Par Maud Bailly,  CEO du Hub Europe du Sud du Groupe Accor et Charles-Henri Besseyre des Horts : Professeur émérite à HEC Paris, président de l’AGRH

En janvier 2020, le futur s’annonçait radieux pour une entreprise mondiale de l’hospitalité comme Accor, avec des perspectives de croissance forte après le lancement de son nouveau programme de fidélité « Accor Live Limitless » (ALL), un passage de 13 à plus de 40 marques et une transformation digitale en plein essor face à la disruption d’acteurs comme Airbnb. Mais, deux mois plus tard, en mars 2020, cette même entreprise affrontait la pire crise de son histoire, en raison d’une pandémie mondiale lui faisant perdre au deuxième trimestre 2020 près de 90 % de son chiffre d’affaires !

Dix-huit mois après, Accor a retrouvé des couleurs, en dépit des restrictions de déplacement, des fermetures des frontières et autres contraintes qui ont lourdement affecté le secteur de l’hospitalité. Accor a su faire preuve d’une aptitude exceptionnelle à rebondir, en s’appuyant sur sa raison d’être au-delà des effets de mode que peut représenter la notion de résilience organisationnelle. Définie en effet comme « la capacité d’un système (constitué d’individus travaillant dans une organisation), confronté à des événements fragilisants et déstabilisants, voire catastrophiques, à mobiliser ses ressources en vue de rester en lien avec sa finalité et se projeter dans son futur1 », la résilience organisationnelle est ce qui caractérise le mieux la dynamique mise en œuvre par Accor depuis le début de la pandémie.

Dès le premier confinement, le groupe hôtelier a déployé de nombreuses actions solidaires en lien avec sa raison d’être, pour continuer à l’incarner, à la faire vivre, quand tout semblait détruire les conditions inhérentes aux métiers de voyage et d’accueil. L’alternative était simple : vivre dans un monde d’hôtels vides – voire fermés – ou se réinventer pour rester debout en gardant du sens. Partout dans le monde, des initiatives de solidarité sont nées dans plus de 5 100 hôtels, dans 110 pays, pour accueillir les populations les plus fragiles ou les plus exposées face à la Covid-19. Rien qu’en France, c’est plus d’un million de nuitées qui ont ainsi été mises à disposition, avec l’accord des propriétaires du groupe, à l’appui d’une charte signée avec les pouvoirs publics, pour tous ceux qui en avaient le plus besoin : personnels soignants en partenariat avec l’AP-HP, femmes victimes de violence avec, par exemple, la Fondation des femmes, personnes sans domicile, avec le Samu social, étudiants en situation de précarité, personnes testées positives souhaitant se mettre en isolement… En parallèle, le groupe a dû massivement adapter son organisation mais aussi ses méthodes de travail, avec des circuits décisionnels plus courts et un management plus en confiance, moins contrôlant. La crise aura été la confirmation du besoin aigu de former un leadership capable de gérer une incertitude et une complexité croissantes.

En définitive, trois leçons peuvent être tirées de cette expérience du Groupe Accor pour permettre à une organisation d’être plus résiliente :

1. un leadership, à tous les niveaux de l’organisation, qui sait donner un cap et du sens2, même au cœur de la tempête,

2. des pratiques managériales fondées sur la confiance, dont l’une des composantes essentielles est d’accepter pour les managers de se rendre vulnérables3 et, par voie de conséquence,

3. une organisation dont le fonctionnement s’appuie de plus en plus sur la subsidiarité permettant l’éclosion de multiples initiatives locales4.

Enfin, l’apprentissage de la résilience va de pair avec le refus de toute amnésie : Accor travaille aujourd’hui à garder tout ce que le groupe aura appris de cette crise sans précédent.