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Sur le terrain

Temps de travail : L’entreprise espagnole Software Delsol, pionnière de la semaine de quatre jours

Sur le terrain | publié le : 06.09.2021 | Valérie Demon

Depuis janvier 2020, la société andalouse a mis en place ce dispositif. Avec pour résultat une forte baisse de l’absentéisme et une hausse du chiffre d’affaires.

Francisco, 34 ans, qui travaille depuis 2015 dans l’entreprise andalouse Software Delsol, n’en croyait pas ses oreilles lorsque la direction a annoncé, en janvier 2020, la mise en place de la semaine de quatre jours. « Nous nous posions beaucoup de questions », se souvient ce technicien supérieur. Software Delsol, entreprise de logiciels qui compte 186 salariés et 53 000 clients, a fait figure de pionnière lorsqu’elle a instauré cette réduction du temps de travail tout en maintenant le salaire. Aucune société ne s’y était aventurée et la mesure était « risquée », comme le reconnaît aujourd’hui la directrice des ressources humaines, Ana Arroyo. Elle s’était elle-même inquiétée lorsque ses supérieurs lui avaient fait part de leur projet.

Culture d’entreprise

Il a pourtant une logique. « Chez nous, les mesures de bien-être sont nombreuses depuis plusieurs années », indique-t-elle. Software Delsol offre par exemple quatre semaines de plus que la durée légale pour les congés maternités et paternité. Et chaque année, l’entreprise mène une enquête sur le climat social. En 2019, un élément apparaît. « Les salariés jeunes ou sans enfant considéraient que le plus important pour eux était le temps libre », dit-elle.

L’idée viendra rapidement de la direction : passer d’une semaine de cinq jours de travail à quatre… Le défi est de taille. Comment donner un jour de congé en maintenant le salaire et en restant ouvert du lundi au vendredi ? Les équipes RH se sont mises à travailler sur ce nouvel objectif avec les chefs de service. « Il fallait que l’on sache combien de salariés étaient nécessaires pour faire fonctionner l’entreprise tous les jours sans nuire à la qualité du service », explique la directrice RH. Les équipes sans contact avec le public ont d’office eu leur vendredi libre. Pour les autres, le jour de liberté diffère. Ainsi, au sein du service commercial, les équipes sont divisées en cinq groupes et trois collaborateurs s’absentent chaque jour. « Il a donc fallu investir pour embaucher 19 personnes supplémentaires, qui elles-mêmes avaient droit à la semaine de quatre jours », poursuit Ana Arroyo. Avec un coût de 420 000 euros…

En outre, en hiver, les salariés travaillent 36 heures par semaine au lieu des 40 prévues et 28 heures en été, en journée continue. Francisco préfère cette organisation, plus rationnelle. « Nous avions beaucoup trop de temps, deux heures ou plus, pour la pause déjeuner, alors que nous pouvons gagner du temps pour nous libérer une journée », explique-t-il. « Tant que tu ne vis pas cette réalité, tu ne te rends pas compte de la qualité de vie que tu peux avoir », ajoute-t-il. Fraîchement rentré de ses vacances, il savoure déjà son jeudi libre. « Sans compter que toutes les cinq semaines, je bénéficie d’un week-end de quatre jours par le jeu des rotations », se réjouit-il.

Avantages

Autre avantage non négligeable pour l’entreprise : les différentes équipes ne déjeunant pas au même moment, les clients peuvent appeler l’entreprise de 9 heures à 18 h 30 sans interruption. Ana Arroyo signale aussi une chute de l’absentéisme de 28 % et une hausse du chiffre d’affaires de 20 %. Mais tous les départements n’ont pas bénéficié d’embauches pour instaurer la semaine de quatre jours. Personne ne remplace par exemple Ana Arroyo… « C’est plus de travail, certes, mais un jour de libre supplémentaire compense largement, dit-elle. Je ne me vois pas du tout revenir à une semaine classique de travail, d’autant que je suis habituée à gérer le stress. »

Software Delsol a reçu de nombreux appels d’entreprises intéressées. « Mais on ne s’attendait pas, en revanche, à une telle répercussion médiatique », s’amuse-t-elle, avant d’ajouter : « Cela ne veut pas dire qu’un tel dispositif fonctionnera pour toutes les entreprises. » En tout cas, le débat avance doucement en Espagne. Après une proposition d’un parti de gauche, le gouvernement espagnol a accepté de lancer un projet pilote : 50 millions d’euros seront investis en 2022 pour permettre aux entreprises intéressées de tester la formule sans prendre trop de risque. Dans un pays habitué au présentéisme, réduire le temps de travail « fait peur et requiert un changement de mentalité », relève Ana Arroyo. Signe que l’idée fait pourtant son chemin, le groupe de télécommunications Telefónica va mettre en place dès l’automne, sur la base du volontariat, la semaine de quatre jours – mais cette fois-ci, avec une baisse de 20 % du salaire…

Auteur

  • Valérie Demon