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Le fait de la semaine

Santé au travail : La « deuxième ligne » prioritaire pour la vaccination

Le fait de la semaine | publié le : 26.04.2021 | Benjamin d’Alguerre, Gilmar Sequeira Martins

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Santé au travail : La « deuxième ligne » prioritaire pour la vaccination

Crédit photo Benjamin d’Alguerre, Gilmar Sequeira Martins

Depuis le 24 avril, l’accès à la vaccination prioritaire a été étendu à 400 000 travailleurs de plus de 55 ans au sein de 25 catégories du privé. Si la liste retenue ne satisfait pas complètement les partenaires sociaux, le gouvernement veut accélérer la couverture vaccinale. Tout en garantissant la liberté de choix aux personnes concernées.

Conducteurs de bus, chauffeurs de taxi, agents de nettoyage, hôtes et hôtesses de caisse1… Une semaine après les personnels scolaires, policiers et professionnels de la petite enfance, 25 nouveaux métiers relevant du secteur privé, sont désormais prioritaires pour la vaccination. Tous les professionnels de plus de 55 ans concernés (qu’ils soient salariés, travailleurs indépendants, chefs d’entreprise ou même intérimaires en mission) peuvent, depuis le 24 avril et sur présentation d’un document attestant de leur éligibilité, réserver un créneau dans l’un des centres de vaccination mis en place par les Agences régionales de santé (ARS) pour s’y faire injecter une première dose de vaccin, pour l’essentiel fourni par AstraZeneca. Au total, 400 000 professionnels sont concernés par cette mesure. Leurs employeurs sont invités à faciliter l’accès à la vaccination sur leur temps de travail.

Les exclus de la liste mécontents

Problème : la liste des professions éligibles, élaborée à partir des critères déjà retenus en mars dernier pour identifier les travailleurs « de deuxième ligne » (exposition au risque Covid-19 et présence sur site pendant le premier confinement) et auxquels ont été ajoutés de nouveaux éléments liés à la difficulté opérationnelle de respecter les gestes barrières, à l’exercice du travail en milieu clos ou d’une profession considérée comme dangereuse par l’Institut Pasteur, ne fait pas que des heureux. Ainsi l’agriculture ou le bâtiment, pourtant attendus, ne figurent pas dans le classement final. Motif : ces deux professions ne sont ni suffisamment en contact avec le public ni en situation de travail en lieu clos pour intégrer la liste. Incompréhensible aux yeux des intéressés : « Nous aurions aimé être prioritaires dans la vaccination. Certaines de nos filières qui emploient beaucoup de salariés, comme la récolte de pommes de terre ou d’endives, sont sous la menace d’un arrêt administratif du fait de la proximité des salariés dans les champs et les ateliers », indique Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA. « Ce n’est plus l’âge qui doit être le critère de priorité, mais le degré d’exposition, renchérit Michel Picon, de l’U2P. Aujourd’hui, les salariés de 45 ans ou plus en télétravail sont moins exposés que les salariés des commerces de proximité dès qu’ils vont pouvoir rouvrir, d’autres professions au contact également comme, par exemple, les assistantes dentaires, qui n’ont pas eu encore de priorité pour la vaccination alors qu’elles travaillent avec du personnel soignant qui a eu la priorité. »

Et puis, il y a ces secteurs dont les conditions de travail ne limitent pas les risques aux seuls salariés âgés de plus de 55 ans. C’est le cas de celui de la propreté qui s’est fendu d’une demande à Matignon pour que l’intégralité des travailleurs puissent bénéficier d’une dérogation. Ces appels à un élargissement des critères ont cependant peu de chances d’être entendus dans l’immédiat : « Notre démarche s’inscrit dans la stratégie vaccinale du gouvernement : retenir d’abord l’âge et le risque de comorbidité comme critères de priorité », répond le ministère du Travail, qui assure que « les critères retenus ne sont pas nécessairement cumulatifs ».

Au final, cette extension des publics prioritaires laisse encore beaucoup de monde sur sa faim. Même parmi les syndicats de salariés qui ont bataillé lors de la consultation pour que les salariés des abattoirs et des pompes funèbres figurent sur la liste finale. « Le secteur public a été complètement oublié », s’agace Catherine Pinchaut, secrétaire nationale Santé au travail de la CFDT. « Pourtant, plusieurs services accueillant du public comme Pôle emploi, La Poste ou l’Assurance maladie sont restés ouverts : pourquoi leurs agents ne sont-ils pas éligibles ? » Même insatisfaction chez FO. « Il aurait fallu que le temps passé dans les transports en commun fasse partie des critères de sélection », regrette Yves Veyrier, le numéro un de la confédération.

Confidentialité sanctuarisée

Si la stratégie du gouvernement se veut facilitante, son application concrète risque cependant de se heurter à certaines résistances dans les entreprises. Car le principe de liberté vaccinale demeurera la norme, comme l’indique le ministère du Travail. À contre-courant des desiderata d’une partie du patronat qui n’aurait pas été fondamentalement opposée à une obligation pour faire revenir les télétravailleurs sur site. Idem concernant le choix du vaccin : alors que les réseaux sociaux et les couloirs des entreprises bruissent de rumeurs sur la dangerosité réelle ou supposée de l’AstraZeneca, beaucoup pourraient être tentés de passer leur tour pour attendre un moment plus propice lorsque sera assurée la disponibilité du Pfizer ou de tout autre vaccin considéré comme plus fiable. « La seule condition reste le volontariat », répond l’entourage d’Élisabeth Borne. Aucun salarié ne devra se retrouver en situation d’être vacciné avec un produit lui paraissant suspect.

Quant à la confidentialité de l’acte, elle est aussi sanctuarisée, même s’il apparaît difficile, pour ceux qui travaillent sur site, de cacher à leur hiérarchie et leurs collègues qu’ils abandonnent leur poste de travail quelques heures, le temps de se rendre dans un centre ARS… « C’est aussi pour préserver ce besoin de confidentialité que les centres seront ouverts le week-end », rassure le ministère du Travail. Pour Audrey Richard, présidente de l’ANDRH, la question ne devrait même pas se poser : « Les informations concernant l’état de santé et la vaccination [des salariés], sur la base du volontariat, sont confidentielles et connues du seul médecin du travail. » Quant à ceux qui voudraient conditionner leur retour sur site à l’assurance que tous les collègues sont bien vaccinés, la réponse de l’ANDRH est toute prête : « Le DRH doit répondre que les entreprises ont mis en place toutes les mesures sanitaires, qu’il s’agisse du télétravail ou des protocoles relatifs à la restauration, et que le site est apte à le recevoir. » La clarté est au rendez-vous. Sera-t-elle suffisante pour rassurer tous les salariés et les faire revenir sur site ? Réponse lors du prochain déconfinement.

(1) Conducteurs de bus, de ferry et de navette fluviale, conducteurs et livreurs sur courte distance, conducteurs routiers, chauffeurs taxi, chauffeurs VTC, contrôleurs des transports publics, agents de nettoyage, agents de ramassage de déchets, agents de centre de tri des déchets, agents de gardiennage et de sécurité, hôtes et hôtesses de caisse, employés de libre-service, vendeurs de produits alimentaires dont bouchers, charcutiers, traiteurs, boulangers, pâtissiers, professionnels des pompes funèbres, salariés des abattoirs et des entreprises de transformation des viandes.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre, Gilmar Sequeira Martins