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Charles-Henri Besseyre des Horts : professeur émérite à HEC Paris, président de l’AGRH

Chroniques | publié le : 23.08.2021 |

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Charles-Henri Besseyre des Horts : professeur émérite à HEC Paris, président de l’AGRH

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La question d’une éventuelle obligation vaccinale dans les entreprises

Au cours de cette dernière période de trêve estivale, des débats de plus en plus vifs apparaissent sur la scène médiatique autour de la généralisation du passe sanitaire et de l’obligation de vaccination contre la Covid-19. Dans les entreprises, ces débats sont alimentés par des décisions récentes de grandes entreprises américaines – dont Google, Walmart et Disney – obligeant leurs collaborateurs à se faire vacciner au plus tard à l’automne prochain. Ces décisions ne sont pas sans rappeler les directives gouvernementales de cet été 2021 en France contraignant certains secteurs à rendre également obligatoire la vaccination de leurs collaborateurs1. Ce qui est légitimement perçu par un certain nombre de salarié(e)s comme une privation de liberté individuelle l’est-elle réellement dans la mesure où nous avons tous vécu d’autres formes de privation des libertés depuis plus de 18 mois avec les confinements successifs et autres couvre-feux ? Dans le contexte de l’entreprise, la liberté revendiquée par les uns est susceptible d’impacter directement la santé des autres, notamment les plus fragiles, rendant difficile le fonctionnement du collectif humain surtout si un retour plus marqué du présentiel se concrétise dans les semaines et les mois à venir.

Pour les dirigeants, et les DRH en particulier, la question de la santé des collaborateurs est en haut de leurs priorités depuis le début de la pandémie et, si la solution vaccinale semble être l’une des clés pour permettre aux entreprises de retrouver un mode opératoire « normal » avec une activité comparable à l’avant-crise, alors il n’est pas étonnant de constater l’intérêt grandissant de ces dirigeants pour la généralisation de l’obligation vaccinale dans leurs entreprises. Si l’objectif de se débarrasser le plus rapidement possible du virus dans le milieu professionnel est louable, il n’en reste pas moins que l’imposition d’une obligation vaccinale met à mal les principes d’autonomie et de responsabilisation des collaborateurs souvent présentés comme les fondements de l’entreprise de demain dans un contexte d’après-crise et de révolution digitale amplifiée par la pandémie. Alors comment résoudre un problème qui s’apparente à la quadrature d’un cercle ? Il n’est pas question ici de donner une réponse simple à une question aussi complexe que celle de l’obligation vaccinale tout en cherchant à préserver l’autonomie et la responsabilisation, seules quelques pistes sont rapidement esquissées.

La première d’entre elles est de souligner que chaque entreprise représente une situation unique et qu’une éventuelle obligation vaccinale devrait s’adapter à chacune de ces situations. La deuxième est de chercher à convaincre l’ensemble des collaborateurs plutôt que d’imposer la vaccination dans une approche de type « change management » faisant appel à la responsabilisation individuelle pour préserver le collectif. La troisième est de s’appuyer sur le dialogue social avec les partenaires sociaux locaux pour les embarquer dans cette entreprise inédite, car elle touche à l’intime des individus même si, sur le plan national, les positions des grandes centrales divergeaient début juillet 2021 quant à l’obligation vaccinale1. La quatrième est, pour les dirigeant(e)s, de faire preuve de pragmatisme et d’exemplarité en témoignant de l’importance de la vaccination pour l’entreprise jusqu’à se mettre en scène eux(elles)-mêmes pour expliquer les raisons qui les ont poussé(e)s à se faire vacciner tout en insistant sur la nécessaire préservation du secret médical pour chacun(e) des collaborateurs(trices). La cinquième est de prévoir une « soupape de sécurité » pour les personnes fortement réticentes ou dans l’impossibilité de se faire vacciner pour raisons médicales en organisant pour elles un télétravail renforcé et/ou des tests de dépistage chaque fois que le retour sur le lieu de travail est nécessaire. La sixième est d’insister sur le fait que cette contrainte n’est que temporaire et qu’elle sera levée dès que la sécurité collective sanitaire sera définitivement rétablie.