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Les clés

Réhabiliter le conflit pour améliorer la qualité de vie au travail

Les clés | À lire | publié le : 13.09.2021 | Lydie Colders

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Réhabiliter le conflit pour améliorer la qualité de vie au travail

Crédit photo Lydie Colders

Dans Le Prix du travail bien fait, coordonné par Yves Clôt, des psychologues du travail estiment que dirigeants et DRU doivent « regarder le conflit en face » – en faisant la part belle à l’expression des salariés, s’ils veulent améliorer la qualité du travail. Car imposer une vision unilatérale « du travail bien fait » ne fonctionne pas. Leur livre concret explore la dynamique à l’œuvre, associant direction et syndicats.

En 2020, « les soignants ont dû expérimenter des méthodes d’organisation et de soins au sein des hôpitaux auxquelles personne n’avait songé auparavant » face à l’onde de choc de la Covid-19. Le psychologue du travail Yves Clôt, dans Le Prix du travail bien fait, écrit avec trois collègues, y voit le symbole « d’une intelligence des situations » exceptionnelle « qui gagnerait à s’exprimer davantage ». Plutôt que d’ignorer les tensions et les problèmes qui « empoisonnent la vie » des salariés ou des agents, il plaide pour que dirigeants et DRU acceptent « de regarder ce conflit en face », l’objectif étant d’améliorer la qualité de vie au travail, en partant du vécu des salariés eux-mêmes. Imposer sa vision « du travail bien fait » ne fonctionne pas, dit-il. « On continue de se tromper en matière de santé au travail. Elle est structurellement palliative, engagée dans la gestion des problèmes de comportements des salariés », écrivent les auteurs. Plutôt que de forcer les collaborateurs à s’adapter, il faudrait leur redonner une certaine « souveraineté », poursuivent-ils. À condition, bien sûr, d’accepter une forme « de coopération conflictuelle »…

Des frontières de pouvoir bousculées

Pour illustrer leur propos, ces psychologues analysent en détail trois méthodes d’interventions menées dans un Ephad, chez les éboueurs de la ville de Lille (cas les plus intéressants), ou plus ancien, à l’usine Renault de Flins. Et tentent de montrer, au travers de différents problèmes dont s’emparent les salariés référents (sécurité chez les éboueurs, tensions sur l’organisation des soins chez les aides-soignantes…), que cette démarche réfléchie par les salariés demande d’accepter des tensions et d’aiguiller les rapports de force. Mais « les objections de la hiérarchie » – laquelle a tendance « à proposer des solutions » plutôt qu’à reconnaître l’initiative des salariés – réapparaissent vite. De même, les syndicats impliqués s’avèrent parfois méfiants sur la méthode, notent-ils. L’ouvrage insiste beaucoup sur ces jeux de pouvoir et d’alliances qui bougent, mais manque de résultats probants, hormis des tentatives pour réorganiser la journée dans cet Ephad ou la mise en place de containers plus salubres pour les éboueurs de Lille. Reste une réflexion assez fine sur la psychologie du travail. Si les auteurs admettent que cette méthode « ne résout pas tout », les salariés sont quand même les mieux placés pour « chercher les angles morts » ou « sortir des décisions absurdes qui minent leur fierté. » Un phénomène que les directions ne peuvent plus ignorer, face à la multiplication des crises. La thèse (« laisser le travail s’exprimer ») interpellera les DRU, même si elle élude trop la question des moyens dégagés…

Auteur

  • Lydie Colders