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Le fait de la semaine

Organisation du travail : Un retour au travail encore flou

Le fait de la semaine | publié le : 03.05.2021 | Irène Lopez

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Organisation du travail : Un retour au travail encore flou

Crédit photo Irène Lopez

Ce 3 mai, les collégiens et lycéens reprennent le chemin des établissements scolaires, la limite des dix kilomètres devient un lointain souvenir et le télétravail devrait à brève échéance faire place à un retour des salariés sur site. Mais avec quelles nouvelles règles sanitaires ? Combien de jours de présence dans les bureaux et dans quelles conditions ? Toutes les régions seront-elles concernées ?

Force est de constater que la réunion en visioconférence du 26 avril dernier entre la ministre du Travail et les partenaires sociaux pour imaginer les pistes du retour progressif des salariés en télétravail sur site après quasiment une année de travail à distance n’a pas – encore – débouché sur des mesures concrètes. Élisabeth Borne s’est contentée d’écouter les desiderata des uns et des autres, sans dévoiler ses intentions. « Ce fut décevant, reconnaît Éric Chevée, vice-président de la CPME. Aucune annonce n’a été faite alors que nous attendons des faits et des dates précises. » Sauf que du côté de l’exécutif, on préfère rester flou sur le calendrier. Un déconfinement trop rapide pourrait se traduire par une reprise de la pandémie… suivie d’un nouveau confinement !

La CPME, en tout cas, se bat avec ardeur pour une réouverture des commerces et des terrasses de restaurants le lundi 10 mai. Tout comme Yohann Petiot, délégué général de l’Alliance du commerce (27 000 points de vente et 180 000 salariés représentés) : « Le 10 mai permet de bénéficier du long week-end de l’Ascension. Nous sommes prêts à ouvrir sur les bases du protocole sanitaire. On nous a annoncé une levée des circulations le 3 mai. Il serait cohérent que les commerces puissent ouvrir. » Coûte que coûte. « Peut-être de façon régionalisée, prône Éric Chevée. Au Pays basque et en Bretagne où le virus circule moins, les ouvertures pourront être plus larges. Au contraire, dans les Hauts-de-France et en Île-de-France, là où il y a le plus de contaminations, les jauges pourraient être plus restrictives. »

Dans le secteur de l’habillement, des salariés sont d’ores et déjà revenus sur site. Selon Jean-François Foucart, secrétaire national CFE-CGC en charge des parcours professionnels, de l’emploi et de la formation : « Certains managers demeurent inquiets. Remettre en route la machine risque d’être compliquée. Le serveur qui se levait tous les jours à 5 heures du matin avant la crise va devoir se réadapter. L’homme n’est pas une machine. C’est comme un marathonien qui n’a pas couru pendant deux ans, il ne va pas pouvoir recourir d’un coup. Idem dans les bureaux où les collègues devront se réapprivoiser. Pendant un an, les gens ont pensé “individuel”. Il faut réapprendre à travailler ensemble. »

Un système hybride à négocier

En mai 2020, après deux mois de télétravail, les salariés, en majorité, ne souhaitaient pas retourner dans les bureaux. Aujourd’hui, c’est différent. Il y a « une demande de reprise », selon Fabrice Angéï, secrétaire confédéral de la CGT. « Plutôt que de reprise d’activité, je préfère parler de plans de retour. Il faut qu’ils soient négociés avec les représentants de la direction. Différentes situations vont devoir être appréhendées. » Il y a ceux qui se réjouissent, certes, de retourner au bureau. Mais il y a aussi des salariés qui ont fait le choix de partir en province et qui souhaitent continuer de travailler à distance. Benoît Serre, vice-président délégué de l’Association nationale des DRH, en est convaincu : « Un nouvel équilibre est à trouver. Nous nous acheminons probablement vers un système hybride à négocier ».

Les craintes ou les appréhensions sont les mêmes qu’en mai 2020. Il y a ceux pour qui la reprise brutale du travail dans un open space après plusieurs mois passés à la maison paraît insurmontable. D’autres craignent d’être contaminés par leurs collègues. Beaucoup ont trouvé un nouvel équilibre en travaillant à distance et souhaitent reprendre en présentiel, mais pas dans les mêmes conditions qu’avant la crise sanitaire. « Pour le père de famille qui souhaite être davantage avec ses enfants, le modèle “métro, boulot, dodo” est fini. Pour ceux qui ont souffert du télétravail et qui éprouvent une grande détresse psychologique, il va falloir un accompagnement spécifique. Il y a le besoin d’un “parler vrai” pour déterminer ce que veulent les salariés », souligne Claude Martin, délégué syndical CGT pour la branche des industries électriques et gazières (160 entreprises).

Dans les entreprises, la crise sanitaire a, en tout cas, permis d’ouvrir des discussions (lire également les pages 10 à 13) sur le télétravail (temps, effectivité du droit à la déconnexion, frais engagés…). Autant de points à régler sur une nouvelle organisation du travail appelée à se développer et à se pérenniser. Sur le terrain, même la CGT, qui n’a pas signé l’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 paraphé par les quatre autres organisations représentatives, est dans les starting-blocks : « Nous n’avons pas signé l’ANI sur le télétravail faute de cadre. En ce moment, nous armons les syndicats dans les entreprises pour pouvoir négocier un cadre d’application du télétravail qui apporte des garanties aux télétravailleurs et qui conserve également un collectif de travail et une communauté de travail », indique le secrétaire confédéral Fabrice Angéï. Dans ces nouvelles organisations du travail, le rôle du management va largement être interrogé. Un sujet dont vont devoir s’emparer les DRH. « La crise a été terrible et passionnante. Nous nous sommes rendu compte que lorsque les gens n’étaient plus là, cela marchait moins bien. Mais, dans le télétravail, tout n’est pas négatif. Comment recréer une dynamique collective ? Quelle est la nouvelle stratégie organisationnelle ? etc. L’attente des salariés en termes de sécurité sur leur lieu de travail est très importante. Les conséquences RH de cette crise sont structurelles. Avec le déconfinement et le retour sur site, les DRH vont devoir être innovants. À eux de saisir cette chance ! », se réjouit Benoit Serre.

Dans les grandes entreprises, l’innovation n’est pas pour tout de suite. La priorité est davantage à la préparation du retour sur site. « Concernant le télétravail et un déconfinement à venir, nous nous conformons aux dispositifs et mesures gouvernementaux et nous appliquons strictement les consignes données. Depuis un an, nous avons appris à travailler en télétravail et à ajuster le niveau de présence physique dans les bureaux en fonction de la situation sanitaire et de ces consignes. Lorsque nous aurons une vision claire d’un environnement sanitaire plus stable, nous mettrons en place toutes les mesures appropriées et accompagnerons nos collaborateurs comme il se doit. Nous suivons donc de près l’évolution de la situation sanitaire et les consignes gouvernementales », souligne la DRH de Total. Une prudence largement causée par le régime de la douche écossaise auquel sont soumis les employeurs depuis un an.

Auteur

  • Irène Lopez