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Yvan William : La chronique juridique

Chroniques | publié le : 17.05.2021 | Yvan William

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Yvan William : La chronique juridique

Crédit photo Yvan William

Contentieux de la nullité du licenciement : quelques retours pratiques

La « barémisation » de la sanction des licenciements dits abusifs a eu pour effet de bord la multiplication des demandes de nullité des licenciements. Or, ce risque est parfois ignoré par l’employeur lors de l’engagement de la procédure de licenciement. Il peut se révéler en cours de procédure (dénonciation de faits de harcèlement après la convocation à entretien préalable), au moment de la notification du licenciement (y compris par une maladresse de rédaction) ou postérieurement lors de sa contestation judiciaire.

Cette insécurité juridique s’est ironiquement renforcée du fait des dispositions instituées par l’ordonnance 22/09/2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Afin d’échapper au barème ou parce que la situation le justifie, les cas de nullité cités par l’article L. 1235-3-2 du Code du travail (licenciement discriminatoire, violation de statuts protégés, harcèlement, violation de libertés fondamentales…) sont de plus en plus soulevés dans le contentieux relatif au licenciement.

L’imprévisibilité de la décision judicaire concernant la reconnaissance de la nullité fait peser une pression supplémentaire sur les processus de négociation et augmente le coût des départs négociés. Les sanctions, notamment celles prononcées lorsque la réintégration est sollicitée, sont financièrement très lourdes. L’indemnité minimale de six mois de salaire lorsque la réintégration n’est pas sollicitée permet en tout état de cause une indemnisation plus favorable que l’application du barème Macron. Certains cas de nullité reconnus par les juges et les enseignements pratiques que l’on peut en tirer méritent donc l’attention.

Faits de harcèlement

En matière de licenciement disciplinaire, la reconnaissance d’une situation de harcèlement moral ou sexuel préexistante voire concomitante au licenciement amène souvent le juge à retenir la nullité du licenciement. Que le licenciement soit présenté comme une représaille aux dénonciations du harcèlement par le salarié ou que le comportement sanctionné soit jugé comme une réaction au harcèlement (Cass. soc. 10-7-2019 n° 18-14.317). Cela peut également être le cas en matière d’inaptitude, qu’elle soit ou non reconnue d’origine professionnelle. Le salarié qui démontre que l’inaptitude trouve son origine dans un état dépressif réactionnel aux pratiques harcelantes subies obtient la nullité de son licenciement (Cass. soc. 13 février 2013 n° 11-26.380).

Violation de libertés fondamentales

Nullité invocable sans texte précis, à la différence des autres cas de nullité, c’est sans doute la catégorie qui a le plus vocation à nourrir le contentieux à venir.

Liberté religieuse et ses prolongements (port d’attributs religieux…), liberté d’agir et/ou de témoigner en justice, de dénoncer des faits illégaux, liberté d’expression (et ses nouveaux développements liés au digital), respect de la vie privée…

Quelques enseignements opérationnels

La qualité du traitement précontentieux des dossiers de licenciement est encore plus fondamentale. Ainsi, le soin apporté à la collecte des témoignages, la réalisation d’enquête objective sur les faits fautifs ou les accusations de pratiques discriminatoires, harcelantes ou attentatoires à la liberté sont décisifs.

Une préparation suffisante de l’entretien préalable et de la rédaction de la lettre de licenciement fait parfois défaut. Biens préparés, ces temps forts du licenciement permettent pourtant d’objectiver les faits et de réduire la charge émotionnelle que revêt tout départ. Ils contribuent grandement à la sécurisation juridique du licenciement.

À titre d’exemple, on rappellera que l’évocation formelle dans la lettre de licenciement d’un contentieux prud’homal préexistant sera quasi systématiquement analysée comme un reproche de l’employeur et une violation de la liberté fondamentale du salarié d’agir en justice suffisant à rendre le licenciement nul (Cass. soc. 3 février 2016 n° 14-18.600).

La formation et la sensibilisation des managers et des managés est tout aussi importante.

Libre à chacun de ne pas vouloir rentrer dans un processus trop psychologisant. Il paraît toutefois indispensable de pouvoir identifier clairement ce que recouvrent ces notions (afin d’éviter les fausses représentations), fixer les gestes professionnels appropriés et attendus par l’entreprise, définir clairement les processus internes pour prévenir et remédier à ces situations (étape par étape, de la révélation des faits à la solution opérationnelle).

Dans un temps où l’affirmation des libertés individuelles et du droit à la différenciation connaît un essor singulier, ces problématiques nécessitent un traitement approprié.

Auteur

  • Yvan William