Mauvaise analyse des dysfonctionnements, mille-feuilles : les organisations ne font que créer un « surtravail » inefficace, selon Olivier Tirmarche. Dans Le Nouvel Horizon de la productivité, ce consultant passe au crible cet aveuglement coûteux pour les entreprises.
Une DRH qui court constamment avec des « projets de changement », une directrice d’agence bancaire pressurisée qui passe son temps en formation : il semble que « nous dépensions une partie de notre temps pour rien », tranche Olivier Tirmarche. Les gains de productivité existent pourtant, selon lui. « Mais le plus incroyable, c’est que, malgré tous les efforts de rationalisation, ils continuent d’exister parce que nous construisons des organisations qui ajoutent du travail au travail », estime ce sociologue, consultant en organisation. Peut-on lutter contre ce gâchis, qu’il nomme « le surtravail » ? Oui, répond-il dans son livre. S’adressant aux dirigeants, l’auteur entend démontrer que toute entreprise « a les moyens d’économiser du travail sans dégrader les résultats » ni épuiser les salariés. Dans son ouvrage méticuleux, illustré de cas d’entreprises, il analyse les erreurs stratégiques et celles liées à l’organisation du travail, qui intensifient le rythme sans rapporter « aucune valeur ajoutée » à l’entreprise. Et donne des pistes de réflexion pour éviter des usines à gaz nuisibles à tous.
Pour lui, le problème majeur est « le goût de la complication » des entreprises. Il insiste sur la fâcheuse tendance des DG à se tromper sur la cause des « dysfonctionnements » en rajoutant « une couche » : créer un poste de planification qui ne résoudra pas un souci de répartition de la charge de travail (exemple d’un cabinet de conseil), développer des outils de gestion à perte en se fourvoyant sur l’origine d’une baisse de réservations (cas d’une société d’hôtellerie). Cet « alourdissement des structures est une menace » pour les grands groupes et les PME, prévient le consultant. Des solutions onéreuses qui grippent la machine, et noient les salariés dans « un management abstrait ».
Sur l’obsession du contrôle (« le trop-plein » de procédures) coûteuses et chronophages, Olivier Tirmarche est plus pondéré. S’il juge nécessaire « un relâchement » du temps, la solution ne serait pas non plus dans l’autonomie totale. En tout cas pas sous la forme de l’entreprise libérée qu’il critique, car « créant des zones d’opacité » et « d’instabilité », en supprimant les échelons intermédiaires. Il faudrait trouver le juste « balancier ». Ce sociologue de formation, lui, revendique un contrôle humain. Et donne des pistes « pour organiser un soutien hiérarchique » des cadres de proximité « centré sur la production », à condition qu’ils aient tous l’occasion d’apprendre et d’échanger. L’analyse est un peu froide, mais intéressante. L’auteur conclut avec une série de « micro-changements possibles » pour éviter les « échecs » : mutualisation, externalisation, fonctions essentielles à prendre en compte si l’entreprise doit restructurer… Un livre qui résonne avec l’actualité.