Avec le déconfinement et la reprise générale de l’activité, les entreprises risquent de voir surgir nombre de litiges qui ont été mis sous le boisseau durant la crise sanitaire.
Durant le premier confinement, les entreprises ont « marché sur des œufs » concernant la gestion des situations préconflictuelles et se sont centrées en priorité sur leur mise en conformité avec leurs obligations réglementaires. Beaucoup d’employeurs ont découvert à cette occasion l’étendue de leur responsabilité en matière de santé au travail, et dans certaines petites entreprises a été mis en place pour la première fois le document unique d’évaluation des risques professionnels. Par ailleurs, le télétravail généralisé, la distance imposée, ont été autant d’obstacles pour les équipes RH à traiter certaines situations conflictuelles qui ont pu se cristalliser pendant la crise sanitaire. À cette situation s’est parfois ajoutée la difficulté pour les équipes RH d’établir le relais avec la médecine du travail pour accompagner au mieux les salariés en difficulté.
Les conflits liés à un manquement des sociétés à faire face à leurs obligations en matière de prévention ont déjà émergé. Avec la reprise, les entreprises se recentrent sur l’opérationnel. Les situations d’insuffisance professionnelle, souvent « mises en veille » pendant le confinement, risquent de conduire à des ruptures de contrat de travail qui pourraient mener à des contestations plus nombreuses qu’à l’accoutumée. La période de télétravail généralisé a par ailleurs occasionné une forte intensification des risques psychosociaux. Pour les salariés, ce sera l’occasion de mettre en lumière les manquements des employeurs à répondre à leurs obligations de prévention des RPS. À l’appui de leur contestation, les salariés vont certainement opposer à l’entreprise la charge de travail qui a monté en flèche pendant le confinement, son impact sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les conséquences de l’hyperconnexion sur leur santé et, le cas échéant, des formes de harcèlement. Les revues de performance qui n’auraient pas été neutralisées pendant la période de crise sanitaire risquent également d’être fortement contestées.
Il est difficile d’imaginer que les relations professionnelles reprennent sur les mêmes bases qu’avant la crise sanitaire. Les entreprises vont devoir tirer des enseignements sur ce qui a fonctionné et a apporté de la souplesse. Le télétravail est désormais une modalité qui a séduit un nombre très important de cadres. Les grands groupes vont avoir du mal à les faire tous revenir dans les tours de La Défense. Les entreprises ne doivent pas laisser passer l’opportunité de se montrer plus flexibles en termes d’organisation. Celles qui voudront reprendre comme « avant », sans aucun recul sur la période écoulée, risquent de générer une forte démotivation, de voir leurs meilleurs salariés partir, dans ce temps critique où la reprise économique est en jeu.