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Diversité : Faire sortir les salariés LGBT+ des placards

Le point sur | publié le : 21.06.2021 | Irène Lopez

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Diversité : Faire sortir les salariés LGBT+ des placards

Crédit photo Irène Lopez

Si la prise de conscience et la normalisation se construisent de jour en jour, le chemin reste long pour l’inclusion des personnes LGBT+ en entreprise. Deux tiers de ceux et celles qui cachent leur orientation sexuelle au travail attendent des actions concrètes de la part des entreprises avant de faire leur coming out. Que mettent en œuvre les entreprises les plus inclusives ?

Adrien DixNeuf, responsable juridique Europe chez Lenovo France, s’est longtemps inventé des vies hétérosexuelles autour de la machine à café. « Mais une fois que l’on a inventé une compagne, il faut lui inventer un travail, il faut imaginer ce que nous avons fait ensemble le week-end. C’est une charge mentale importante et un mal-être permanent. » Comme lui, quatre homosexuels sur dix (43 %) affirment avoir déjà renoncé au moins une fois à afficher leur orientation sexuelle au travail, selon une enquête réalisée par l’Ifop en 2018 pour Tell me the Truffe, agence de communication et de formation spécialisée sur les sujets du handicap, de l’égalité homme-femme et de la diversité. Une personne sur trois qui a fait son coming out au sein de sa famille ne l’a pas fait au travail. Et parmi ceux qui l’ont fait au travail, 33 % l’ont révélé à un collègue mais pas à un supérieur. « C’est la peur d’être placardisé qui empêche d’être soi. Sortir du placard pour rentrer dans un autre, c’est un comble », ironise Elie Sic-Sic, président de Tell me the Truffe.

En postulant il y a cinq ans chez Lenovo, entreprise internationale d’origine chinoise qui emploie 71 000 employés répartis dans plus de soixante pays, dont 260 en France, Adrien DixNeuf mentionne « mon mari » lors de l’entretien d’embauche. Il s’agit, pour lui, d’une façon habile et non vindicative d’annoncer immédiatement la couleur et de ne pas être gêné par la suite. L’arrivée dans une nouvelle entreprise peut être la source d’« un moment critique ». Notamment lorsqu’il faut faire le choix des options de mutuelle. Un salarié LGBT+ sur trois a renoncé à indiquer le nom de son conjoint sur sa mutuelle. « Un foyer homosexuel sur trois est moins bien protégé à cause de cette réticence ! », martèle Élie Sic-Sic.

« L’homophobie n’est pas une opinion politique »

Il y a encore quatre ans, il n’y avait pas d’événement uniquement dédié aux LGBT+ chez Lenovo France. Avec une petite équipe locale, le responsable juridique met en place un petit déjeuner Pride dans le cadre du mois des fiertés, soutenu par la direction. Au programme de ce premier événement : qu’est-ce qu’être LGBT+ ? Parmi les 130 personnes qui partagent l’étage, une quarantaine, tous services confondus, ont répondu présent. « Je n’ai pas policé mon discours. J’ai mis les points sur les i en étant assertif et j’ai déclaré : l’homophobie n’est pas une opinion politique », confie le responsable juridique. En public, les participants ont posé peu de questions. C’est une fois la réunion terminée qu’ils ont retrouvé Adrien DixNeuf pour lui témoigner leur soutien. Même de façon maladroite : « C’est bien ce que tu fais. Moi aussi, je connais un homosexuel et je soutiens ce que tu fais ». Des anecdotes de ce genre, il en a beaucoup. Un matin, un commercial en train de négocier un contrat avec une grosse société vient le voir pour lui demander de l’aide. Il lui dit : « L’acheteur est comme toi, d’ailleurs tu le connais peut-être ». Si Adrien DixNeuf est à l’aise avec ce comportement maladroit, il a cependant l’habitude de prendre les devants. Il explicite : « Un collègue est venu dans le bureau et a parlé à une femme en lui disant : “ma poulette”. Je lui ai dit : “Écoute, tu appelles les gens comme tu veux mais tu ne m’appelles pas folasse”. Ce qui a eu le don de le faire beaucoup rire ».

32 % des personnes LGBT+ ont déjà entendu sur leurs lieux de travail des moqueries ou des propos désobligeants à leur égard, selon l’étude menée par l’Ifop. Dans l’entreprise chinoise, l’onboarding des jeunes recrutés comprend une réunion de présentation. Le réseau Lenovo’All qui vise à renforcer la diversité au sens large au sein de Lenovo France invite désormais Adrien DixNeuf à chaque présentation. Il y décrit les mécanismes de lanceur d’alerte. Si un salarié est témoin d’un harcèlement, il doit le signaler à son manager, la DRH, le service juridique ou s’adresser directement à Adrien DixNeuf. La Lenovo Line, une ligne anonyme, externalisée auprès d’une société tierce, recueille également ces témoignages. Même s’il ne veut pas l’avouer, aujourd’hui, Lenovo France est un peu moins « mâle hétéro » grâce à lui.

La sensibilisation au coming out

« Chez Heineken France, nous donnons au mot “brassage” tout son sens. Comme pour nos bières, nous valorisons la richesse et l’unicité de nos collaborateurs, de nos consommateurs et de nos clients », souligne Clémentine Doumenc, purpose manager – head of inclusion &diversity. Nous ne présentons pas la diversité de façon contraignante. Nous essayons d’en faire un levier d’engagement positif. Heineken France s’est emparé du sujet il y a trois ans, avec méthodologie : un comité inclusion et diversité coordonne les initiatives sur tout le territoire, du siège jusqu’au fin fond de la France. Le brasseur néerlandais est accompagné en France par le média Têtu et son réseau de bonnes pratiques Têtu connect. Leur communication porte beaucoup sur la sensibilisation au coming out. Clémentine Doumenc a récemment organisé un webinaire d’une heure sur le sujet, attirant plus de 400 salariés sur les 3 300 que compte l’Hexagone. Malika Khelifa, technicienne chez Airbus et lesbienne visible, cofondatrice du réseau Pride@Airbus, était l’invitée du webinaire. Si le mois de juin, synonyme de « mois des fiertés », donne un coup de projecteur particulier à la cause des LGBT+, Élie Sic-Sic le rappelle : « Nous ne sommes pas gay un mois par an. C’est toute l’année qu’il faut sensibiliser les salariés ».

Auteur

  • Irène Lopez