérieur.

Trouvent-ils des emplois dans l’Hexagone ?

S. S.-S. : Parmi les réfugiés sondés par Elipa 2, 60 % déclaraient avoir déjà travaillé en France environ trois ou quatre ans en moyenne après leur arrivée, tandis que les immigrants pour motifs familiaux étaient 65 % à avoir déjà travaillé en France. La différence est faible, d’autant que les réfugiés ont en moyenne moins de réseau social et un niveau de français plus faible – qui sont des éléments importants pour trouver un emploi. Autre point intéressant, au moment de l’enquête, 40 % des réfugiés étaient en emploi et 16 % étaient en étude. Par comparaison, 47 % des immigrants pour motifs familiaux étaient en emploi et seuls 4 % étaient en étude. Ces chiffres montrent que les réfugiés font un investissement pour acquérir des compétences spécifiques au pays d’accueil.

Dans quels secteurs d’activité travaillent-ils ?

S. S.-S. : Ils travaillent majoritairement dans le secteur des commerces, hôtels, cafés, restaurants (43 % d’entre eux) ainsi que dans la construction, le bâtiment et les travaux publics (23 %). Fait intéressant, 40 % des réfugiés interrogés ont le sentiment d’être surqualifiés pour leur travail actuel. Lorsque l’on creuse pour savoir quelles sont les causes de ce sentiment, ils sont 37 % à mettre en avant leur difficulté avec la langue française et 20 % à citer pour cause un diplôme étranger qui n’est pas reconnu en France.

Ce qui nous amène à la question des freins…

S. S.-S. : Comme le montre la précédente statistique, l’équivalence des diplômes est une des questions clés. Du fait que leur migration n’était pas prévue, les réfugiés n’ont pas effectué en amont des investissements dans des compétences transposables à la France. Par ailleurs, parmi les répondants à l’enquête Elipa 2, seuls 22 % des réfugiés avaient fait une demande pour faire reconnaître leur diplôme. Mais un autre vrai défi pour trouver un emploi en France, c’est la maîtrise de la langue française. À leur arrivée, 62 % des réfugiés rapportent avoir une aisance faible en français, contre 40 % des migrants économiques et 25 % des migrants familiaux.

Comment se passe leur intégration sociale et quel est leur niveau de bien-être ?

S. S.-S. : Les réfugiés semblent plus exposés à un risque de dépression et de troubles psychosociaux. Toujours selon l’étude Elipa 2, leur satisfaction moyenne dans leur vie actuelle est inférieure à celle des migrants économiques et familiaux. En revanche, il y a un fort désir d’intégration. Par exemple, 95 % des réfugiés souhaitent demander la nationalité française plus tard. Les réfugiés semblent donc avoir envie de se projeter dans leur vie en France et d’en acquérir la nationalité, symbole d’intégration dans le pays d’accueil. Les intégrations sociale et économique sont intimement liées. Une grande partie de leur intégration sociale et de leur bien-être va dépendre de leur participation au marché du travail. Par ailleurs, traiter les traumatismes auxquels ils ont été exposés peut être une étape importante de leur parcours vers l’emploi. L’accès aux soins physiques et psychologiques est donc crucial pour contribuer à leur intégration sur le marché du travail.

Auteur

  • Natasha Laporte