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Le fait de la semaine

L’entretien professionnel ira-t-il au rattrapage ?

Le fait de la semaine | publié le : 28.06.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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Gestion Rh : L’entretien professionnel ira-t-il au rattrapage ?

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

À peine plus de la moitié des entreprises ont mis en œuvre l’entretien professionnel, instauré par la loi du 5 mars 2014, qui reste trop souvent associé à l’entretien annuel d’évaluation.

Beaucoup de salariés vont voir leur compte personnel de formation se lester d’un montant de 3 000 euros… Ce montant est la pénalité, sous forme d’abondement, que les entreprises devront régler si elles n’ont pas respecté le cycle de trois entretiens professionnels (EP) sur six ans, un tous les deux ans, que prévoyait la loi votée en 2014. Les seules données disponibles, publiées par le Céreq en 2019, ne laissent aucun doute sur le faible empressement des organisations à se plier à cette nouvelle obligation. En 2016, année où les entreprises auraient dû faire passer un premier « EP » à tous les salariés, 57 % seulement de ceux présents depuis plus de deux ans ont déclaré avoir participé à un tel échange. Derrière cette moyenne se cachent de fortes disparités : alors que 76 % des salariés des entreprises de 250 salariés ou plus déclarent avoir eu un entretien professionnel, ils ne sont qu’un quart (26 %) dans celles comptant moins de dix salariés.

Pour Jean-Claude Sigot, responsable des enquêtes du Céreq, les chiffres indiquent clairement l’issue de ce premier cycle d’EP : « Les données montrent une stagnation du taux de participation des salariés aux EP, qui reste aux alentours de 55 % depuis le démarrage de l’enquête en 2015. Cela n’exclut pas l’entrée de nouveaux bénéficiaires dans le dispositif, mais certains continuent à ne pas bénéficier de l’EP, année après année. » Les grandes entreprises affichent un meilleur score, mais chez elles aussi, un statu quo s’est installé. « Les trois quarts des salariés des grandes entreprises déclarent avoir participé à un entretien professionnel, mais ce taux ne progresse pas au fil du temps », relève Jean-Claude Sigot. Les données disponibles pour le second EP, réalisé en 2017 ou 2018, indiquent que « 52 % des salariés toujours dans l’entreprise depuis décembre 2013 ont participé à un entretien [professionnel] ». Les TPE sont particulièrement mal loties puisque « la proportion de salariés des TPE n’ayant pas participé à un EP entre 2015 à 2018 est comprise entre 63 % et 79 % ».

Entretien professionnel ou d’évaluation ?

Autre fait marquant révélé par l’étude du Céreq : la difficulté de beaucoup de salariés à clairement distinguer l’EP de l’entretien d’évaluation annuelle des performances. « Dans les grandes entreprises, qui ont déjà des dispositifs d’entretien annuel, l’entretien professionnel peut se rajouter au dispositif existant et les salariés ont parfois le sentiment de rester dans le cadre d’un entretien d’évaluation, confirme Jean-Claude Sigot. C’est le cas pour 80 % de l’ensemble des salariés que nous avons interrogés dans notre enquête alors que la distinction est plus nette dans les petites entreprises qui sont plus dans l’esprit de l’entretien professionnel. » L’étude du Céreq note cependant que ce sentiment est moins fréquent (59 %) lorsque l’EP est réalisé avec un membre du service RH et non avec un responsable hiérarchique.

Formation indispensable des managers

Paradoxalement, c’est dans les PME que la confusion est la plus faible. L’étude du Céreq estime « à 15 % la part des entretiens professionnels réalisés en 2015 ou 2016 qui n’ont pas été précédés d’entretiens avec la hiérarchie les années précédentes », précisant que les salariés des petites entreprises « sont particulièrement représentés parmi ces “nouveaux bénéficiaires” du dispositif : ils sont 25 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés, contre 8 % dans les plus grandes ». C’est aussi dans les petites entreprises que les EP « comportent moins souvent une partie consacrée à l’évaluation du travail, ce qui confirmerait l’hypothèse d’une application plus stricte de la loi ».

Pour Laurence Breton-Kueny, DRH de l’Afnor, les entreprises doivent adopter une attitude pro-active : « Elles doivent communiquer clairement sur leur stratégie et leurs besoins, en termes d’évolution des métiers à travers la GEPP ou le Strategic Workforce Planning, afin que les salariés puissent se positionner. L’entretien professionnel doit être mis en lien avec la stratégie de GEPP, il devient un moment où le salarié se positionne. L’intérêt de l’entreprise est de faire coïncider ses besoins avec les aspirations des salariés. La formation des managers à l’entretien professionnel est indispensable pour leur permettre d’être en écoute active et d’émettre des propositions. »

Cela suffira-t-il à changer la donne ? Si une future convention collective a des chances d’infléchir le cours des événements dans la métallurgie (lire encadré), la CFTC plaide pour une extension des contraintes. « Globalement, l’entretien professionnel est un échec, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut l’abandonner, explique Maxime Dumont, conseiller confédéral CFTC et administrateur de France Compétences. Il faut le préserver et pour le rendre plus effectif, nous souhaitons que l’abondement correctif du CPF soit étendu aux moins de 50 salariés, quitte à ce que l’abondement soit d’un montant qui fasse l’objet d’une négociation particulière avec un plancher de X euros. » Autant dire que si elle perdure, la formule de l’entretien professionnel risque de connaître de futurs rebondissements tant elle cristallise d’intérêts et de réticences.

L’entretien professionnel remis en selle par la métallurgie ?

La fédération FO de la métallurgie estime possible un autre avenir pour l’entretien professionnel. « Il faut rester optimiste, estime Edwin Liard, secrétaire fédéral. Je crois qu’il va y avoir dans la métallurgie une prise de conscience de l’importance de cet entretien professionnel à mesure qu’approchera l’adoption de la nouvelle grille de classification, dont la négociation doit s’achever à la fin de l’année. Ce nouveau dispositif conventionnel prévoit la fusion dans une grille de classification unique des deux grilles existantes, ouvriers et techniciens d’un côté, ingénieurs et cadres de l’autre. Les concertations ont commencé en 2017 et si la négociation est conclue cette année, elle devrait commencer à être appliquée en 2024. Cette nouvelle grille va redéfinir les postes avec un certain nombre de compétences. Pour se maintenir à leur poste ou évoluer, les salariés devront être attentifs aux compétences qu’ils devront acquérir. Il y aura une prise de conscience qui va modifier l’attitude actuelle vis-à-vis de l’entretien professionnel et de la formation professionnelle. La mutation en cours des entreprises, avec le digital et la transformation écologique, va aussi dans ce sens. »

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins