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Parcours collaborateur : L’off-boarding redonne du sens au départ

Le point sur | publié le : 12.07.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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Parcours collaborateur : L’off-boarding redonne du sens au départ

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Encore minoritaire, le process d’accompagnement des collaborateurs qui partent, appelé aussi off-boarding, permet d’améliorer la fidélisation, l’attractivité, voire même le retour des ex-salariés.

Longtemps, partir d’une grande entreprise revenait à tirer un trait sur tout espoir d’y revenir un jour. « Certains groupes interdisaient le retour », se souvient Marc Veyron, qui a occupé des postes de DRH pendant plus de vingt ans avant de devenir consultant du cabinet Topics. Les temps ont un peu changé et nombre d’organisations ont mis en place des entretiens de sortie ou même des procédures élaborées de départ (ou off-boarding) pour accompagner les salariés qui décident de les quitter. La pratique reste encore minoritaire, note cependant Marie Hathroubi, directrice recrutement et formation de Hays France : « Aujourd’hui, moins de 10 % des salariés bénéficient d’un accompagnement spécifique lors de leur départ d’une organisation. »

Si l’intérêt que suscite l’off-boarding reste encore mesuré, cet outil RH pourrait connaître une plus large diffusion à l’avenir. D’abord en raison du turn-over important parmi des salariés très qualifiés. C’est le cas dans l’IT depuis le début des années 2000. « Compte tenu de la formation dont bénéficie le salarié et de l’investissement consenti par l’entreprise pour sa montée en compétences, un turn-over supérieur à 15 % est un problème, explique Marc Veyron. Il était possible bien sûr d’inclure dans le contrat une clause de dédit basée sur l’importance de la formation mais cela induisait une relation contrainte qui ne pouvait pas être satisfaisante. C’est dans les secteurs de l’IT, du consulting, de l’énergie et des télécoms qu’ont commencé les entretiens d’off-boarding parce ce sont des secteurs très concurrentiels qui puisent dans un vivier de candidats restreint. »

Améliorer les process internes

Un deuxième facteur explique le recours croissant à l’off-boarding : le souci de préserver l’image de l’organisation. « Les entreprises ont réalisé que les candidats regardaient les avis des anciens salariés diffusés sur les réseaux sociaux ou des sites spécialisés avant de postuler, raconte Marc Veyron. Avant les réseaux sociaux, ce type de commentaire restait confiné dans l’entourage de la personne. » Aujourd’hui, ces commentaires peuvent avoir un retentissement incontrôlable qui peut écorner la marque employeur d’une entreprise. Dans les organisations qui peinent à recruter, gérer au mieux la sortie des salariés devient donc un impératif stratégique.

Mener des entretiens de sortie présente d’autres avantages. Angélique Bordas, directrice des ressources humaines d’Isoskele, ne le sait que trop bien. Cette filiale de la Poste spécialisée dans le marketing digital est née début 2019 avec le regroupement de six entités existantes, un grand mécano qui a conduit nombre de salariés à envisager ailleurs leur avenir. Avant le départ, un échange s’impose, estime Angélique Bordas : « L’un des enjeux d’un entretien d’off-boarding est aussi de découvrir les raisons cachées d’un départ. Tout le monde ne veut pas forcément faire état de difficultés managériales ou de son incertitude face à la mise en place d’une nouvelle stratégie. » Avec ces entretiens, la dirigeante estime avoir découvert les motifs réels des départs.

Les informations recueillies aboutissent aussi à l’amélioration des process internes. Pendant les mois qui ont suivi la création de la structure Isoskele, de nombreux départs sont intervenus durant les périodes d’essai. Les entretiens de départ ont dévoilé qu’ils avaient pour cause déterminante un manque d’accompagnement de la part des managers. « Les nouveaux collaborateurs n’avaient pas assez de visibilité ou de retour pour avancer dans leurs missions, précise Angélique Bordas. Nous avons donc mis en place un process spécifique d’intégration ainsi qu’un dispositif de soutien à la ligne managériale. » Désormais, lorsqu’il accueille un nouveau collaborateur, le manager doit intervenir pour expliquer les règles de fonctionnement, indiquer les objectifs, réaliser un premier bilan, prévoir des formations et faire des points réguliers sur la montée en compétences du collaborateur.

Selon Angélique Bordas, ces actions ont réduit de façon significative le nombre de départs durant la période d’essai tout en contribuant au retour de certains ex-salariés : « Nous avons déjà réembauché à plusieurs reprises des collaborateurs qui étaient partis. Dans la majorité des cas, nous les avons contactés mais il est aussi arrivé qu’ils postulent après avoir vu l’offre que nous avons publiée. »

Le retour se déroule d’autant mieux que le salarié connaît déjà l’entreprise et peut lui apporter une expérience nouvelle, susceptible d’enrichir la culture commune. Enfin, même s’il ne revient pas, le salarié partant a de fortes chances d’améliorer la marque employeur, indique Marie Hathroubi : « L’une de nos enquêtes, menée en décembre 2019, montrait que 85 % des salariés se disaient prêts à parler positivement de l’entreprise si le départ se passait bien. »

Une construction collective

Ce dispositif d’accompagnement du salarié peut gagner en efficacité si la démarche est lancée en amont. « Lorsqu’une entreprise a des postes à pourvoir, il est important de faire un point sur les possibilités de mobilité interne, souligne Marie Hathroubi. C’est une façon de valoriser la personne et, éventuellement, de garder à un autre poste un salarié qui connaît déjà bien l’organisation. »

Le process doit être une construction collective, assure de son côté Hugo Manoukian, dirigeant de MoovOne, spécialisé dans le coaching digital : « L’off-boarding doit commencer par un bilan réalisé avec les services RH, les managers et, si possible, les délégués du personnel ou les partenaires sociaux. » Autant de concertations qui permettent d’organiser le déroulement de l’événement, de prévoir la communication qui sera diffusée auprès des équipes et les modes de travail après le départ. Quant à l’entretien lui-même, il doit suivre quelques principes simples, estime le dirigeant : « Durant l’entretien d’off-boarding, nous préconisons de communiquer avec humanité et courage, c’est-à-dire en assumant ses émotions et en invitant ceux qui y participent à dire les choses ; ensuite de construire ensemble un timing et une communication à destination des équipes ; puis de préparer la passation avec les équipes qui restent ; enfin, de prévoir un moment pour que les équipes puissent dire au revoir au collaborateur qui part, un moment ritualisé, qui a beaucoup manqué durant la crise sanitaire et qui doit aussi être réinventé. »

Ce type de conseils se révéleront bientôt utiles car l’off-boarding pourrait connaître un emballement à brève échéance. « L’off-boarding est né parmi les entreprises qui étaient confrontées à des bassins d’emploi tendus, à des turn-over élevés ou à la rareté de certaines compétences, rappelle Bertrand Dalle, dirigeant du cabinet Conseil et Recherche. La crise sanitaire peut accélérer ce processus car elle a suscité parmi l’élite managériale dont les entreprises ont besoin de nouvelles attentes. De nombreux managers ainsi que des candidats sont de moins en moins enclins à venir cinq jours par semaine au bureau. Une fois que les contraintes de la crise sanitaire seront levées, ces attentes se manifesteront clairement, il y aura un effet de « rattrapage ». » Autant de départs que les entreprises ont intérêt à anticiper et à comprendre pour retenir leurs talents ou espérer les remplacer plus rapidement.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins