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Santé au travail : Avec les tests, chaque entreprise fait ce qu’il lui plaît

Le point sur | publié le : 22.03.2021 | Irène Lopez

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Santé au travail : Avec les tests, chaque entreprise fait ce qu’il lui plaît

Crédit photo Irène Lopez

Les tests de dépistage n’ont pas été une priorité officielle lors des premières infections par le coronavirus. Chaque entreprise a alors pris les dispositions qui lui semblaient adéquates. Cela a donné lieu à des situations très différentes : des tests dès les premiers signes de la pandémie, des tests une fois la crise sanitaire installée, pas de tests du tout. À chaque fois, les arguments sont bien affûtés.

Parmi les entreprises, on trouve tous les cas de figure. Il y a d’abord celles qui ont testé très tôt, quitte à susciter le courroux du gouvernement. C’est le cas du groupe Véolia. « Quand la pandémie a émergé en Asie, nous avons immédiatement réuni la cellule de crise au sein du siège. Nous avons fait le nécessaire pour protéger nos salariés : masques, gel, thermomètre… et campagnes de communication, raconte Frédéric Goetz, directeur prévention santé et sécurité Veolia au sein de la direction des ressources humaines. En complément de ce dispositif habituel, avec un laboratoire, partenaire, nous avons fait une campagne de tests au mois d’avril 2020 avec des tests PCR et sérologiques. » Et ce, contre l’avis du gouvernement qui a fait savoir qu»il était « interdit de faire des campagnes généralisées de dépistage en entreprise ». Véolia a réalisé ces campagnes à trois reprises : au printemps, avant Noël et en tout début d’année.

La première campagne visait clairement la prévention pour la santé des salariés, au niveau personnel et pour leur famille. Au niveau professionnel, il s’agissait d’éviter les clusters et de les gérer au plus vite, le cas échéant. La deuxième campagne, avant Noël, avait un objectif de santé publique. Il était important de rassurer les salariés avant qu’ils n’aillent voir leur famille. La troisième, enfin, avait pour but d’éviter les clusters de retour de congés. Les 50 000 salariés au niveau national avaient la possibilité de se faire tester. « Au siège, un laboratoire partenaire nous a accompagnés. Sur les différents sites, nous avons organisé des Drive. Au printemps, sur la base du volontariat et en totale concertation avec les partenaires sociaux, plus de 30 000 salariés se sont fait tester au sein de Véolia, ajoute Frédéric Goetz. Tant que l’immunité collective n’est pas atteinte, nous continuerons à être vigilants et à faire de la prévention. Une nouvelle campagne est prévue pour la période de Pâques. » La question du coût des dispositifs est balayée par le directeur : « La première campagne de dépistage n’était pas gratuite. Nous l’avons prise à notre charge, quoi qu’il en coûte, pour reprendre les mots du chef de l’État. Notre préoccupation était la prévention du risque sanitaire. Nous avons déployé les moyens. »

La santé, notre ADN

Il y a, ensuite, les entreprises qui ont proposé des tests à leurs collaborateurs au mois de septembre dernier. Sur les 130 personnes travaillant au siège de la Mutuelle générale, à Paris, 100 se sont portées volontaires et ont effectué le test de dépistage. « Nous avons fait venir un laboratoire d’analyses au sein de l’établissement, explique Stéphane Gannac, DGA en charge des RH. La procédure était simple : il suffisait aux salariés volontaires de s’inscrire par mail. Un test PCR était réalisé toutes les 5 minutes. » Ce qui paraît simple et naturel aujourd’hui sortait de l’ordinaire il y a six mois. « Il fallait alors faire trois heures de queue pour arriver à se faire tester dans un laboratoire d’analyses, rappelle le DGA. Faire venir le laboratoire chez nous a été très apprécié, y compris par les partenaires sociaux. Nous sommes une mutuelle santé. Il est normal de se préoccuper de la santé de nos collaborateurs. La santé, c’est notre métier. Elle fait partie de notre ADN. » La même campagne de dépistage a été réalisée 48 heures avant Noël, puis à la fin du mois de décembre.

D’autres entreprises ont suivi à la lettre les directives officielles, comme le groupe La Poste. « À l’issue du premier confinement, nous avons demandé à la direction de pouvoir bénéficier de tests de dépistage. À l’époque, le gouvernement était en plein cafouillage avec le port du masque et les tests de dépistage n’étaient même pas un sujet. À partir du moment où il n’y avait pas de directives officielles, La Poste n’était pas tenue de mettre en place des campagnes de dépistage. Elle n’en a donc pas donné la possibilité. Nous suivons scrupuleusement les directives gouvernementales », indique Christian Billet, président de la section nationale CFTC La Poste.

L’Association paritaire de santé au travail du bâtiment et des travaux publics de la région parisienne, qui compte 15 300 adhérents, ce qui représente 168 000 salariés, ne pratique pas de tests au sein des entreprises. Dominique Leuxe, médecin et DGA, s’en explique : « Les consultations pour nos salariés du BTP sont suffisamment chronophages pour ne pas rajouter un test PCR. En outre, le personnel des laboratoires d’analyses possède le geste adéquat. Certaines associations le font pour de très grands groupes. Pas la nôtre. »

Sans test mais avec une stricte sécurité

Certaines entreprises ont mis au point un protocole sanitaire suffisamment strict pour pouvoir se passer des tests. C’est le cas, par exemple, du site PSA à Trémery (près de Metz, en Lorraine), qui compte 2 500 collaborateurs : « Nous ne pratiquons pas de tests, souligne Laetitia Usan, responsable de section CFTC. Le salarié s’autocontrôle. Nous prenons notre température et sommes attentifs aux symptômes. En cas de doute (fièvre, toux …), nous ne venons pas à l’usine et nous allons voir notre médecin généraliste. De même, si nous avons un doute alors que nous sommes à notre poste, nous allons voir le médecin du travail qui nous renvoie vers notre médecin référent. Ce dernier peut prescrire (ou pas) un test. Le salarié l’effectue en dehors du cadre professionnel. Si le test est négatif, le salarié revient à l’usine. S’il est positif, son médecin généraliste lui prescrit un arrêt de travail. » Dès le parking de l’usine, le port du masque est obligatoire. PSA les fournit. Le salarié doit en changer toutes les 4 heures. À l’entrée, le salarié signe un document, sur l’honneur, qui énonce qu’il n’a aucun des symptômes de la Covid-19. Les locaux sont aérés 15 minutes toutes les heures. Les salariés ont à disposition du gel hydroalcoolique, des produits pour nettoyer tables et chaises. Un service de nettoyage passe dans les locaux toutes les heures. Les distanciations sont respectées… L’exécution du protocole est quasi militaire.

La mise en place de tests de dépistage n’a pas convaincu la totalité des entreprises, dont certaines misent sur la confiance. Michèle Sully, DRH de transition chez Delville management, est une professionnelle des RH depuis plus de quarante ans. En 2020, elle est intervenue pendant neuf mois chez VMF, une entreprise familiale qui emploie 2 000 salariés en France et 9 000 salariés hors de l’Hexagone pour extraire des parfums à destination des produits cosmétiques, d’entretien et alimentaires. Au plus fort de la crise sanitaire, les usines qui fournissent les entreprises agroalimentaires tournaient à plein régime. « Tout le monde était mort de trouille, raconte la DRH. Le dirigeant est venu aux grilles de l’usine et a distribué des masques. Avec un an de recul, c’est évident. Mais ça ne l’était pas il y a un an. Le patron a montré le nord. Le signal qu’il a envoyé a été : Vous êtes importants pour moi, je me mouille. »

Les tests ne valent pas prévention

Pour Michèle Sully, les tests PCR ne sont pas l’absolue panacée : « Un résultat négatif ne vaut pas prévention. La personne testée peut attraper le virus à la sortie du laboratoire. » Elle met en avant la confiance et la responsabilité de chacun dans cette entreprise familiale. « Quand un dirigeant montre qu’il accompagne ses salariés, ça marche, ajoute Michèle Sully. S’il attend les directives du ministère, le monde peut tomber. Sans opposer les entreprises familiales et les entreprises d’actionnariat, j’ai quand même remarqué que, dans les premières, on fait. On n’attend pas l’avis des actionnaires. »

Présidente de la CFE-CGC Santé au travail, le docteur Anne-Michèle Chartier approuve l’attitude de VMF : « Le test PCR est une fausse sécurité. Prenez le cas d’un salarié dont le test est négatif mais dont le scanner des poumons est typique de la Covid-19 ! » Elle-même a été submergée d’appels de la part des DRH demandant des conseils : « Nous étions en réunion à telle distance les uns des autres. Avons-nous pris un risque ? Je vous envoie une photo des lieux pour que vous me donniez votre avis. » La preuve que la crise sanitaire a généré beaucoup d’interrogations et d’incertitudes dans la profession.

Auteur

  • Irène Lopez