logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

« Il faut avoir les reins solides pour s’engager dans un dispositif aussi exigeant »

Le point sur | publié le : 05.07.2021 | Benjamin d’Alguerre

Image

« Il faut avoir les reins solides pour s’engager dans un dispositif aussi exigeant »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Le congé de mobilité peut aussi bien connaître un regain d’intérêt en cette période de besoins de reconversion massifs que mourir faute d’entreprises souhaitant y recourir. Principaux écueils de son utilisation par les services RH : son coût et l’absence de lisibilité sur les besoins en emplois de demain.

Les professionnels des ressources humaines se saisissent-ils du congé de mobilité ?

De ce que j’en observe, ils s’en saisissent assez peu. À sa création [en 2006, NDLR], le congé de mobilité ne concernait que les entreprises de 1 000 salariés et devait être adossé à un accord GPEC. Je n’ai jamais vu passer de tels accords. C’est compréhensible : dans sa mouture originale, il présentait assez peu d’intérêt pour les services RH. En premier lieu, car il n’est pas facile à « vendre » auprès des collaborateurs qui peuvent être amenés à penser que si un tel dispositif fait son apparition dans les accords d’entreprise, c’est que le plan social n’est pas loin. Et, dans un second temps, parce que ce n’est pas un outil adapté pour les entreprises en situation de devoir mettre en place des restructurations lourdes. Les ordonnances Macron de 2017 l’ont remanié afin qu’il puisse toucher des entreprises de plus petite taille en s’adossant à des accords de rupture conventionnelle collective, mais là encore, la question de son intérêt se pose. Les exigences de formation renforcée associées au congé de mobilité représentent un tel coût pour l’employeur qu’on imagine mal le DRH d’une entreprise en difficulté s’en saisir. Pourquoi irait-il vers le congé de mobilité lorsqu’il peut mettre en place un plan de départs volontaires ? Il faut avoir les reins solides pour s’engager dans un dispositif aussi exigeant. En conséquence, il reste un outil réservé aux grands groupes – comme IBM – qui disposent des moyens humains et financiers nécessaires pour s’en servir.

Comment imaginer son articulation avec d’autres dispositifs de reconversion professionnelle comme le PTP ou TransCo, par exemple ?

La question qui se pose, c’est celle du financement de la transition professionnelle des salariés en partance. Les entreprises doivent-elles contribuer à cette prise en charge ? Dans la tête des RH, c’est oui, mais dans les faits, cela dépend de la lisibilité des situations, de la diversité des stratégies régionales ou territoriales mises en place et de la participation des pouvoirs publics à ces dispositifs. Or, cette lisibilité n’est pas garantie car il existe aujourd’hui profusion de dispositifs de reconversions ou de transitions professionnelles en fonction des publics ciblés et souvent pilotés par des acteurs différents. Les branches seraient les actrices les plus pertinentes pour coordonner tous ces dispositifs mais elles sont tellement atomisées qu’elles ne sont pas en mesure de le faire. En définitive, le chef d’entreprise ou le DRH est souvent perdu au milieu du mille-feuille et, si l’entreprise va mal, laisse la question de la reconversion de ses anciens salariés à Pôle emploi !

Le congé de mobilité pourrait-il retrouver une dynamique dans cette époque post-Covid où il y a des besoins de reconversions à grande échelle ?

Difficile à dire. Les transitions professionnelles impliquent une anticipation des emplois de demain. Quel service RH peut affirmer qu’il dispose d’une telle visibilité alors que nous sortons à peine de la pandémie ? Il faut impérativement établir des cartographies des emplois dont auront besoin les entreprises dans les temps à venir, mais cela peut prendre des années. Actuellement, on entend tout de même davantage parler de dynamisation de l’emploi des jeunes que de reconversion des salariés. Sans compter les limites du dispositif lui-même dont la durée reste limitée à un an. Insuffisant pour transformer, par exemple, un comptable en carrossier. Cette limitation du dispositif dans le temps réduit les possibilités de recourir au congé de mobilité. À quoi se rajoute la perspective, en cas de changement radical de carrière, de repartir en bas de l’échelle. Pour reprendre l’exemple d’un comptable de 50 ans reconverti dans la carrosserie, retrouvera-t-il un niveau de rémunération au moins aussi intéressant que ce qu’il connaissait avant ? Rien n’est moins sûr. Le congé de mobilité va-t-il connaître une deuxième jeunesse ou, à l’image d’autres dispositifs RH comme le CDD senior, va-t-il mourir tranquillement faute d’être utilisé ? Nous verrons bien.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre