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Illectronisme : nouvelle fracture française

Chroniques | publié le : 31.05.2021 |

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Illectronisme : nouvelle fracture française

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Martin Richer management & RSE

Comment survivre aux confinements sans téléconférences professionnelles sur Zoom ou Teams, sans savoir accéder à la formation en ligne, sans faire ses achats ou ses démarches administratives sur Internet, sans visio avec ses proches ? Avec une crise sanitaire qui renforce encore l’omniprésence du numérique, la réduction de l’illectronisme doit être intégrée dans les politiques RH et RSE.

L’illectronisme, c’est l’illettrisme dans le domaine du numérique, c’est-à-dire la non-maîtrise des outils. Ce terme place d’emblée la problématique sur le terrain des usages. C’est un progrès, car on a trop longtemps pensé l’enjeu de l’accès au numérique en termes d’infrastructure, alors que c’est au moins autant un problème de compétences – et c’est en cela qu’il concerne au premier rang les responsables RH et RSE. Par son allusion à l’illettrisme, il qualifie un problème diffus, souvent sous-estimé et pourtant très sensible (honte sociale ou manque d’estime de soi, parfois vécus comme une humiliation). Ce n’est pas non plus un « problème de vieux » qui s’éteindra avec eux : fin 2018, un sondage BVA montrait que 12 % des jeunes se disent mal à l’aise avec les outils numériques. En 2019, l’illectronisme concerne 17 % de la population française, selon l’Insee, soit 13 millions de personnes.

Les entreprises doivent agir

Pour beaucoup, l’illectronisme c’est pour les retraités, les demandeurs d’emploi et les marginaux ; cela ne concerne pas l’entreprise. Erreur : alors que la Commission européenne estime que 90 % des emplois dans l’Union nécessitent au moins une culture numérique sommaire, 39 % des actifs en sont dépourvus en France. Pour d’autres, même si le phénomène est présent en entreprise, on n’a pas de leviers d’action. Erreur encore : cette proportion de 39 % est le double du chiffre observé au Danemark ou au Pays-Bas, des pays de l’Union beaucoup plus avancés.

« Le confinement ayant souligné que 5 millions de salariés rencontrent des difficultés face au numérique, il est urgent de prendre la mesure du défi d’une économie en compétition avec d’autres dans la société de la connaissance, clé de la compétitivité du XXIe siècle », recommande un rapport très bien documenté du Sénat, publié fin 2020. L’illectronisme risque de creuser la fracture numérique qui traverse les entreprises, par exemple entre « ceux qui ont la chance de pouvoir télétravailler » et les autres.

Les entreprises doivent s’attacher à repérer les salariés concernés, ce qui nécessite de la confiance et l’action des managers de proximité. Sont-elles suffisamment actives aujourd’hui ? Une étude de la Commission européenne menée en 2017 a révélé que 88 % des organisations n’avaient pris aucune mesure pour remédier au manque de compétences numériques de leurs employés, alors même qu’elles étaient de plus en plus nombreuses à investir dans les outils digitaux. Cet écart creuse la fracture numérique.

Les entreprises peuvent ensuite mettre sur pied les outils permettant de construire pour chacun un socle de compétences numériques de base : sensibilisation à l’intérêt du numérique, séminaires de formation, serious games, situations apprenantes, coaching, tutorat, etc. Elles améliorent ainsi leur propre situation, mais elles contribuent aussi à la société. Car les salariés sont aussi des parents (lutte contre le décrochage scolaire), des citoyens et des consommateurs. Le mécénat – et plus particulièrement le mécénat de compétences – ainsi que le soutien aux associations sont aussi des outils RSE permettant aux entreprises d’avoir un impact fort sur l’illectronisme.

Dans toutes les entreprises concernées, la lutte contre l’illectronisme doit être intégrée aux politiques RH et RSE. Dans les transformations digitales comme ailleurs, la difficulté n’est pas la technologie, mais ce qui se trouve entre la chaise et le clavier.

Pour aller plus loin : La France, start-up nation ou attardée numérique ? https://management-rse.com/la-france-start-up-nation-ou-attardee-numerique/