Ils étaient consultants, analystes financiers, responsables du marketing ou de la communication dans des entreprises multinationales. Ils sont devenus bouchers, journalistes, enseignants ou professeurs de yoga. A priori, la reconversion de ces diplômés d’une des dix plus grandes écoles de management correspond à une rupture radicale. Toutefois, il s’agit plutôt d’un processus progressif et cohérent, selon une enquête de la chercheuse Ludivine Le Gros, dans le dernier numéro de la revue « Formation emploi ». Pour certains, dès la sortie de leur école, l’entrée par « la grande porte » dans un poste stratégique en CDI ne tient pas toutes les promesses : des horaires extensifs la nuit ou le week-end, des déplacements incessants ou des rapports hiérarchiques compliqués. Une déception peu fréquente chez les jeunes diplômés, car 83 % se déclarent satisfaits de leurs débuts dans la vie active (enquête Insertion CGE 2020). Puis, après plusieurs années dans le métier (entre trois et quinze ans), tous décrivent une forme de « désengagement » qui se manifeste par une « frustration diffuse ». C’est alors qu’un ou deux événements marquants sont souvent présentés « comme de véritables déclencheurs de la bifurcation ». Deux tiers des personnes interrogées sont parties parce qu’elles se trouvaient en désaccord avec des décisions prises ou parce qu’elles n’avaient pas réussi à imposer leurs idées ou manières de faire. Leur rôle de décideur « apparaissait comme limité, par le métier exercé, l’entreprise ou le type d’organisation dans laquelle ils travaillaient ». La reconversion constitue « un moyen de se réapproprier » ce rôle auquel ils ont été formés.