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Comment défendre sa e-réputation

Le point sur | publié le : 28.06.2021 | Irène Lopez

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Réseaux sociaux : Comment défendre sa e-réputation

Crédit photo Irène Lopez

En France, près de 200 bad buzz concernant des entreprises sont recensés chaque année. Du post malveillant qui est rapidement chassé par une autre information au flot de critiques qui fait le tour des réseaux sociaux jusqu’à mettre en péril une entreprise, tous les cas de figure sont possibles. Mais il existe des moyens à mettre en œuvre pour éviter une crise, que l’on soit une PME ou un grand groupe.

Le client d’un restaurant qui voit passer une souris sous la table, la prend en photo et télécharge l’image sur Twitter est l’exemple même de l’information négative qui va s’amplifier sur Internet et porter préjudice au restaurateur. Cette année, Orange a dû faire face à une telle mésaventure. Sur Plazza, le réseau interne de la société française de télécommunications, les salariés peuvent discuter de sujets qui leur tiennent à cœur. Le groupe « Jsuis vert » a été créé pour débattre de la 5G, sujet sensible dès que l’on parle de télécommunications. Un document critique sur la 5G y a été partagé. Les choses se sont gâtées lorsque le document a fuité et s’est retrouvé à la Fédération française des télécoms. La première réaction d’Orange a été de diligenter une enquête interne pour savoir qui en était à l’origine. Les syndicats s’en sont mêlés, on a crié à la censure, etc. Pendant que l’entreprise cherchait à mettre la main sur le salarié indélicat, l’information sur cette enquête, musclée selon les dires de salariés, était déjà diffusée sur les réseaux sociaux et le grand public, au courant. Depuis, une partie des membres de Jsuisvert ont adhéré au syndicat CFE-CGC qui, via une lettre ouverte adressée aux dirigeants de l’entreprise, demande à Orange de s’engager davantage en matière de RSE. Ce bad buzz aurait pu être évité. Plutôt que de laisser les critiques se répandre sur les réseaux sociaux, il aurait fallu réagir très vite, dès que le nom de l’entreprise a été cité.

Surveiller pour réagir

« Les entreprises doivent s’équiper d’outils de social listening qui permettent de surveiller tout ce qu’il se passe sur Internet. Des logiciels proposent ainsi une vigilance sur des mots-clés. Pour le groupe Ferrero, par exemple, le premier mot-clé surveillé comme le lait sur le feu concernant la marque Nutella est “huile de palme” », explique Martine Le Jossec, consultante et formatrice en communication. Selon elle, il ne faut pas en rester là, il faut également surveiller tous les comptes susceptibles de s’exprimer sur l’entreprise, comme ceux de ses détracteurs. Le groupe Bigard qui commercialise la marque de viande bovine Charal suit ainsi de près les comptes des associations vegan.

Les messages postés par les dirigeants et les principaux managers de l’entreprise seront également scrutés, leur e-réputation impactant directement celle de l’entreprise. En 2014, lorsque Michael Jeffries, le dirigeant de la marque de vêtements Abercrombie, écrit sur les réseaux sociaux qu’il n’habille que les « gens beaux à la taille de guêpe et que les pauvres doivent se tenir éloignés de la marque », il a suscité la polémique et une crise sans précédent au sein de l’entreprise. Le désamour des consommateurs pour Abercrombie ne s’est pas fait attendre et les résultats de l’entreprise ont chuté.

Autre exemple, celui du Slip français, en 2020 : deux salariés du service marketing de la marque de vêtements se sont noirci le visage, lors d’une soirée privée, caricaturant une personne de couleur. L’instant a été immortalisé par une vidéo qui s’est retrouvée sur leurs comptes sociaux privés. La vidéo a été reprise et a fait le tour du web. Le Slip français a été taxé de racisme. Très rapidement, les dirigeants de la marque ont condamné les faits et ont assuré qu’ils sanctionneraient les salariés concernés dans un message posté sur les réseaux sociaux pour « éteindre le feu », misant ainsi sur la réactivité et la transparence.

Toutes les ressources internes mobilisées

Selon Fabrice Frossard, fondateur de Faber Content, agence spécialisée en marketing de contenu B2B, et professeur à l’École de guerre économique, « la majorité des entreprises n’ont pas de manuel pour faire face à une crise digitale. Il convient pourtant d’avoir une approche structurée. Le plus important est de reprendre le contrôle de l’histoire. S’il y a faute avérée, l’entreprise doit s’excuser. Toutes les ressources internes de l’entreprise sont mobilisées : on se rend disponible pour répondre aux journalistes, on est transparent et on trouve les mots justes ». Cette attitude sera d’autant plus efficace si l’entreprise a déjà une relation de confiance avec l’opinion publique. Dans ce cas, des clients ou des acteurs de l’écosystème de l’entreprise prendront parti pour elle.

La transparence et la rapidité ont été les qualités d’OVH, hébergeur français de serveurs, lorsque l’entreprise a récemment dû faire face à l’incendie de ses serveurs. Les dirigeants ont communiqué très vite sur le sinistre et ont tenu informés les clients. « Le DG est monté au front et a contrôlé la communication. Il a informé le grand public de façon transparente : “c’est en train de brûler et nous faisons ce que nous pouvons” », commente Fabrice Frossard. La gestion de la SNCF, en 2013, est un autre cas d’école. Après le déraillement d’un train en gare de Brétigny-sur-Orge, le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, avait immédiatement endossé la responsabilité de l’accident et s’était rendu sur place à plusieurs reprises lors de l’enquête qui a suivi.

Si les messages négatifs prennent de l’ampleur, les experts en la matière préconisent de mettre en place une mini-cellule de crise où le community manager est en lien permanent avec la direction générale. En outre, l’information doit circuler dans toutes les strates impliquées. Lorsque la marque Perrier est accusée de mettre trop de gaz dans ses bouteilles en mettant en péril la santé des consommateurs, c’est la chaîne de production qui est en cause. Son responsable doit alors faire partie de la cellule de crise. C’est pourquoi les experts recommandent des cellules internes de surveillance des réseaux sociaux. L’agence externe n’est préconisée que pour mettre en place le process.

« De manière générale, c’est la règle des RE qui est préconisée : REmercier, RÉpondre, REmonter la cote et la RÉputation. Il ne faut jamais botter en touche, clame Martine Le Jossec. On remercie tout de suite l’internaute qui a publié un problème de lot défectueux sur un produit. L’entreprise retirera ensuite le lot, etc. »

Pallier les attaques internes

Quel est le rôle des RH dans cette guerre digitale ? Celui de former pour anticiper. Les collaborateurs doivent avoir conscience que tout message posté sur les réseaux sociaux peut avoir une incidence. Il faut donc leur donner l’aisance des outils. Cela commence par bien utiliser les médias sociaux. Une charte, un guide d’usage sont nécessaires afin de pouvoir répondre à des questions pratiques : Qu’est-ce qu’une plateforme sociale ? Comment créer un compte ? Quelles sont les bonnes pratiques ?, etc. En tant qu’annonceur, L’Oréal est régulièrement agressé sur les réseaux sociaux. Le producteur français de produits cosmétiques sait bien communiquer auprès de ses collaborateurs pour pallier toute attaque venant de l’interne. Le groupe soumet de nombreuses enquêtes de satisfaction à ses collaborateurs. Au moindre problème, ces derniers peuvent en référer à leur N + 1… N + 3…

L’erreur la plus commune est de paniquer. Certes, il faut répondre vite pour éviter que le soufflé des critiques ne monte mais il ne faut pas se précipiter, comme l’a fait Évian au mois d’avril dernier. Régulièrement, la marque d’eau minérale de Danone appelle les consommateurs à s’hydrater, sans que cela ne suscite de réactions sur les réseaux sociaux. Or, un tweet publié le premier jour du ramadan en a déclenché plusieurs. Le tweet a été jugé offensant par des internautes à l’égard des musulmans. Le groupe s’est empressé de s’excuser pour sa maladresse, pensant clore le débat. Le message : « Bonsoir, ici la team Évian, désolée pour la maladresse de ce tweet qui n’appelle à aucune provocation ! » a, au contraire, provoqué encore plus de réactions que le premier. À cette polémique a été indexé un mot-clé qui a cumulé plus de 7 000 tweets en quelques heures. La twittosphère s’est enflammée et les internautes se sont scindés en deux camps : ceux qui en ont ri et ceux pour qui la marque était à boycotter. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a tellement d’informations sur les réseaux sociaux que le bad buzz d’Évian n’aura duré que deux jours. Mais les entreprises doivent néanmoins rester sur leurs gardes car « Internet n’a pas beaucoup de souvenirs mais a beaucoup de mémoire ».

Auteur

  • Irène Lopez