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« Les syndicats doivent trouver de nouveaux modes d’action »

Le point sur | publié le : 12.04.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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« Les syndicats doivent trouver de nouveaux modes d’action »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Philippe Trouvé expose les causes de la faiblesse syndicale dans les petites entreprises ainsi qu’une réalité conflictuelle encore ignorée.

Pourquoi un tel désert syndical parmi les petites entreprises ?

Les TPE sont fondées historiquement sur un modèle familial, qui reste très important et couvre sans doute encore au moins 40 % du tissu productif. Ce modèle est marqué par des formes de relations sociales informelles offrant peu de prise au syndicalisme traditionnel, qui s’est forgé surtout dans les grandes entreprises. Ce modèle générique des TPE a perduré pendant longtemps et a constitué un frein historique à l’implantation syndicale. Mais il a cependant connu depuis les années 1980 un déclin massif du fait des transformations du système productif. Dans le commerce ou le nettoyage, par exemple, de plus en plus de TPE sont aujourd’hui intégrées dans de grands groupes, sous forme de filiales ou de franchises, amenant du même coup une rationalisation des rapports sociaux. En parallèle se produit un phénomène générationnel. Les héritiers des dirigeants familiaux des TPE ont un niveau d’instruction supérieur à celui de leurs parents, bac+2 ou bac+3, et introduisent une autre vision de l’entreprise, vision qui emporte une forme de rationalisation des rapports avec les salariés. L’entreprise n’est plus seulement articulée autour de la maîtrise d’un métier. S’y ajoutent des préoccupations gestionnaires, voire l’introduction d’un projet d’entreprise. Ce phénomène aurait pu être favorable aux syndicats mais il se trouve que les formes modernes de management se sont accompagnées d’un processus d’individualisation du rapport salarial, peu favorable aux actions collectives menées par les syndicats.

Comment les syndicats peuvent-ils surmonter ce problème ?

Il y a eu beaucoup de réflexions autour de cette question. Comme les TPE sont en général dépourvues d’instances représentatives du personnel, une alternative a consisté à envisager l’action syndicale sur la base du secteur d’activité ou des territoires. Cette problématique a commencé à émerger dans les années 1990. De même, sur le plan législatif, on a tenté d’organiser un dialogue social formalisé dans les TPE par voie de référendum, avec les ordonnances de décembre 2017. Mais toutes ces initiatives n’ont pas profondément fait évoluer la situation de l’action syndicale dans les TPE. La taille joue un rôle mais le secteur aussi. Une petite entreprise dans un domaine de haute technologie n’a rien à voir avec la tradition familialiste historique. L’implantation d’un syndicat ne sera pas pour autant plus facile mais pour d’autres raisons. Dans une start-up, par exemple, les salariés sont en général très diplômés et font peu appel aux syndicats.

La conflictualité est-elle pour autant inférieure à celles des entreprises plus grandes ?

En matière de dialogue social, toutes les enquêtes publiées par le ministère du Travail montrent régulièrement que, plus la taille des entreprises est petite, moins il existe de négociation formalisée et moins le nombre de conflits est important (à peine 3 % à 4 % des entreprises de 2 à 9 salariés déclarent un conflit chaque année). D’où l’hypothèse que les conflits relevés par les administrations sont plutôt de type collectif alors que les conflits dans les TPE sont plus individualisés. Pour vérifier cette hypothèse, j’ai réalisé au début des années 2000 une étude avec mes étudiants en mastère spécialisé en gestion RH de l’ESC de Clermont-Ferrand sur les conflits juridicisés dans les TPE, à partir d’une analyse de dossiers prud’homaux. Nous cherchions à savoir qui déclenchait en général le conflit et quelle était sa nature. Il est apparu que la conflictualité dans les TPE était en réalité plus importante que prévu, que les salariés âgés de moins de 30 ans avaient une tendance plus forte que leurs aînés à l’action individuelle plutôt que collective et qu’ils saisissaient plus souvent les conseils de prud’hommes que les représentants du personnel ou les syndicats. Cette enquête montrait d’ailleurs une évolution de la nature de la conflictualité qui porte plutôt sur le contrat de travail, le temps de travail et les licenciements abusifs alors que les conflits qui impliquent des syndicats portaient traditionnellement plutôt sur les conditions de travail et les salaires. De mon point de vue, poser la question de l’action syndicale dans les TPE pose aussi en parallèle celle de l’action syndicale elle-même. Les syndicats vont devoir prendre en compte l’évolution du système productif pour trouver de nouveaux modes d’action.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins