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Chroniques

Clones malgré eux

Chroniques | publié le : 13.09.2021 | Jean Pralong, Laurène Houtin, Alexis Akinyemi

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Jean Pralong ; Laurène Houtin ; Alexis Akinyemi : L’expertise du Lab RH

Crédit photo Jean Pralong, Laurène Houtin, Alexis Akinyemi

 

Par Jean Pralong, Laurène Houtin et Alexis Akinyemi du Lab RH

La reproduction sociale est sans doute le concept de sciences sociales le plus simple à exposer : la société est construite pour que des hiérarchies entre des groupes sociaux se maintiennent de génération en génération. Les inégalités de trajectoires scolaires, d’emplois et de carrières ne sont pas le résultat du seul mérite individuel. Et ces différences de chances héritées sont de plus en plus visibles et de moins en moins tolérées par une société française très attachée à l’égalité. Avec un soupçon légitime : les structures en place au nom de la réussite de tous ne seraient-elles pas, en réalité, au service de quelques-uns ?

Les filières scolaires, les diplômes, les emplois et les mobilités donnent aux individus des labels qui déterminent leurs trajectoires suivantes. Ces filières, diplômes ou emplois sont de prestiges, de revenus ou de performances différentes : ils sont donc plus ou moins souhaitables et, en retour, sélectifs. L’école et les marchés du travail trient. Le tri est fractionné et distribué. Fractionné, car les tris sont nombreux et successifs : au lycée, le passage de la seconde à la première n’apporte que le droit de concourir au tri suivant, de la première vers la terminale. Distribué, car ces tris sont opérés par des institutions très diverses : systèmes scolaires secondaires public et privé, enseignement supérieur privé ou public, entreprises, intermédiaires du marché du travail, etc. Chaque diplôme obtenu, chaque établissement fréquenté et chaque poste occupé positionnent leurs détenteurs dans la hiérarchie sociale ; ils accordent un statut qui évalue comment les individus se distribuent dans la hiérarchie sociale selon le prestige qui leur est reconnu. Le statut est à la fois une cause et une conséquence des trajectoires. Il est la conséquence des étapes antérieures et des gains cumulés. Mais ces gains sont le capital qui permet des étapes ultérieures.

Le statut n’existe que parce que les hiérarchies sociales qu’il exprime sont connues et consensuelles. Le conseil de classe qui oriente ou le recruteur qui sélectionne appartiennent à des cultures opposées en bien des points. Mais les valeurs relatives des diplômes, des institutions académiques et des métiers sont des connaissances largement partagées. C’est pourquoi le statut est un signal efficace : il est un indice de qualité de l’individu mais aussi une indication sur les attentes, les devoirs et les comportements à avoir avec un individu.

Pourtant, on sait que les jugements rendus en conseil de classe ou les évaluations conduites lors d’un recrutement s’efforcent de prendre en compte des compétences, des performances et des caractéristiques individuelles. Leur but, louable, est notamment de neutraliser les effets d’appartenance sociale. Hélas, il est difficile de trouver des critères réellement neutres. Plus le niveau hiérarchique monte, plus les origines sociales sont proches et… plus les personnalités des salariés se ressemblent. La réalité est que la personnalité est, aussi, un marqueur de l’origine sociale, et donc du statut.

Les dimensions psychologiques qui recèlent une appartenance statutaire sont nombreuses. Nombreux sont donc les faux amis de la diversité.

Auteur

  • Jean Pralong, Laurène Houtin, Alexis Akinyemi