logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

Recrutement : Avec la crise, les entretiens à distance se généralisent

Le point sur | publié le : 19.04.2021 | Lucie Tanneau

Image

Recrutement : Avec la crise, les entretiens à distance se généralisent

Crédit photo Lucie Tanneau

Depuis un an, les recruteurs ont dû s’adapter au travail à distance. Fini les entretiens physiques, c’est désormais par visioconférence que se font les premiers contacts entre un candidat et sa future entreprise. Une méthode qui offre des avantages en termes d’organisation, de bilan carbone ou de rapidité, mais qui manque de spontanéité. Et une pratique difficile à accepter pour les postes à responsabilité.

Des milliers de personnes ont trouvé, heureusement, un nouveau travail depuis un an… Pour elles, le recrutement était certainement un peu différent de ce qu’elles avaient pu connaître dans le passé ou qu’elles imaginaient comme procédure d’embauche. Et pour cause : la Covid, en obligeant les citoyens du monde entier ou presque à garder leurs distances, a obligé, de la même manière, les recruteurs à proposer des entretiens sur des plateformes de communication virtuelle ! Bon gré, mal gré, candidats et entreprises ont dû s’adapter alors qu’auparavant, les entretiens en visioconférence étaient plutôt réservés aux candidats éloignés géographiquement de l’entreprise, aux postes en télétravail total (et encore, certaines entreprises rencontraient les candidats), et surtout, aux entretiens intermédiaires ou différés, mais rarement à l’entretien de négociation définitive.

L’organisme de formation Unow, par exemple, a recruté 25 salariés l’an dernier. « Je faisais partie des personnes qui disaient que, pour faire un recrutement, il était nécessaire de voir la personne », concède Pierre Monclos, le DRH, qui a changé de point de vue : « Nous avons aménagé notre processus de recrutement, raconte-t-il. Auparavant, tout se faisait en présentiel. En 2020, vingt recrutements ont été opérés en 100 % à distance. » Avec des avantages : « C’est beaucoup plus facile à planifier. En moyenne, nous faisons quatre entretiens, et la visio permet d’accélérer le process – de quatre à cinq semaines avant, à deux ou trois aujourd’hui – car on trouve plus facilement des créneaux. Nous apprécions aussi la possibilité d’ajouter un échange avec un pair pour que le candidat se fasse un avis sur le quotidien : j’invite un collaborateur sur le temps de la visio ou je lui demande de caler un moment dans son agenda. C’est peu contraignant et ça rajoute vraiment de la valeur au processus de recrutement », explique le DRH qui continuera donc d’utiliser cette méthode par la suite.

Un atout pour attirer les jeunes

« Les entretiens en visio nous permettent d’attirer des jeunes plus facilement », reconnaît Julien Barone, le responsable recrutement du Club Med pour la zone Europe et Afrique. Depuis 2019, le Club Med fonctionnait déjà avec un recrutement « hybride », c’est-à-dire que des rencontres physiques étaient programmées avec des candidats présélectionnés sur la plateforme Club Med jobs, ou par les partenaires publics de l’emploi (Pôle emploi ou Missions locales), ou encore rencontrés lors de salons ou de job dating, tandis que des entretiens à distance avaient lieu « pour les gens peu mobiles », à qui le recruteur proposait un rendez-vous via les applications Whatsapp, Facetime ou Skype, au choix du candidat. Tous les candidats étaient auparavant contactés par téléphone pour s’assurer des attentes communes. « Depuis 2020, nous avons basculé en 100 % digital. Je pense que nous avons été moins bousculés que d’autres entreprises puisque 2019 avait déjà marqué un tournant dans ce sens : nous avions remarqué une demande croissante de la jeune génération, les moins de 30 ans, pour des entretiens à distance, ce qui avait monté à 40 % la part de visio dans nos recrutements. Les plus de 30 ans étaient prêts à faire de la route pour nous rencontrer, quitte à ce que cela engendre des frais, mais beaucoup de jeunes, non », remarque-t-il. Le souci s’est donc posé plutôt du côté des partenaires de l’emploi qui étaient, selon lui, assez peu préparés à la distance et ont donc dû s’adapter. Ce qu’ils ont fait l’été dernier, en proposant un accompagnement dès septembre aux candidats potentiels. « Un des points de vigilance était de continuer à toucher les personnes en rupture digitale, reconnaît Julien Barone. Pour des personnes qui font du service dans les restaurants, l’entretien des chambres ou s’occupent des services techniques, les compétences digitales ne sont pas nécessaires, mais le fait que le recrutement se fasse via des outils numériques pouvait être un point de blocage. Il aurait été dommage de les laisser de côté », met-il en garde. Il a donc contacté les agences Pôle emploi partenaires afin d’organiser des entretiens avec l’aide de conseillers Pôle emploi pour assurer la connexion et l’assistance technique auprès des candidats. « Ça a très bien fonctionné », félicite-t-il.

Outre les personnes en rupture numérique, le recrutement en visio est aussi plus compliqué pour certains profils et change un peu la nature de la discussion. Au niveau des conditions, d’abord, l’équité de traitement entre candidats n’est plus vraiment respectée puisqu’une mauvaise lumière ou une mauvaise connexion peut désavantager l’un d’entre eux. « Certains candidats font l’entretien depuis leur smartphone et la connexion ou l’appareil ne permettent pas toujours de bien se voir ou de transférer des fichiers, pour remplacer les books qu’ils nous apportaient en présentiel », regrette Julien Barone, qui réfléchit à créer une plateforme pour leur permettre d’envoyer des documents à l’avance. « Depuis janvier, nous leur proposons déjà d’envoyer une minividéo de présentation pour créer un contact avant l’entretien, mais ça fonctionne assez peu », reconnaît-il.

Des biais liés à la visioconférence

« Il faut être conscient des biais dus à la visio et préférer couper la caméra pour gagner du flux et entendre mieux plutôt qu’avoir du bruit ou une mauvaise connexion qui nuisent au candidat, conseille Mathieu Loué, executive manager senior chez Hays. Il faut savoir être vigilant et s’attacher à regarder la technicité, la personnalité du candidat. » Il remarque que ses clients redemandent du face-à-face car ils ont de plus en plus de mal à trancher entre les candidats présentés par les consultants. « Nous validons les profils, eux doivent choisir au feeling. En visio, c’est plus difficile, donc ils nous demandent plus qu’avant notre propre ressenti, font passer des tests de personnalité complémentaires et exigent trois références au lieu de deux », évoque-t-il.

Pour le reste, les recruteurs semblent s’habituer à l’outil numérique. « Nous organisons des sessions live pour présenter nos métiers avec un tchat pour permettre aux éventuels curieux ou candidats de poser leurs questions en direct. La première fois, nous étions quatre derrière l’écran. Avec l’habitude, deux personnes suffisent », estime Julien Barone. « Demain, on continuera à encourager la visio, pressent quant à lui Pierre Monclos. Mais si un manager préfère la rencontre pour créer un début de relation avec le futur salarié, il pourra aussi. S’il n’a jamais fait d’entretien et n’a pas l’expérience du face-à-face pour mener le recrutement, on réfléchira à une formation hybride, qui permette les recrutements tant physiques qu’à distance. » Une chose est pratiquement certaine : le recrutement ne se fera plus comme avant.

Auteur

  • Lucie Tanneau