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Les clés

Sortir de la course folle aux technologies

Les clés | À lire | publié le : 20.09.2021 | Lydie Colders

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Sortir de la course folle aux technologies

Crédit photo Lydie Colders

Dans cet essai Technologies partout, démocratie nulle part, Irénée Régnauld et Yaël Benayoun, fondateurs du Mouton numérique, démontent le culte du progrès technologique, fait au contraire de dérives éthiques et de mauvaises conditions de travail. Les nouvelles luttes sociales témoigneraient d’un besoin de « repenser la valeur » des technologies. Une réflexion stimulante.

Peut-on continuer à vanter « le deep learning », susceptible de créer des voitures sans chauffeurs, en « cachant sciemment les armées de travailleurs du clic qui entraînent » ces machines ? Ou croire que l’automatisation rimera avec progrès social, alors qu’elle « augmente les cadences » et l’ubérisation ? Dans cet essai percutant, Irénée Régnauld et Yaël Benayoun, consultants et fondateurs du Mouton numérique, critiquent « cette idéologie du progrès » et les dérives éthiques. Pour eux, les mobilisations « d’un nombre croissant d’étudiants, de travailleurs ou de citoyens » contre les Gafa attestent qu’il faut « abandonner cette course folle » aux technologies.

Émergence des « techno-luttes »

Passant au peigne fin ces mobilisations face au « capitalisme de surveillance » (chapitre passionnant sur le mouvement contre la ville connectée de Google, à Toronto, projet finalement abandonné), les auteurs entendent montrer que la fronde gagne du terrain chez les citoyens et jusqu’au cœur de la « tech ». Ils évoquent les « techno-luttes » qui se développent dans la Silicon Valley, exemples à l’appui, comme le site de lanceurs d’alerte « speakOut.tech », lancé par des salariés du secteur, ou l’action des cadres de Microsoft contre la vente de casques de réalité virtuelle destinés au Pentagone. Une contestation qui se diffuserait en France, comme en témoigne ce collectif d’étudiants ingénieurs, refusant de travailler pour les Gafa, ou ce manifeste de travailleurs du numérique dénonçant l’automatisation qui détruit le travail, lors de la dernière réforme des retraites. Des signaux timides, mais à prendre en compte.

Des lois plus restrictives

Côté entreprise, les auteurs pointent les risques d’une « aliénation accrue » : algorithmes gérant les plannings des caissières de supermarché en fonction de l’affluence aux États-Unis et manutentionnaires de la logistique « exécutant dorénavant les ordres dictés par une commande vocale ». Cette vision effrayante peut sembler excessive. Mais elle donne à réfléchir aux nécessaires contre-pouvoirs. S’ils déplorent des syndicats « affaiblis » par les dernières lois, Irénée Régnauld et Yaël Benayoun pointent les limites « des plans de prévention des risques » qui ne remettent jamais en cause un nouvel outil, dont la mise en place est jugée « inéluctable ». Eux plaident pour un cadre qui fixerait des limites aux technologies, « en questionnant les valeurs qu’elles incarnent, en termes de justice sociale, de démocratie ou d’environnement. » Et ils proposent d’élargir la loi sur le principe de précaution aux technologies, couvrant les risques politiques et sociaux, « comme la précarisation ou l’isolement ». Des « garde-fous » dont pourraient s’emparer les syndicats comme les citoyens. Un propos ambitieux, loin du fatalisme ambiant.

Auteur

  • Lydie Colders