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« Ce ne sont plus les clients, ni les ONG qui dénoncent, mais les salariés eux-mêmes »

Le point sur | publié le : 28.06.2021 | Irène Lopez

> Marie Muzard, fondatrice de MMC, experte en crise digitale, et auteure de Very bad buzz : Méthode pour préserver sa réputation sur Internet (éditions Eyrolles, 2015), met en avant la nécessité de la prévention en matière de réputation digitale.

Qu’est-ce qu’une bonne réputation sur les réseaux sociaux et comment la conserver ?

La bonne réputation est celle qui n’est pas entachée par le bad buzz, phénomène de bouche-à-oreille négatif qui se déroule et s’amplifie sur Internet. Quand on est confronté à une vague inhabituelle de critiques, votre réputation est impactée. L’idéal est de prévenir car gérer un bad buzz est plus coûteux et plus aléatoire. Les entreprises continuent de penser que nous sommes dans un monde où il suffit de respecter les Codes du travail pour être serein. Or, l’aspect réglementaire et juridique est toujours en retard d’une guerre par rapport à la question médiatique. Une entreprise peut très bien faire l’objet d’un bad buzz si elle continue à proposer comme choix “mademoiselle” dans un formulaire, surtout si elle s’adresse à des millenials, particulièrement attentifs aux questions de genre. Aujourd’hui, avant de prendre une décision qui impacte les salariés, l’entreprise s’attache à vérifier si elle est dans les clous de la réglementation alors qu’elle doit veiller à être conforme aux tabous digitaux de l’époque. On définit ces derniers comme des sujets extrêmement sensibles qui mobilisent les internautes sur les réseaux sociaux.

Quels sont les bad buzz les plus courants ?

Nous tenons une base de données qui répertorie plus de 4 000 bad buzz. Le constat est le suivant : 90 % d’entre eux s’expliquent par une dizaine de tabous digitaux. Les entreprises doivent les connaître. Trois concernent directement les DRH. Le premier est le sujet ethnique qui concerne 20 % des bad buzz recensés. Lors des recrutements, des promotions, de la visibilité de l’entreprise ou de la reconnaissance des salariés, il faut faire attention à la discrimination ethnique. Le sexisme est le deuxième tabou. À lui seul, il recueille 11 % des bad buzz de l’année 2020. Vient ensuite la discrimination sociale qui représente 9 % des bad buzz de l’année dernière.

Comment les prévenir ?

Toujours dans le but de prévenir plutôt que guérir, je préconise de réaliser des digital stress tests, à l’instar des crash tests de l’industrie automobile. Lors du lancement d’une campagne de publicité ou d’une nouvelle formation, par exemple, il convient de poser des questions à la sphère concernée pour vérifier les sensibilités du moment. De nombreux outils d’analyse prédictive existent sur le marché. Je recommande aux entreprises de se doter de ce type d’outils.

Que constatez-vous, actuellement ?

Depuis le début de l’année, il y a le woke washing. Le terme vient de l’expression anglaise être woke, qui signifie un certain degré d’éveil ou de réveil à l’égard de certaines injustices ou causes sociales. Si des entreprises qui se targuent d’être très attachées à la diversité, l’inclusivité et la lutte contre les comportements déviants dans leur rapport d’activité ne sont pas en accord avec la réalité, cela ne pardonne pas. Ce ne sont plus les clients ni les ONG qui dénoncent mais les salariés eux-mêmes. C’est le cas d’école de Stella & Suzy, une start-up toulousaine spécialisée dans la mode. Elle a été accusée d’entretenir plusieurs comportements déplacés au travail : des remarques désobligeantes aux humiliations en passant par les injures. Sur le réseau social Instagram, un compte a été créé @balancetastartup. Des salariés anonymisés y dénoncent les comportements déviants des startups dans lesquelles ils travaillent. C’est ce qu’ont fait des salariés de Stella &Suzy, entraînant bad buzz et boycott de la marque.

Que faire en cas de crise ?

Il faut gérer au plus tôt, c’est-à-dire dans la journée si ce n’est dans les deux heures qui suivent le « post assassin ». Si on ne sait pas ce qu’il se passe, il faut dire que l’on va mener l’enquête avant d’apporter une réponse plus complète. Pour cela, il est impératif de mettre en place un système de veille dès qu’il y a un certain nombre plus élevé de commentaires critiques. Un process bon marché consiste à vérifier les réseaux sociaux deux fois par jour. Les PME peuvent s’appuyer sur Google Alert, un outil gratuit. Des alertes sont envoyées par courrier électronique quand des articles publiés en ligne correspondent aux sujets que l’entreprise a, au préalable, déterminés. Toute entreprise qui se respecte fait une veille. Le problème n’est pas de savoir si on aura un bad buzz mais quand est-ce qu’il aura lieu.

Auteur

  • Irène Lopez