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Le micro-learning fait une percée

Le point sur | publié le : 24.05.2021 | Judith Chetrit

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Formation professionnelle : Le micro-learning fait une percée

Crédit photo Judith Chétrit

Parmi les nouvelles modalités de formation à distance, le micro-learning est apprécié pour sa facilité d’utilisation et d’adaptation des contenus. La brièveté du format présente des avantages pédagogiques grâce à une présentation attrayante et à la progressivité des apprentissages, pour le développement de compétences transversales ou la formation aux applications métiers.

Quelques mois avant le premier confinement, les équipes de vente des magasins Jules et Brice, deux marques de prêt-à-porter masculin, ont reçu une série de vidéos de trois à cinq minutes sur les nouvelles collections, les matières textiles ou encore un décryptage sur les 23 points de contact avec le client en magasin. Sur une population d’environ 2 000 salariés, difficilement mobilisables à chaque formation, la formule a vite séduit le directeur du réseau, Christophe Pinçon. Puis arrive mars 2020 et la fermeture instantanée des boutiques. « Nous nous sommes aperçus que beaucoup plus de personnes se connectaient spontanément à la plateforme pour regarder les vidéos. » Au bout de quelques jours, en raison de la mise en activité partielle des équipes, la consigne a plutôt été de ralentir pour ne pas laisser les salariés dans le flou et l’illégalité. Mais d’autres contenus ont été rapidement ajoutés dans les mois qui ont suivi, en fonction des besoins, comme l’upsell (la vente additionnelle). « Nous nous sommes aperçus qu’avec la hausse du click and collect, il fallait vite s’améliorer sur la vente de produits autres que ceux que les clients viennent se faire livrer en magasin. »

De 30 secondes à 10 minutes

Comme dans ces enseignes d’habillement, le micro-learning, pouvant associer vidéos, texte, infographies, animations et quizz sur une durée de 30 secondes à 10 minutes, n’a pas attendu la crise sanitaire et le télétravail pour percer et susciter l’intérêt des ingénieurs pédagogiques et des responsables de la formation. Face à la baisse du temps disponible pour la formation et grâce à son moindre coût, il émerge surtout au sein des grands comptes en recherche de contenus personnalisables et rapidement déployables pour leurs plans de formation internes et autres dispositifs plus ponctuels. Mais cette modalité bénéficie aussi du développement accéléré de la formation à distance et sur le mobile, voire du FNE-Formation pour s’adresser à de plus petites structures. La communication fait appel à l’appétit des futurs apprenants : au choix, des « petites bouchées », des « snacks », des « grains », des « nuggets » ou des « capsules » bien ciblés, à picorer avant une digestion plus clémente.

Car, le plus souvent, cette brièveté du format est supposée faciliter une consultation plus fréquente et l’apprentissage des contenus proposés grâce à un certain sens du punch, de l’esthétique et une facilité de navigation. « Chaque grain de savoir doit répondre à un objectif précis. L’enjeu, ensuite, est de mettre en musique l’ensemble de ces contenus en proposant des parcours avec un enchaînement bien adapté », plaide Edouard Rabany, vice-président de la plateforme 360Learning, spécialisée dans la formation collaborative à distance. Bien que l’accent soit surtout mis sur la liberté d’usage et la dissémination d’un apprentissage dans le temps, la chronologie conserve son importance dans le découpage et le suivi – et peut même être une motivation supplémentaire : « Des modules peuvent être débloqués en fonction de la progression pédagogique. Généralement, les utilisateurs ont tendance à enchaîner une dizaine de capsules d’affilée », souligne Anne-Sophie Quennevat, directrice marketing chez Skillsday, une agence de formation.

Une intégration croissante des sciences cognitives

Dans une partie des entreprises, aux côtés des services formation, les directions commerciales ou métiers ont aussi favorisé l’essaimage des micro-formations en les concevant et les diffusant auprès de leurs opérationnels sur le terrain. Elles ne sont pas les seules à avoir eu ce flair, en témoignent certains rapprochements et acquisitions. Avec des catalogues plus ou moins denses de formations prêtes à l’emploi et des systèmes d’abonnements, de nombreux prestataires s’intéressent aux fonctionnalités de cette offre. On y retrouve des poids lourds de l’édition de logiciels pour entreprises, des éditeurs plus spécialisés sur les plateformes de gestion des apprentissages (LMS) ou encore des organismes de formation ou des petits nouveaux de l’ingénierie pédagogique. La tendance du micro-learning confirme aussi l’intégration croissante des sciences cognitives dans le champ de la formation professionnelle. « Il faut réussir à créer un environnement propice à la mémorisation. Mieux vaut entrer par un détail, une difficulté ou une mise en situation pratique », relève Caroline Boxberger, directrice du développement de 2Spark, une plateforme de micro-learning qui a récemment développé une sensibilisation quotidienne à la cybersécurité avec le cabinet Akerva. Pendant deux mois, à raison d’une minute par jour, le collaborateur doit répondre à deux questions en s’appuyant sur les failles de sécurité les plus courantes. Autre subtilité : « Même les questions doivent être apprenantes. Mieux vaut éviter le QCM vrai ou faux, de peur que le salarié ne retienne la mauvaise réponse. »

Beaucoup de ces modules misent sur le développement des compétences comportementales, suffisamment transversales et généralistes pour concerner un grand nombre de salariés. « On nous demande notamment des formations sur la créativité, la gestion du temps, la communication non violente, l’assertivité et l’adhésion au changement. Certaines entreprises offrent aussi la possibilité à leurs salariés de choisir ce qui les intéresse le plus, comme une formation autour de la science du bonheur », poursuit Anne-Sophie Quennevat. Mais d’autres contenus, lorsqu’ils sont spécifiquement élaborés pour l’entreprise, visent à installer des points de repère. « Nous l’avons proposé dans des parcours d’intégration de nouveaux collaborateurs – commerciaux, et bientôt administratifs – entre leurs différentes sessions de formation en groupe. En un temps limité, cela permet aussi bien de couvrir des formations réglementaires que de passer en revue ce qui a été appris durant ce parcours », raconte Sophie Jallabert, directrice de l’Académie Generali France. Quitte à agacer des collaborateurs qui ne saisissent pas pourquoi il y a autant de répétitions !

Manque d’accompagnement ?

Chez le gestionnaire du réseau autoroutier APRR (Autoroutes Paris-Rhin-Rhône), une cinquantaine de courts tutoriels et quizz ont accompagné l’acculturation à de nouvelles applications métier pour les équipes réparties entre les sites de péage et de maintenance. Avec des cas d’usage pour rafraîchir des connaissances sur des spécificités techniques ou de procédure, comme le contrôle de différents équipements. « Il y a des tâches qui peuvent être récurrentes sans être quotidiennes et, en fonction des tours de service, il peut se passer un certain temps depuis la session de prise en main. Ça rassure sans devoir attendre le retour d’un collègue », pointe Marianne Michallet, chef de projet organisation. Mais ce point fort du micro-learning peut aussi devenir son point faible. Comme d’autres dispositifs de formation à distance, et malgré ce plébiscite pour des formats plus courts, une partie de l’offre actuelle est proposée sans accompagnement personnalisé de type coaching ou tutorat, ce qui peut réduire le taux d’achèvement des formations.

Auteur

  • Judith Chetrit