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Le fait de la semaine

Élections professionnelles : Des syndicats si loin des salariés des TPE

Le fait de la semaine | publié le : 22.03.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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Élections professionnelles : Des syndicats si loin des salariés des TPE

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Du 22 mars au 4 avril, les salariés des TPE pourront choisir leurs représentants lors des élections professionnelles. Il reste aux syndicats à les convaincre de l’intérêt de ce scrutin.

Pour leur troisième édition, les élections professionnelles dans les entreprises de moins de onze salariés vont-elles mobiliser les cinq millions de salariés concernés ? Les deux précédents scrutins, organisés en 2012 et en 2017, avaient donné des résultats très modestes. Après une première édition qui avait culminé à 10 % de participation, la seconde n’avait pas réussi à faire mieux. Le taux de participation en 2017 n’a même pas atteint 8 %. Pour Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l’association Dialogues, cet indicateur revêt pourtant une importance primordiale : « La participation sera l’un des enjeux clés de cette consultation. Compte tenu de la situation de crise sanitaire qui continue de peser, il sera compliqué d’aboutir à une analyse claire des résultats. Globalement, il faut se rappeler que la participation aux élections professionnelles s’inscrit dans une tendance à la baisse depuis une dizaine d’années. La participation aux scrutins pour désigner les membres des CE a reculé de 8 % en dix ans, passant de 63 % en 2009 à 55 % en 2016. Dans le secteur public, le taux de participation aux dernières élections professionnelles est passé pour la première fois sous le seuil de 50 %. »

Une évolution qui pousse d’autant moins à l’optimisme que ce scrutin souffre d’autres handicaps, souligne Yves Veyrier, secrétaire général de FO : « Ces élections n’ont pas bénéficié d’une promotion suffisante des pouvoirs publics et elles seront aussi impactées par le décalage entre le moment pris en compte pour établir la qualité d’électeur, c’est-à-dire le contrat de travail en vigueur en décembre 2019, et le moment de l’élection lui-même. Plus d’une année sépare ces deux moments. Par ailleurs, certains salariés ont entre-temps changé de situation. Cela engendre toute une série de désordres qui ne favorisent pas un taux de participation élevé. En 2016, ce taux était de 7 %. Avec la crise sanitaire et l’arrêt de nombreuses activités, il est difficile d’entrer en contact avec les salariés et leurs préoccupations quotidiennes, ce qui les éloigne de ce scrutin. Je crains fort que le taux de participation ne soit pas très élevé. »

Une très grande diversité

Initialement prévues le 23 novembre et le 6 décembre 2020, les élections dans les TPE ont en effet été reportées en 2021 en raison de la crise sanitaire. Elles doivent se dérouler entre le 22 mars et le 4 avril, à travers un vote électronique ou postal. Le ministère du Travail a créé un site ad hoc pour informer les salariés (https://election-tpe.travail.gouv.fr/). Si la crise sanitaire freine les contacts directs, mode privilégié d’échange pour de nombreuses organisations syndicales, elle suscite aussi de nouvelles demandes, note cependant Inès Minin, secrétaire nationale de la CFDT : « Nous avons eu un afflux de messages concernant les conditions de travail et leurs droits, sur les heures supplémentaires par exemple. » Au-delà des difficultés provoquées par la crise sanitaire, les organisations syndicales doivent aussi surmonter celles qui sont spécifiques à cette catégorie de salariés. « Parmi les entreprises de moins de onze entreprises, beaucoup ne comptent que deux à trois salariés, souligne Yves Veyrier. Et il y a 1,5 million de salariés qui sont employés par des particuliers et rémunérés avec le système des Cesu. Ces salariés ont des profils d’une très grande diversité et couvrent beaucoup de secteurs professionnels. »

Les élections dans les TPE présentent par ailleurs des caractéristiques particulières dont certaines pourraient fausser la lecture des résultats, estime Cyril Chabanier, président de la CFTC : « La présence de listes professionnelles ou régionales est de nature à fausser le calcul sur la représentativité interprofessionnelle, qui ne concerne que les organisations syndicales. Il y a des listes de gardiens d’immeubles ou une liste des travailleurs corses, par exemple, mais ils ne sont pas concernés par le calcul sur la représentativité. Les salariés se retrouvent parfois à choisir entre 14 ou 15 listes différentes. Quand une liste professionnelle capte 30 % des voix, ce sont autant de votes qui ne bénéficient pas aux organisations syndicales. »

Une « vision tronquée »

Les enjeux sont pourtant clé pour les salariés, estime Inès Minin, de la CFDT : « L’enjeu de ces élections est de montrer aux salariés des TPE que le dialogue social les concerne aussi. Nous avons fait en 2016 une enquête dans laquelle ils disaient qu’ils ne se sentaient pas concernés par ce qui est négocié par les partenaires sociaux. À leurs yeux, les mesures obtenues bénéficient aux salariés des grandes ou moyennes entreprises, mais pas à eux. Ils ont une vision un peu tronquée et considèrent que ce qu’obtiennent les partenaires sociaux ne les concerne pas. »

L’impact de ce vote sur les poids respectifs des différents syndicats en termes de représentativité est le second enjeu qui focalise les énergies. « La CGT était arrivée en tête aux dernières élections dans les TPE, devant la CFDT, rappelle Jean-Dominique Simonpoli. L’enjeu est de voir si ces élections vont aboutir à un rééquilibrage entre les deux organisations. » En 2017, la CGT avait recueilli 25,1 % des suffrages, la CFDT 15,5 %, FO 13 % et l’Unsa 12,5 %.

Indépendamment des résultats, d’autres indicateurs montrent une évolution du rapport des salariés des petites entreprises aux syndicats, selon Jean-Dominique Simonpoli : « Les chiffres de la Dares indiquent pour 2018 que 4,5 % des entreprises de 10 à 49 salariés ont des délégués syndicaux. Il y a naturellement plus de délégués du personnel puisque tous ne sont pas syndiqués. Malgré cette faible présence syndicale, on assiste à une augmentation du nombre d’accords conclus, que ce soit par la négociation, le référendum ou des initiatives d’employeurs. C’est le signe qu’il se passe quelque chose. » Ce mouvement de fond va-t-il impacter l’édition 2021 des élections dans les TPE ? Réponse le 16 avril, jour de la proclamation des résultats.

Un cycle électoral lancé en 2012

La loi du 20 août 2008 (n° 2008-789) a transposé dans le Code du travail les règles sur la représentativité définies par les partenaires sociaux dans leur position commune du 9 avril 2008. Elle a mis fin à la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficiaient depuis 1966 cinq confédérations syndicales (CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGC). Cette première loi n’avait cependant pas figé la question des salariés des TPE comptant moins de onze salariés. Il faudra atteindre la loi du 15 octobre 2010 (n° 2010-1215) et le décret du 28 juin 2011 (n° 2011-771) pour que soient fixées les modalités de mesure de l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés. La première consultation de ces salariés a eu lieu en 2012 et le taux de participation a atteint 10,32 %.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins