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Sur le terrain

La gestion RH sur-mesure des Cafés joyeux

Sur le terrain | publié le : 21.06.2021 | Frédéric Brillet

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Handicap : La gestion RH sur-mesure des Cafés joyeux

Crédit photo Frédéric Brillet

En donnant la priorité à l’emploi de travailleurs handicapés mentaux, les Cafés joyeux ont dû adapter le management des RH, la formation et les temps de travail aux spécificités de ces salariés.

Avec 60 % de travailleurs handicapés (trisomiques ou autistes pour l’essentiel) sur un effectif de 80 personnes et même 76 % dans les métiers opérationnels, les Cafés joyeux battent des records dans l’intégration de travailleurs handicapés dans la restauration. Même si la crise sanitaire a freiné leur expansion, les Cafés Joyeux, au nombre de quatre en avril dernier, comptent se rattraper. « À la fin 2021, nous aurons huit cafés et notre effectif devrait passer de 80 à 130 salariés », anticipe Lysiane Traverson, capitaine des richesses humaines. Les mots ont leur importance dans cette entreprise qui entend contribuer à changer le regard porté sur le handicap mental et a lancé son propre centre de formation des apprentis (CFA) dédié à ce public pour faciliter l’intégration dans ses établissements.

Et ces handicaps sont lourds : certains salariés des cafés n’ont jamais réussi à apprendre à lire, écrire ou compter. Beaucoup se fatiguent vite à la tâche, ont des difficultés de concentration… Aussi, pour maintenir l’objectif d’employer trois quarts de travailleurs handicapés dans ses établissements, l’employeur privilégie les CDI à temps partiel, généralement 20 heures par semaine. « Un effectif élevé par rapport à des cafés ordinaires permet de compenser le handicap et donc de maintenir la qualité de service », précise Lysiane Traverson. De fait, les salariés concernés ne travaillent pas à l’abri des regards dans un cadre protégé comme celui d’un établissement et service d’aide par le travail (Esat) où leurs erreurs peuvent être facilement corrigées. Labellisés Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale), les Cafés joyeux opèrent dans une activité commerciale et dans des emplacements de premier choix, soumis à forte concurrence, comme le quartier Opéra à Paris.

Le souci de l’ergonomie

Chaque établissement se doit d’atteindre l’équilibre financier en y incluant les aides publiques. Même si les consommateurs sont informés du concept et donc enclins à une certaine indulgence, les salariés doivent assurer correctement le service. Les Cafés joyeux ont donc mis en place avec l’aide d’ergonomes et de travailleurs spécialisés toute une série de dispositifs. Ainsi le client commande à la caisse, prend un cube coloré et part s’asseoir. Cette signalétique simplifiée permet aux serveurs qui ne savent pas lire les chiffres d’apporter la bonne commande à la bonne personne. Les contenants sont dotés de poignées spéciales pour que les salariés affectés de problèmes de préhension puissent s’en saisir facilement sans renverser. Les recettes de cuisine, choisies pour leur simplicité, s’affichent sur des tablettes illustrées de dessins. Les tabliers se nouent avec des scratchs plutôt qu’avec des nœuds… Moyennant ces petites innovations, le travail en milieu ouvert redevient possible.

Les Cafés joyeux recourent aussi au numérique pour simplifier la vie du personnel : en concertation avec les tuteurs et éducateurs, l’employeur a mis en place un coffre-fort électronique, qui héberge tous les documents concernant ces salariés pour éviter qu’ils les égarent, et une application pour la gestion de leurs frais médicaux.

En ce qui concerne les recrutements, l’enseigne de restauration sélectionne son personnel sur les seuls critères de motivation et de capacité à respecter des horaires, la formation s’effectuant sur le tas. « Dès que nous lançons une campagne de recrutement, nous recevons malheureusement bien plus de candidatures que de postes à pourvoir. La plupart travaillent déjà dans des Esat mais ils sont intéressés par l’idée de travailler en milieu ouvert, au contact de clients ordinaires. Ils sont très motivés, soucieux de progresser, fiers de travailler dans une entreprise ayant pignon sur rue et très fidèles. L’absentéisme est quasi-inexistant dans nos établissements. Tout comme le turnover, pourtant très élevé dans le secteur de la restauration », constate Lysiane Traverson.

Un vrai challenge

Les managers des Cafés joyeux doivent eux aussi adapter leurs pratiques. Faire preuve d’une grande patience car il faut répéter plus que d’ordinaire pour que les instructions soient comprises, de psychologie car ces équipiers sont plus fragiles sur le plan émotionnel. Les managers prennent ainsi soin d’organiser des moments de convivialité pour célébrer les anniversaires des équipiers qui assimilent le café à une seconde famille. « C’est un vrai challenge de maintenir les mêmes exigences que dans un café ordinaire avec des équipiers qui ont des handicaps aussi différents. Mais c’est très gratifiant de les voir progresser : le travail en quelques mois les sociabilise, les rend plus autonomes », explique Jean-Baptiste Dziurda, manager d’un établissement à Paris.

Auteur

  • Frédéric Brillet