logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Yvan William : La chronique juridique

Chroniques | publié le : 19.04.2021 | Yvan William

Image

Yvan William : La chronique juridique

Crédit photo Yvan William

La délégation de la présidence du CSE à un salarié extérieur

La conduite et l’animation des réunions des représentants du personnel constituent souvent un poids jugé bien lourd par nombre d’acteurs. Certes, l’employeur peut être assisté de ses équipes RH lorsqu’il en dispose, d’avocats et d’experts externes pour l’épauler. La délégation du personnel dispose également de moyens. Dans le cadre d’information-consultation récurrente ou ponctuelle, de risque grave pour la santé, elle bénéficie d’experts dont le financement a été récemment réformé, ce qui ne va pas sans poser certaines difficultés.

Qu’en est-il de la conduite opérationnelle des réunions ?

La délégation du personnel élue et désignée au comité social et économique bénéfice d’un collectif qui peut être important. Le président du CSE siège seul. Le Code du travail nous dit cependant qu’il peut être assisté par trois collaborateurs qui ont voix consultative (deux au CSE central). Qu’il soit DRH ou représentant légal de l’entreprise, le président du CSE dispose pourtant d’une vraie influence sur la qualité du dialogue social et endosse de nombreuses responsabilités. Il fait aussi face à des situations de crises du dialogue ou de mutation inédite dans lesquelles le relais temporaire à un expert serait salvateur.

Une jurisprudence rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation fin 2020 marque une avancée importante dans la professionnalisation de la fonction de président d’instance représentative du personnel (Cass. soc. 25/11/2020, n° 19-18.681). Le Code du travail prévoyait jusqu’alors que le CSE « est présidé par l’employeur ou son représentant ». Aucune précision n’était donnée sur les qualités du représentant auquel le président pouvait déléguer son pouvoir. Classiquement, selon les règles régissant la délégation de pouvoir, la présidence d’instance ne pouvait être attribuée qu’à une personne qui n’était pas étrangère à l’entreprise. L’existence d’un lien de droit direct entre le délégataire et l’entreprise était donc requis. Il ne pouvait donc s’agir que d’un salarié voire d’un mandataire social de l’entreprise. Le représentant devait également avoir qualité et pouvoir pour agir au nom de l’entreprise.

Depuis l’arrêt du 25.11.2020, il est désormais validé par les juges qu’un salarié d’une entité extérieure à l’entreprise puisse siéger comme président d’instance. La Cour de cassation pose plusieurs conditions :

• Le représentant de l’employeur doit être investi de toute l’autorité nécessaire pour l’exercice de sa mission ;

• Il doit disposer des compétences et des moyens pour apporter les réponses utiles et nécessaires à l’instance ;

• Il doit pouvoir engager l’entreprise dans ses déclarations à l’instance.

On regrettera qu’en dépit d’une motivation d’apparence générale, le principe de la délégation de la présidence d’instance à un salarié extérieur semble limité au groupe de sociétés. En effet, dans cette affaire, le représentant de l’employeur était d’abord un salarié d’une autre entité du groupe délégué auprès du président comme chargé de mission pour la direction opérationnelle et stratégique, puis un chargé des ressources humaines. On attend des précisions sur ce point, mais il semble que le représentant de l’employeur ne puisse être totalement tiers vis-à-vis de la société et qu’il doive à minima appartenir aux effectifs d’une société du même groupe.

Nombre d’entreprises dont la taille ou la structuration ne permet pas de recourir à un expert interne devraient pourtant pouvoir bénéficier d’un appui externe en la matière. Une telle évolution serait souhaitable au regard de la complexification technique du droit de la représentation du personnel, mais aussi (et surtout) des compétences relationnelles et de l’expérience nécessaire à la conduite efficace du dialogue social, particulièrement dans les entreprises de 50 à 250 salariés où les besoins sont les plus criants.

Le dispositif de prestation de conseil en ressources humaines (reconduit pour un an) piloté par les DREETS (ex-Direccte) prévoit notamment des actions visant à l’amélioration du dialogue social qui auraient pu être mobilisées (financement de 50 % maximum du coût total HT de la prestation plafonné à 15 000 € HT).

Gageons que cette clarification de la jurisprudence en matière de délégation de la présidence des instances représentatives ne soit qu’un premier pas. En temps de crise, la professionnalisation des relations sociales reste un enjeu important pour la reprise durable des activités.

Auteur

  • Yvan William