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Les clés

Une ancienne DRH dans la cour d’une start-up

Les clés | À lire | publié le : 17.05.2021 | Lydie Colders

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Une ancienne DRH dans la cour d’une start-up

Crédit photo Lydie Colders

Ex-DRH et directrice à la SNCF, Bénédicte Tilloy raconte son passage pendant deux ans dans une start-up surnommée « la Team ». Un livre drôle et enlevé, entre tranches de vie d’une quinqua plongée dans un univers de jeunes et leçons de management.

On dit souvent que la culture des start-up et celle des grands groupes sont inconciliables. Ce n’est pas l’avis de Bénédicte Tilloy. « Ma conviction, c’est que ces deux mondes ont beaucoup à s’apporter. » Ce constat, elle le tire de son expérience, chroniquée ici avec humour. Après vingt-sept ans à la SNCF, d’abord DRH puis directrice des contrôleurs et du Transilien, elle est « écartée de ses fonctions par un remaniement d’état-major ». Sentant le placard venir, cette quinqua passionnée d’innovation entre au gré d’un « event » dans une start-up en croissance, qu’elle nomme « la Team ». Sa mission ? Partager le quotidien des collaborateurs, s’inspirer de l’esprit des lieux et contribuer au développement du business. « Le projet était tout sauf clair, mais la perche intéressante à saisir. » On n’en saura guère plus sur l’activité de la Team dans son livre, ni sur son travail (on comprend vaguement qu’elle travaille à formaliser « les valeurs »). Mais on y apprend beaucoup sur l’ambiance de travail, très Sillicon Sentier, foutraque et potache.

« Le cool » et « la caillasse »

Sur dix épisodes, illustrés de ses dessins, le livre est surtout amusant sur son intégration. DRH old school ? Au début, face à ces jeunes start-uppers à la « cool », « j’ai surjoué l’ancêtre » et « appris à garder pour moi mes vieux réflexes RH ». Jean et sneakers de rigueur, elle doit surtout s’adapter au langage et aux codes : « faire rentrer la caillasse », (« l’argent »), s’habituer aux « Friday class » (partage de connaissances) improvisés, à un séminaire bouclé en 1 h 30, avec des projets nombreux approuvés « à l’applaudimètre ». Lire l’épisode 8, drôle sur son expérience d’animatrice d’un exercice de brise-glace dans une réunion avec des banquiers (« un grand moment de solitude »), avec « pitchs » et « punchlines » à la clé qui déclenchent l’enthousiasme de l’équipe. Les récits donnent aussi un bon aperçu du profil de ces jeunes geeks vifs, polyglottes de tous milieux, touchants ou un brin arrogants, comme Alphonse, un « bizdev » (traduisez commercial) de 22 ans, qui « s’autorise des discussions d’égal à égal avec le président d’un grand groupe qu’il tutoie ». Une fourmilière enthousiaste, mais au bout de deux ans, les choses se gâteront : la start-up grossit, les piliers partent, certains craquent. Et Bénédicte Tilloy finira par quitter « la Team ».

Apprentissage mutuel ?

De ces deux ans qu’elle dit « avoir adorés », l’auteure tire des réflexions assez stimulantes sur les liens possibles entre entreprise et start-up. Les grands groupes feraient bien de s’inspirer d’elles pour la souplesse accordée « aux talents » multiples, y compris pour développer des projets personnels, plutôt que de les laisser « s’ennuyer » au même poste. Inversement, si les start-up sont allergiques au management, Bénédicte Tilloy en pointe la nécessité lorsque la structure grossit, simplement « pour organiser le travail ». Mais pour elle, ces deux mondes se rejoignent sur un point : la faible place accordée aux femmes dans les directions : « Les boards étant composés d’investisseurs » dans une start-up, « les femmes courent le même le risque d’être assignées à la communication ou aux RH » que dans une grande entreprise, « le business » restant réservé aux hommes. Mais au moins, les entreprises « ont des comptes à rendre » en matière d’égalité professionnelle. Une pointe de critique sur un certain sexisme à la « Team », mais surtout beaucoup d’affection pour ces jeunes décoiffants…

Auteur

  • Lydie Colders