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Un congé de mobilité mal identifié

Le point sur | publié le : 05.07.2021 | Benjamin d’Alguerre

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Reconversion professionnelle : Un congé de mobilité mal identifié

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Créé en 2006 pour faciliter les transitions professionnelles « à froid », en amont d’un plan de licenciements, le congé de mobilité n’a jamais trouvé son public. Mais au moment où les besoins de reconversion s’annoncent énormes en période post-Covid, il pourrait trouver sa place dans les dispositifs de restructuration.

Le congé de mobilité a beau souffler ses quinze bougies en 2021, sa notoriété reste encore largement à construire. Créé par un article de la loi sur le développement de la participation et de l’actionnariat salarié du 30 décembre 2006, il était alors présenté comme la première pierre du chantier de la sécurisation des parcours professionnels. Son objectif : permettre aux entreprises de 1 000 salariés et plus d’anticiper leurs futures restructurations en offrant aux salariés volontaires la possibilité de quitter leur emploi et de préparer une reconversion professionnelle en bénéficiant d’un maintien d’une partie du salaire pendant au moins douze mois, d’un accompagnement par une cellule de suivi le temps du congé ou du financement des actions de formation nécessaires au reclassement.

Bref, un dispositif « à froid », nécessairement accolé à un accord de GPEC, là où n’existaient que des outils « à chaud » comme le congé de reclassement ou la convention de reclassement personnalisée (CRP) qui ne pouvaient être activés qu’à l’issue des procédures de licenciement. Afin de rendre le dispositif attractif, ses concepteurs l’avaient assorti d’avantages pour l’entreprise et le salarié. Pour l’employeur, une exemption presque totale de charges durant les neuf premiers mois du congé ; pour le collaborateur, la non-rupture du contrat de travail durant l’année de mobilité et la possibilité de revenir à son emploi antérieur en cas d’échec du reclassement. Un dispositif gagnant-gagnant, en grande partie à construire par la voie du dialogue social d’entreprise… mais presque jamais utilisé. « La brutalité de la crise de 2008-2009 n’a pas laissé aux DRH le temps de s’en emparer. Les entreprises qui se sont retrouvées presque du jour au lendemain en situation de devoir restructurer ont massivement recouru aux PSE », rappelle un acteur RH de l’époque.

Faible reconnaissance

Presque oublié depuis, le congé de mobilité a fait son retour, en 2017, dans le cadre des ordonnances Travail. Bien décidé à assouplir le marché du travail, l’exécutif a produit une version remise au goût du jour, adossée à un accord de rupture conventionnelle collective (RCC), et en faisant sauter le plancher des 1 000 salariés nécessaires afin de démocratiser son usage. « Selon les textes, une TPE peut parfaitement signer un accord RCC par référendum comprenant un volet dédié au congé de mobilité même s’il ne concerne qu’une personne », détaille Joseph Tayefeh, secrétaire général de Plastalliance, l’une des fédérations patronales de la plasturgie. Plus souple… mais pas plus populaire, étant donné la faible reconnaissance du dispositif par les acteurs sociaux. « Il n’est pas mal ou peu connu… il est quasiment inconnu ! Les entreprises ne le connaissent pas et, concernant mon organisation, nos délégués syndicaux non plus », témoigne Maxime Dumont, chef de file CFTC sur les questions de formation professionnelle. La raison selon lui : un dispositif mal identifié, coincé entre l’ex-congé individuel de formation (Cif) qui a, en 2019, cédé la place au projet de transition professionnelle (PTP) et TransCo, le nouvel outil des transitions collectives créé par le gouvernement et les partenaires sociaux en juin 2020 afin de permettre de créer des passerelles formation-emploi entre entreprises prêtes à dégraisser et employeurs du même bassin d’emploi à la recherche de compétences. Pas le bon timing. Pas la bonne échelle. « Le problème du congé de mobilité, c’est qu’il intervient très en amont du risque de restructuration et repose sur le volontariat des salariés intéressés. C’est-à-dire qu’il faut trouver à la fois une entreprise dotée d’une vision de son avenir économique et des compétences dont elle aura besoin et des collaborateurs nourrissant des projets de reconversion avec la quasi-certitude d’un emploi à l’issue du projet », analyse Damien Brochier, chargé de mission partenariats et formation au Céreq.

Anticiper d’éventuelles restructurations

Pourtant, le congé de mobilité a ses adeptes. Certains groupes de haute technologie comme IBM, Hewlett Packard Enterprise (lire p. 13) ou Sanofi confrontés à un besoin de renouvellement permanent des compétences lui ont trouvé des vertus. Ce qui n’est pas toujours le cas des organisations syndicales signataires des accords GPEC, GEPP ou RCC sur lesquels le congé de mobilité est adossé. Ainsi, chez Sanofi, où le congé de mobilité déployé en 2018 vise particulièrement les salariés des services R &D, le dispositif est jugé peu efficace par les représentants du personnel. « Selon nos estimations, moins d’une centaine de salariés du groupe [sur 24 500 en France, NDLR] y ont eu recours », juge Jean-Marc Burlet, délégué syndical CFE-CGC. La direction de l’entreprise pharmaceutique, elle, estime plutôt ce nombre à 500. Quoi qu’il en soit, il ne soulève pas l’enthousiasme : « Lors de la négociation de l’accord GEPP 2018-2020, on a clairement dit à la DRH que le congé de mobilité serait, pour nous, une compensation de la disparition des dispositifs de fin de carrière pour les seniors. Et aussi parce que ce dispositif est le dernier outil dont dispose la direction pour éviter de passer par la case PSE », décrypte le syndicaliste. La prochaine négociation GEPP qui doit s’ouvrir dans les mois à venir chez Sanofi déterminera si le congé de mobilité figure toujours dans l’arsenal des dispositifs RH. Dans la plasturgie, récemment ébranlée par la flambée des prix des matières premières, Plastalliance encourage et aide ses entreprises adhérentes à se saisir de tels dispositifs préventifs en cas de coups durs : « On envisage le congé de mobilité comme l’APLD : ce n’est pas parce qu’un accord existe que le dispositif va automatiquement être déployé, mais en cas de besoin, il est là pour anticiper d’éventuelles restructurations des entreprises », indique Joseph Tayefeh.

À l’heure où les besoins de reconversion s’annoncent massifs, le congé de mobilité peut-il gagner les lettres de noblesse qu’il n’a jamais pu acquérir ? Oui, mais à condition de l’articuler intelligemment avec d’autres outils individuels ou collectifs « à froid » tels que le PTP ou TransCo, répond Maxime Dumont. Pas facile, d’autant que contrairement à ces dispositifs appuyés sur une enveloppe financière fixe, le financement du congé de mobilité dépend de l’entreprise signataire d’un accord et de son Opco. « Avec les besoins de reconversion qui s’annonce, chaque dispositif devra être observé de près. Il n’est pas impossible que les conseillers Opco soient demain amenés à en faire la promotion comme ils le font sur les autres dispositifs. Nous entrons dans une époque où l’emploi doit s’envisager entreprise par entreprise, territoire par territoire », avertit Guillaume Domergue, responsable national projet TransCo au sein de l’Opco des entreprises de proximité (Opco EP). Peut-être l’occasion de sortir le congé de mobilité de l’anonymat.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre