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Les clés

Plaidoyer pour changer la vision du travail

Les clés | À lire | publié le : 24.05.2021 | Lydie Colders

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Plaidoyer pour changer la vision du travail

Crédit photo Lydie Colders

Dans Le Manifeste Travail, des chercheuses en sciences sociales de plusieurs pays tirent la sonnette d’alarme. Face à la crise sanitaire, elles appellent « à cesser de considérer le travail comme une marchandise », et à un partage réel des pouvoirs en entreprise. Un propos ambitieux.

Il y a un an, au début de la pandémie, trois enseignantes en sciences sociales, Isabelle Ferreras, Dominique Méda et Julie Battilana, lançaient une tribune appelant les universitaires de tous pays à se mobiliser pour changer le système face à la crise de la Covid-19. Objectif : en finir avec un néolibéralisme « qui ne fait que renforcer la concentration des richesses, aggrave les inégalités et détruit notre écosystème ». Un manifeste pour le monde d’après, approfondi dans ce livre écrit avec neuf autres chercheuses, américaines, espagnoles ou hollandaises. Face aux injustices qui s’aggravent et à l’urgence climatique, elles prônent une tout autre philosophie politique. Il faudrait « démarchandiser le travail », le démocratiser et agir en profondeur pour « dépolluer » la terre. Alors que la crise a montré l’importance des soignants, les chercheuses proposent de « sortir certains secteurs des lois du marché », des secteurs clés comme la santé. Dans les entreprises, « il faut aussi réévaluer les salaires, réduire les écarts de rémunération » avec les grands patrons, devenus intolérables. Il est temps que les travailleurs qui investissent leur énergie, leur vie, leur santé « puissent peser sur les décisions », selon elles. Pas avec un quota de salariés au conseil d’administration, « qui ne sert qu’à négocier sous contraintes ». Mais en partageant réellement les pouvoirs entre les syndicats qui les représentent et les actionnaires.

Double majorité en entreprise

En Europe, le conseil d’entreprise pourrait représenter « une seconde chambre », au même niveau que le CA. La majorité des deux instances serait « requise pour valider le choix d’un PDG, la stratégie de l’entreprise, sa politique de rémunération ou de partage des profits », explique Isabelle Ferreras, sociologue à l’université de Louvain, en Belgique. Et ce n’est pas tout : « Nul besoin d’en passer par un apport en capital pour légitimer le pouvoir du conseil d’entreprise ». L’idée paraît utopique, mais bien argumentée, elle est intéressante. Face à la crise du Covid-19, elles prônent aussi la création « d’une garantie d’emploi pour tous ». Un filet de sécurité financé par l’État (à hauteur du seuil de pauvreté) pour « créer des emplois dans des secteurs non marchands trop négligés par les pouvoirs publics », comme la santé, l’éducation ou la dépollution de l’environnement. Le projet s’inspire de l’expérimentation Territoires zéro chômeur longue durée, ou d’autres programmes en Inde cités dans l’ouvrage. Les auteures y voient un moyen d’en finir « avec l’injustice » d’un chômage endémique (un choix politique « qui coûte cher »). Une façon aussi de basculer vers la transition énergétique en Europe. La force du livre tient beaucoup à son éclairage international. Obtenir un emploi digne et déclaré est un défi en Inde ou en Amérique du Sud…

Auteur

  • Lydie Colders