logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

« Avec le micro-learning, on flirte avec l’informel » (Christophe Jeunesse)

Le point sur | publié le : 24.05.2021 | Judith Chetrit

Image

« Avec le micro-learning, on flirte avec l’informel »

Crédit photo Judith Chétrit

En raison de ses spécificités d’usage, le micro-learning doit s’intégrer dans un dispositif plus global de formation, selon Christophe Jeunesse, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à l’université Paris-Nanterre.

En quoi le contexte actuel est-il propice au développement du micro-learning ?

Le micro-learning peut être pertinent dans un cadre et un objectif donnés, et non parce qu’il s’agit de recopier ce qui a été fait ailleurs. Il faut alors s’intéresser aux facteurs motivationnels et cognitifs. Initialement, la formation professionnelle est hétéro-structurée, en ce sens qu’elle n’est pas conçue autour d’initiatives à prendre. Si l’on reprend la citation de Bertrand Schwartz, « un adulte n’est prêt à se former que s’il peut trouver dans la formation une réponse à ses problèmes dans sa situation ». Le modèle d’acceptation de la technologie reste encore pertinent. Les ressources digitales sont réellement mobilisées à condition d’une facilité d’utilisation et de la perception d’une utilité. Le micro-learning s’inscrit alors dans un environnement personnalisé d’apprentissage que le salarié construira lui-même au fur et à mesure de ses opportunités, mais aussi de ce que l’organisation mettra à sa disposition en vue d’une mobilisation. Dans l’immédiat, nous pourrions avoir des capsules de savoirs de base qui pourraient être, par exemple, augmentées de liens avec différents niveaux de lecture. Mais nous pourrions aussi imaginer l’utilisation du micro-learning avec un repérage plus fin du potentiel cognitif de chacun, et des recommandations en fonction des besoins du salarié et des attentes de l’entreprise.

 
En raison de sa courte durée, où se situe la frontière entre l’information et la formation dans le micro-learning ?

Même si la frontière est assez labile, il faut reconnaître que l’on peut avoir comme souhait de faire de la formation, en finissant par procurer des informations. Il y a eu formation lorsqu’il y a apprentissage, et apprentissage s’il y a changement de comportement de la personne. Celle-ci doit avoir intégré les ressources dans son système cognitif. Nous disposons d’un certain nombre de représentations avant l’acquisition d’un savoir et, à un moment donné, la capsule de micro-learning peut questionner la représentation de la personne, en la détruisant partiellement ou en en construisant d’autres qui seront plus pertinentes. En amont d’une formation, le micro-learning peut participer à l’émergence des représentations de la personne sur un aspect particulier. L’ancrage mémoriel est certes une expression à la mode, mais elle peut être exploitée à tort et à travers. Ce savoir qui s’ancre dans le cerveau des individus ne se fait pas en six minutes, mais par la répétition dans la durée en reprenant, par exemple, des éléments déjà abordés dans une précédente formation comme un rappel vaccinal. Il doit s’intégrer dans un dispositif multimodal plus important dans lequel il y a plusieurs épisodes d’apprentissage.

 
Faudrait-il circonscrire le micro-learning à certaines catégories de salariés ?

Le micro-learning va plutôt s’adresser à des personnes qui ont des capacités d’auto-direction, c’est-à-dire la capacité d’appréhender quelles ressources doivent être mobilisées et quel en est le moment le plus opportun. Les apprentissages multi-épisodiques doivent améliorer l'appréhension de connaissances particulières, d’où le besoin d'autres modalités comme le storytelling ou la schématisation. Ensuite, il faut que les personnes soient conscientes qu’une telle possibilité a été introduite dans leur environnement. Un défaut de communication interne créerait un potentiel d’apprentissage peu utilisé. On flirte avec l’informel : c’est souvent libre d’utilisation dans les entreprises, même si l’employeur qui les fournit a arrêté plusieurs objectifs en amont. Ce qui rend le levier motivationnel très important. L’offre existante pourrait, sans doute, encore plus exploiter ce sentiment d’auto-détermination – choisir une collaboration avec des pairs ou un formateur et à quel moment. Car le sentiment de solitude constitue encore un facteur majeur d’abandon. Plus il y a de transactions entre les apprenants durant leur formation, plus le sentiment de présence sera élevé et plus l'engagement sera au rendez-vous.

Auteur

  • Judith Chetrit