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Bonus-malus, l’état des lieux commence

Le point sur | publié le : 13.09.2021 | Irène Lopez

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Permittence : Bonus-malus, l’état des lieux commence

Crédit photo Irène Lopez

 

Depuis le 1er juillet de cette année et jusqu’au 30 juin 2022, le ministère du Travail va observer 21 000 entreprises qui recourent de façon excessive aux contrats courts. Et, à partir de septembre 2022, les premières pénalités tomberont automatiquement. Reste à savoir si ce nouveau dispositif sera efficace…

Le recours abusif aux contrats courts, c’est fini ! Au moins en théorie… Non seulement ce système entraîne une précarité pour les salariés qui le subissent, mais en plus, il gonfle le déficit de l’assurance chômage, fait valoir le gouvernement. Deux phénomènes contre lesquels il entend lutter, sur fond de réforme de l’assurance chômage, promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Le constat, en matière de travail, est en effet sans appel. En près de vingt ans, la part des CDD dans les embauches hors intérim est passée de 76 % en 2000 à 87 % en 2019 dans les établissements de 50 salariés ou plus du secteur privé. « Le gouvernement va observer pendant un an 21 000 entreprises et les sanctionnera au titre du bonus-malus si elles abusent des contrats courts », avait en conséquence indiqué la ministre du Travail, Élisabeth Borne, dans une interview au Parisien, en juin dernier.

 

Exemptions

Concrètement, le bonus-malus s’applique aux entreprises dont l’effectif était supérieur ou égal à 11 salariés en 2020 et qui relèvent des sept secteurs d’activité dont le taux moyen de recours aux CDD est au-dessus de 150 % comme fixé par l’arrêté du 28 juin 2021 : fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ; production et distribution d’eau, assainissement, gestion des déchets et dépollution ; autres activités spécialisées, scientifiques et techniques (instituts de sondage) ; hébergement et restauration ; transports et entreposage ; fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques ; et enfin, travail du bois, industries du papier et imprimerie. Toutefois, les entreprises les plus affectées par la crise sanitaire en sont exemptées. C’est le cas des hôtels, cafés et restaurants qui recourent largement aux contrats courts (plus de 70 % des embauches en CDD de moins d’un mois). Seront également exclues temporairement une partie des entreprises des secteurs transports et entreposage, fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac et autres activités spécialisées, scientifiques et techniques.

Toujours est-il que les entreprises concernées ont d’ores et déjà reçu un courriel ou un courrier, en juin dernier. Et à partir de septembre 2022, elles se verront appliquer un système de bonus-malus, qui consiste à moduler le taux de contribution d’assurance chômage (actuellement de 4,05 %), à la hausse (malus), ou à la baisse (bonus), en fonction du taux de séparation. Ce taux correspond au nombre de fins de contrats en CDD assorties d’une inscription à Pôle emploi rapportées à l’effectif annuel moyen. Le montant du bonus ou du malus sera calculé en fonction de la comparaison entre le taux de séparation des entreprises concernées et le taux de séparation médian de leur secteur d’activité, dans la limite d’un plancher (3 %) et d’un plafond (5,05 %). « Le taux médian sépare les entreprises du secteur en deux groupes, précise l’Unedic. D’un côté, les entreprises dont le taux de séparation est supérieur au taux médian, et de l’autre, celles dont le taux de séparation lui est inférieur. Ce taux médian est déterminé de façon que la masse salariale totale des deux groupes soit la même. » Autant dire que, pour certains observateurs, c’est une usine à gaz !

 

Des réalités diverses

Reste que si, depuis une vingtaine d’années, les employeurs ont intensifié leur recours à des contrats de travail de courte durée, cet usage recouvre néanmoins, selon les secteurs, des réalités et des pratiques très diverses, tant pour les employeurs que pour les salariés. Côté employeurs, dans le secteur de la santé, du médico-social et de l’action sociale, le remplacement de salariés absents est le principal motif de recours invoqué. Dans les secteurs du commerce et de l’hôtellerie-restauration de même qu’au sein des collectivités territoriales, c’est d’abord le surcroît temporaire d’activité et la saisonnalité de l’emploi qui justifient la pratique. « Le recours aux contrats de travail à durée déterminée d’usage (CDDU) est inévitable, estime ainsi le consultant Jean-Luc Hauss, à l’origine du regroupement sous la marque Traiteurs événementiels de Paris, qui comprend les groupes Potel et Chabot, Lenôtre, Saint Clair, Groupe Butard, Kaspia réceptions, Dalloyau réceptions, Fleur de mets réceptions et Duval Paris. Dans l’événementiel, il y a très peu de récurrence. Nous avons peu de visibilité. En outre, notre activité est saisonnière. À Paris, nous travaillons principalement du 15 mai au 12 juillet. Les entreprises réalisent 25 % de leur chiffre d’affaires sur le seul mois de juin. Un traiteur peut avoir besoin de recruter 500 personnes un samedi soir et uniquement 10 le lendemain. Nous ne pouvons pas remplacer les contrats courts par des CDI. »

Même chose, selon lui, pour d’autres secteurs. Ainsi, « Peugeot sait qu’il va sortir un nouveau modèle mais il ne connaît pas la date précise ». Pas étonnant que Jean-Luc Hauss se dise très inquiet face au dispositif de bonus-malus sur les contrats courts instauré par le gouvernement. D’autant qu’il conteste que la lutte contre les contrats très courts doive sous-tendre la réforme de l’assurance chômage. « Il n’y a aucune étude qui apporte la preuve que le CDDU est responsable du déficit de l’Unédic », assure-t-il. Et s’il est contraint de payer des cotisations plus élevées, il affirme que le coût supplémentaire imputé à l’employeur devra se répercuter sur le prix demandé aux clients… Or le secteur dans lequel il évolue est très concurrentiel. Les compétiteurs sont français mais, de plus en plus, étrangers. Et les traiteurs français perdent déjà des appels d’offres, faute de prix suffisamment attrayants… Enfin, pour le représentant des Traiteurs événementiels de Paris, il faut aussi regarder du côté des salariés. « Certains font le choix de contrats courts de façon délibérée, par conviction et souplesse de vie, dit-il. D’autres font ce choix pour avoir un revenu complémentaire. Par ailleurs, les contrats courts permettent aux étudiants d’avoir une première expérience. En marge de mes études, j’ai moi-même fait des extras. »

Le bonus-malus sera-t-il suffisant pour inciter les entreprises à cesser d’avoir recours aux contrats courts ? En ce qui concerne les traiteurs organisateurs de réceptions, en tout cas, rien n’est moins sûr…

Auteur

  • Irène Lopez