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Les retours d’expérience, gisements de productivité

Le point sur | publié le : 31.05.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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Organisation du travail : Les retours d’expérience, gisements de productivité

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Les premiers retours d’expérience après une année de crise ont démontré l’efficacité du télétravail, mais aussi la possibilité de gains de productivité importants. Une option d’autant plus tentante pour les entreprises qu’elle pourrait compenser le poids des remboursements des prêts garantis par l’État (PGE) qui vont s’étaler jusqu’en 2026.

Cette année de crise a-t-elle été propice à la multiplication des retours d’expérience (REX) ? C’est ce que voit Jean-Claude Delgenes, président du groupe Technologia : « Il y a eu des procédures de retours d’expérience plus ou moins formelles, parfois partagées, portant parfois sur des constats larges, parfois réservées aux comités de direction et en mode restreint. Malgré tout, la plupart des entreprises ont mené des REX, même celles qui ne le font pas habituellement. » Des process qui se sont principalement déroulés dans le cadre du dialogue social, souligne Audrey Richard, présidente de l’ANDRH : « Il suffit de voir comment ont évolué les entreprises qui étaient opposées au télétravail. Sans cette crise et les REX, il n’y aurait pas eu autant d’accords signés. Je dirai donc que le dialogue social est bien le vecteur majeur de REX. C’est à travers le dialogue social qu’ont évolué les pratiques dans les entreprises, même si le processus ne s’appelait pas toujours retours d’expérience. »

Les REX de la crise sanitaire ont aussi contribué à accélérer la formation et l’acquisition de nouvelles compétences, notamment en matière de travail à distance. Mais il ne faut pas pour autant aller vers le tout télétravail, pointe Jean-Claude Delgenes : « C’est dangereux pour la créativité et le collectif. Les accords qui prévoient trois ou quatre jours de télétravail et une réduction de 40 % des surfaces immobilières conduisent à une perte d’intelligence collective et de créativité. Elles ne figurent pas dans le compte de résultat comme les coûts immobiliers, mais elles sont la source de l’innovation et donc des richesses futures. » Il compte sur « les dirigeants éclairés » pour ne pas s’engager à long terme sur la base « de décisions basées sur des indicateurs de court terme ».

Recherche de productivité

Bien souvent, ces retours d’expérience ont abouti à un autre constat : l’entreprise a aussi bien fonctionné avec un volume de personnel inférieur à celui mobilisé habituellement. « Si une telle vision s’installait dans l’esprit des dirigeants, elle pourrait constituer les prémisses de futurs projets de suppressions d’emploi », prévient Jean-Claude Delgenes qui rappelle que c’est à une situation exceptionnelle que les entreprises doivent cette forte hausse de la productivité. « Elle ne pourra pas être maintenue sur le long terme. Si elle devenait une sorte de nouvelle norme, cela entraînerait une hausse de l’absentéisme, des départs de l’entreprise et des burnout. » Ces risques sont d’autant plus probables que les entreprises ne reviendront pas à la situation antérieure. « Quoi qu’il en soit, il y aura une recherche d’intensification de la productivité », prévoit Jean-Claude Delgenes.

Cette recherche de productivité va varier selon les secteurs, car les situations sont très disparates, observe Olivier Guillou, associé du Groupe Alpha : « La fin 2020 et le début de l’année 2021 ont vu augmenter le nombre de PSE, en particulier dans les secteurs lourdement impactés par la crise comme l’aéronautique, les activités liées au tourisme, le retail, l’événementiel ou le secteur HCR. » S’il note que le niveau de PSE est tombé à un niveau faible durant la période 2015-2020, il remarque cependant qu’ils ont déjà doublé au second semestre. Mais le « tsunami » annoncé a peu de chances de se produire. Après une chute de 40 % des défaillances en 2020 par rapport à 2019, le premier trimestre 2021 n’a toujours pas vu un décollage très net. « Le niveau de défaillances va sans doute augmenter au second semestre à mesure que se réduira le soutien des pouvoirs publics. Il y aura un rattrapage, mais il sera probablement étalé sur plusieurs années. » Les entreprises bénéficient d’un autre facteur favorable – le calendrier électoral – qui va sans doute encore lisser l’absorption du choc. « Six mois avant les élections présidentielles, le niveau des défaillances a tendance à se réduire grâce à une plus grande souplesse quant à l’obtention d’aides et à une plus grande facilité à obtenir des reports de charges », précise Olivier Guillou.

Le poids de la dette

Pour beaucoup d’entreprises, la recherche d’une plus grande productivité sera cependant le scénario le plus probable. Car elles sont 670 000 à avoir obtenu un prêt garanti par l’État (PGE). « Fin avril, 68 % des entreprises qui ont contracté un PGE ont opté pour un remboursement sur une durée de six ans. La contrainte de remboursement de la dette va exercer une pression sur les coûts, les conditions de travail, les investissements ou encore les rémunérations. Cela va aussi peser sur les NAO 2021. Le poids de la dette va donc se traduire par davantage d’efforts demandés aux salariés », estime Olivier Guillou. « Dans le commerce de détail ou l’hôtellerie d’affaires qui ne verra plus revenir l’activité liée aux séminaires professionnels du fait de l’adoption des outils de visio, les entreprises vont être confrontées à une baisse durable de leurs revenus et donc engageront des restructurations pour baisser leurs coûts fixes. Des opérations de consolidation sont aussi à attendre dans ces secteurs, avec des restructurations dans les fonctions siège et dans les réseaux d’usines. » Dans ce cas de figure, les REX seront surtout des leviers pour maintenir la motivation des équipes et offrir des contreparties aux efforts demandés. Les employeurs seront sans doute tentés de proposer à leurs salariés des dispositifs assurant un retour sur les efforts accomplis, en particulier des systèmes d’intéressement et d’actionnariat salarié. Autrement dit un retour à meilleure fortune.

L’expérience collaborateur, source majeure de REX

Pour Audrey Richard, présidente de l’ANDRH, l’articulation entre expérience collaborateur et REX va être croissante : « Aujourd’hui, le REX se fait à travers l’expérience collaborateur évaluée en continu. Les salariés et les managers sont nos clients, ce sont eux qui nous disent si les politiques RH sont adaptées à leurs attentes et leurs besoins. Les DRH ont pris le lead durant la crise et apporté, ce qui est nouveau, des réponses individualisées aux salariés, tout en dépassant leur périmètre traditionnel pour répondre à des problématiques nouvelles comme la santé, la nutrition, le bien-être physique et l’équilibre psychologique. La question qui se pose maintenant est de savoir s’il faut maintenir le curseur aussi loin ou le réfréner. Je n’ai pas encore la réponse. » L’ANDRH qui tiendra son université en octobre prochain procédera, pour sa part, à un REX global sur la période. « Aujourd’hui, c’est encore le rush. Nous préparons l’assouplissement du télétravail à partir du 9 juin. L’été sera le bon moment pour donner de la visibilité aux salariés, mais aussi pour identifier les “décrocheurs”. De quoi permettre, notamment aux DRH de voir si un retour complet sur site est possible en septembre. »

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins