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Management : Le casse-tête du retour au bureau

Le point sur | publié le : 23.08.2021 | Benjamin d’Alguerre, Gilmar Sequeira Martins

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Management : Le casse-tête du retour au bureau

Crédit photo Benjamin d’Alguerre, Gilmar Sequeira Martins

C’est à une rentrée particulière que s’apprêtent entreprises et salariés après une année et demie de crise Covid, marquée par des fermetures d’établissements, des confinements et des poursuites d’activité en télétravail. Comment directions et DRH se préparent-elles au retour progressif en présentiel ? Aperçu de la situation.

La parenthèse du « télétravail quatre jours sur cinq » étant terminée, l’heure du retour progressif des salariés sur leur lieu de travail a sonné. Selon les résultats d’une enquête réalisée par le cabinet de conseil en management Axys Consultants auprès de 183 dirigeants et responsables RH, 80 % des employeurs ont proposé à leurs salariés un retour en présentiel intégral ou partiel dès le mois de juin dernier. Quelque 82 % affirment également avoir adapté leurs locaux pour y faire respecter les mesures sanitaires et de distanciation sociale et 49 % indiquent même avoir bouclé des négociations avec les élus du personnel en perspective de ce retour en masse sur site. « Si l’organisation du retour progressif des collaborateurs semble être maîtrisée, c’est le facteur humain qui est la partie la plus délicate à gérer », avertissent cependant les experts d’Axys. D’ailleurs, « les périodes de confinement et de télétravail obligatoires ont donné du fil à retordre aux services RH », ajoutent-ils. Ainsi, 47 % des entreprises sondées ont dû faire face à des démissions, 40 % ont enregistré des demandes de reconversion et 34 % des demandes de mutation sur d’autres sites. Conséquence : managers et DRH se creusent la tête pour recréer du collectif au sein des équipes. Pour presque un tiers d’entre eux, le retour à la normale n’ira pas de soi. Ceux-là estiment que des actions spécifiques seront nécessaires pour retisser les liens de travail distendus par presque deux années de crise sanitaire.

De son côté, le ministère du Travail a permis, dans la dernière mouture de son protocole sanitaire en entreprise, publiée le 9 août, le retour en présentiel des salariés les plus vulnérables (immunodéprimés, titulaires d’une contre-indication médicale à la vaccination ou occupant un poste présentant un risque d’exposition à de fortes intensités virales) mais à condition que ceux-ci bénéficient de mesures de protection renforcée contre le risque de contamination (bureaux individuels, espaces de travail non partagés, vitres ou écrans de protection, horaires aménagés pour limiter les contacts, etc.). À compter du 15 septembre, ces salariés fragilisés pourront, si le retour sur site se révèle impossible, disposer de mesures d’activité partielle ou d’arrêt de travail dérogatoire.

La tentation du tout-télétravail

« Septembre 2021 constituera un moment clé pour le retour à la normale dans le monde du travail. Mais les entreprises ne feront pas l’économie d’un questionnement sur ce que sera la “normalité” après une telle crise. La période qui vient de s’écouler a largement fait bouger les lignes en matière d’organisation du travail, en faveur d’un fort développement du travail à distance », observe Daniel Ollivier, sociologue des organisations. Si les prévisions pré-Covid tablaient sur 50 % de salariés du tertiaire en télétravail partiel à l’horizon 2030, ce seuil pourrait être atteint beaucoup plus tôt, dans le sillage des séquences de confinement et de l’habitude prise du travail à distance. D’ailleurs, 42 % des dirigeants et responsables RH interrogés par Axys Consultants jugent que la généralisation de la semaine de quatre jours en présentiel est « une idée à tester » et 18 % d’entre eux qu’il s’agit « d’une bonne idée ». Mais si les entreprises commencent à réexaminer leurs accords télétravail en vue d’une généralisation de ce modèle, le travail à distance demeure un outil à manier avec précaution, alerte Laurence Breton-Kueny, DRH du groupe Afnor et vice-présidente de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH) : « Trop de télétravail peut nuire à la santé. Le lien social reste fondamental », assure-t-elle. Deux études, menées par la Dares et Ipsos en fin d’année 2020, démontrent le lien entre généralisation du travail à distance et multiplication des risques psychosociaux. Sans oublier les effets sur les collectifs de travail, délétères. « Durant les périodes de confinement, la politique du tout-télétravail a généré des ruptures d’égalité entre salariés de deuxième ligne contraints à une présence sur site pour assurer l’impératif de production et cadres du siège ayant pu travailler de chez eux », souligne Marine Roussanes, codirectrice de la practice stratégie et performance sociale au sein du cabinet de conseil en ressources humaines LHH. Un avertissement adressé aux entreprises tentées de faire du télétravail une pratique courante pour réaliser des économies sur les surfaces immobilières – au risque de distendre le tissu social interne… Mais, chez Stellantis (ex-PSA), le projet de développer une forme de travail à distance « quatre jours sur cinq » pour les cadres du siège afin de réduire le nombre de mètres carrés utilisables se heurte à une forte résistance des organisations syndicales – au nom, justement, du collectif de travail. De même, pour son futur siège social, Natixis n’a prévu que six postes de travail pour dix salariés. Comment gérer la circulation dans ces conditions ? Grâce à une appli qui indiquera aux salariés tentés de venir au bureau s’ils disposeront d’un poste ou non… « Cela produira de l’inconfort et du stress pour les salariés », estime cependant Valérie Lefebvre-Haussman, secrétaire générale de la CGT Banques-Assurances. La réorganisation des espaces s’annonce difficile pour l’établissement financier…

Quel management intermédiaire après la crise ?

Outre le foncier, les directions pourraient être tentées de réduire les coûts en taillant dans la masse salariale d’un management intermédiaire rendu parfois obsolète par une année et demie de travail à distance. « Zoom, Webex et Teams nous ont ringardisés, confie à cet égard un cadre d’un grand groupe mutualiste, quand tout le monde travaille en visioconférence de façon autonome, la plus-value d’un chef d’équipe n’est pas toujours aisée à démontrer. Difficile de penser que les DAF ne s’en sont pas aperçus ! » « Ceux qui envisageaient le management comme une fonction exclusivement dévolue au contrôle risquent de le regretter », confirme de son côté Daniel Ollivier. « Les managers de demain devront abandonner leur posture de simples gestionnaires de production pour endosser celle de pilotes, capables de faire tourner les organisations, de leur donner du sens et de la visibilité », ajoute-t-il.

Reste à savoir comment envisager cette réorganisation des structures, qui aura forcément un coût. « Pendant la crise, des collaborateurs se sont révélés et se sont parfois montrés capables de travailler en autonomie, sans leviers managériaux. Ce type d’évolutions doit amener à une réflexion en profondeur dans les organisations, qui devront sans doute se repenser en termes plus qualitatifs que volumétriques », confirme Marine Roussanes. Mais comment ? « Les entreprises devront investir dans leurs plans de développement des compétences (ex-plans de formation) pour aider leurs managers à s’adapter à la nouvelle donne de l’entreprise. Une société peut fonctionner sans locaux mais pas sans collaborateurs. C’est un actif dans lequel elles doivent investir. Et j’ai l’impression que la pandémie a renforcé cette prise de conscience », poursuit la responsable de LHH. À suivre, donc…

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre, Gilmar Sequeira Martins