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Les clés

Le grand « formatage »des écoles de commerce

Les clés | À lire | publié le : 30.08.2021 | Lydie Colders

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Le grand « formatage »des écoles de commerce

Crédit photo Lydie Colders

Dans Entrez rêveurs, sortez manageurs, Maurice Midena dresse un bilan sévère de la formation des écoles de commerce. Les étudiants seraient influencés par un « néolibéralisme » ultra-pragmatique, qui les désoriente.

En 2017, l’école de management de Grenoble a demandé aux jeunes diplômés de résumer en un mot leur avis sur le cursus. Résultat : « Bullshit est arrivé en tête, juste après “33 000 euros”, le coût entier de la scolarité à l’époque », rapporte Maurice Midena. Une anecdote qui, pour ce journaliste, pourtant diplômé d’Audiencia, résume bien le « désenchantement » des étudiants d’école de commerce. De la formation à l’insertion, en passant par les excès de la vie étudiante, son enquête, truffée de témoignages d’étudiants d’HEC ou d’écoles de province, explore l’envers du décor de cette « fabrique de managers » prisée des entreprises. Loin de l’excellence académique, il critique la pauvreté des enseignements et le « formatage à l’idéologie néolibérale » d’esprits souvent brillants. Son livre analyse ce glissement des étudiants qui, malgré certaines réticences, finissent peu à peu par se « conformer au culte du profit ».

Le libéralisme incontesté

Maurice Midena y met parfois sa patte personnelle, fustigeant « l’indigence intellectuelle » des cours, dominée par un capitalisme qu’il n’est plus question de discuter : « Il est de bon ton de faire profil bas ». Et on apprend vite à ne pas augmenter un salarié moins performant, ou à étudier en économie « avec de simples graphiques économiques croisant l’offre et la demande », sans en questionner les fondements. « L’orthodoxie des cours de management apparaît naturelle, réaliste », sans aucun « discours critique ou même de mise en perspective historique ». On objectera que la vocation de ces écoles est de former de futurs cadres adaptés aux besoins des entreprises, non des penseurs. Mais le journaliste regrette « une bulle » dépolitisée, vidée de « savoirs » au profit unique de la performance. Les étudiants « en sortent moins intelligents », avec parfois un certain « blues » existentiel.

Quête de sens

L’enquête à charge, empreinte des travaux de Pierre Bourdieu, est un peu académique, quoique très complète. Côté insertion, cette critique du formatage (« la puissance normative du projet professionnel » et des réseaux) convainc moins. Si les business schools offrent une excellente insertion et de bons salaires, Maurice Midena tente de montrer des jeunes managers qui multiplient les expériences, doutent d’avoir fait le bon choix dans la fusion-acquisition ou le marketing digital. Reste qu’avec de belles perspectives de carrière, s’affranchir du moule reste marginal. Selon lui, seuls 6 % des diplômés environ opteraient pour une voie « atypique », comme Romain, diplômé de l’ESC Grenoble, qui refuse la vie de bureau et entend monter un bar, ou Iris, diplômée d’HEC, qui a bifurqué vers le journalisme. Pas de révolte franche chez ces élites, tout de même…

Auteur

  • Lydie Colders